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Né à Taragonne en 1864, Salvador Guardiola Sunyer n’avait pas pour destin premier de devenir le patriarche d’une des familles taurines des plus prestigieuse de l’histoire de la tauromachie. Officier militaire, il exerce comme capitaine de navire. Mais il va épouser une andalouse de Utrera, Consolación Fantoni de los Ríos, *condesa de Jimena de Líbar,* qui sera la source taurine de la famille. Elle était la petite fille de Juan de los Ríos Mateos, un des éleveurs les plus importants d’Utrera et de toute l’Andalousie. L’homme possédait huit immenses propriétés parmi lesquelles on retrouve « El Toruño », qui deviendra le fief des Guardiola. Salvador et Consolación eurent cinq enfants dont deux fils, Salvador et Juan, qui vont inscrire à jamais le patronyme des Guardiola au panthéon de la tauromachie.
Juan et Salvador Guardiola Fantoni sont néé à Utrera. Ils étudient au collège jésuite du Puerto de Santa Maria avant de lancer leurs études. Salvador passant avec succès le diplôme d’ingénieur industriel dans une école de Bilbao avant d’approfondir ses connaissances à New York. De retour en Andalousie il exercera de multiples fonctions très diverses. Conseillé de *Banco de Andalucia* et de la *copañia de seguros Iberia*, il est également au conseil d’administration de Textiles del sur y de Molinos de Ceuta, ainsi qu’actif dans des entreprises de culture coton et de riz. L’héritage des terres familiales, sera un atout majeur pour lancer ses activités. Les deux frères font partie de l’aristocratie Andalouse et leurs noms sont souvent mentionnés dans les journaux mondains de l’époque où on se plait à énumérer à la mode catalogue, les participants des fêtes ou autres réunions illustres. Leurs fréquentations les amènent à côtoyer les grands éleveurs de l’époque qu’ils affrontent parfois lors des acosos y derivos. Cette proximité du milieu taurin, va les pousser à se lancer eux aussi dans l’aventure. Le premier à franchir le pas fut Juan, l’ainé. Trois ans plus tard, son frère Salvador l’imite et créé à son tour son élevage. Le choix se porte sur la devise du Marquis de Villamarta dont la plus grande part de son héritage était au main du Marquis de Villabragima. Salvador Guardiola Fantoni connaissait bien le Marquis de Villabragima, avec qui il avait l’habitude de participer de colera aux acosos y derribos. En novembre 1944, il lui achète l’intégralité de son troupeau ainsi que ses deux fers. L’un est inscrit à son nom, pour lequel il choisit de reprendre la devise originale du Marquis de Villamarta, vert bouteille et vieil or, et l’autre au nom de ses enfants les « Señores Guardiola Dominguez ». Le troupeau était issu d’un savent mélange de sang que soulignait la diversité des robes. Ainsi, on retrouvait sur les pâtures de « El Toruño » des bêtes negra, castañas, cardenas, bragadas, liston* et même *berrendas*. Notre jeune ganadero, âgé de la quarantaine, avait beaucoup d’ambition et ne comptait pas s’arrêter là. A peine installé, il constitue en 1946 un second troupeau en achetant pas moins de deux élevages. Ceux de Manuel Guerrero Palacios et de Salvador Nogueras, tout deux d”origine Garcia Pedrajas.
Les années 50 lancent les ganaderias de Salvador Guardiola Fantoni, même si au milieu des succès se mêlent aussi fréquemment des polémiques agrémentées de sanctions. Dans les palmarès de fin d’année qui recensent les amendes infligées aux ganaderos on retrouve avec récurrence le nom de Guardiola, pour cause de manque de poids ou afeitado. Cependant les Guardiolas font leur trou et s’imposent peu à peu.
1960 sera une année noire. L’ainé des 15 enfants de la famille, Salvador Guardiola Dominguez qui officiait comme rejoneador venait de se marier au printemps. Le 21 Aout, il participait à un spectacle de rejon à Palma de Mallorca au cours duquel il se brisa le crâne. Il décèdera à l’infirmerie des arènes, devenant le premier rejoneador Espagnol décédé *en plaza*. Agé de seulement 31 ans, la nouvelle arriva rapidement à Séville ou elle fit grand bruit. Ses funérailles attirèrent la foule dans les rues de Utrera, rappelant les scènes vécues à la mort de Joselito.
Juan Guardiola Dominguez surnommé dans le milieu comme « Juanito » seconde alors son père avant de prendre peu à peu le premier rôle. Secondé à partir de 1958 par Luis Saavedra, mayoral d’exception, le duo sut porter les Guardiola au ciel.
Quelque temps après le décès (1993) de leur mère Maria Luisa Dominguez Perez de Vargas, la famille Guardiola Dominguez débute sa dissolution. La première vente sera en 1995 l’élevage de Salvador Guardiola Dominguez, vendu au torero retraité José Ortega Cano. Il installe le troupeau à Castilblanco de los Arroyos au Nord de Séville sur la finca “Dehesa Matute” acquise au torero Espartaco. En compagnie de son épouse, la célèbre chanteuse Rocío Jurado, il réhabilite la propriété et la renomme Yerbabuena. Un Y orné d’une feuille de menthe sera le nouveau fer de la ganaderia qui est rebaptisée Yerbabuena. José Ortega Cano ajoute une seconde rame d’origine Domecq par des bêtes de Jandilla et Luis Algarra tout en conservant précieusement les "Pedrajas". Les deux souches bien distinctes sortent sous le même fer avec la même appellation et dans les mêmes festejos. Ce qui porte souvent à confusion ou à interogation. Peu pris au sérieux lors de ses débuts, José Ortega Cano va remporter quelques beaux succès dans le circuit des novilladas, prenant même la tête de l’escalafon de la catégorie en 2006. Une année ou le novillo "Indeciso" eu les honeurs de la vuelta al ruedo à Madrid, mais aussi et surtout une année de douleur avec le décès *Rocío Jurado* des suites d'un cancer du pancréas. Très affecté par le décès de son épouse, José Ortega Cano passe une trés mauvaise période jusqu’en 2011 ou il cause un accident de voiture gravissime dans lequel une homme perd la vie. De ce fait il sera condamné à 2 ans de prison qui le contraigne à vendre la propriété et la ganaderia en 2013.
La nouvelle propriétaire, Rocío Leonor Torres Carcasi, défrai la chronique par le montant de la transaction qui dépasse les 5 millions de dollards. La jeune femme est l’héritière* d'une famille qui a fait sa fortune dans l'industrie minière au Pérou. Son père, Percy Torres, était un entrepreneur minier influent, fondateur de l'entreprise Titán active dans l'extraction d'or. Il décède en 2011 à l’âge de 46 ans. L’année suivante, son fils et héritier, Iván Torres Carcasi est assassiné lors d'une attaque armée alors qu'il transportait plus de 100Kgs d'or. Rocío devient alors l'héritière principale de la fortune familiale. Elle subit des menaces de mort ainsi que sa mère, Maura Cecilia Carcasi Núñez, qui les obligent à vivre sous haute protection et à s’expatrier en Espagne.
La passion taurine, lui vient de son père qui avant de mourir avait acheté l'élevage de "Checayani" installé dans la région montagneuse de Puno au Pérou. En espagne, Rocío conserva un temps le gérant de l’élevage, le très compétent José Maria Almodovar qui garde un troupeau restreint ainsi que les deux lignes Jandilla et Pedrajas. Tout reste en place à Yerbabuena, même si l’élevage ne fait pratiquement aucune sortie. Une discrétion que recherche sans aucun doute Rocío.
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Salvador Guardiola Fantoni a fondé son empire autour de ses deux encastes Villamarta et Pedrajas. Mais ce dernier a toujours eu une place spéciale, beaucoup moins prolifique en nombre et chérie par l’aficion. Si l’étendard était le fer de son épouse Maria Luisa Dominguez y Perez de Vargas, le fer plus discret de son fils ainé Salvador Guardiola Dominguez disposait du même bétail.
En 1946, à peine installé, Salvador constitue un second troupeau en achetant pas moins de deux élevages qui dérivent tous deux de la ganaderia de Garcia Pedrajas. Au mois de Mai 1946, il achète d’abord l’élevage de Manuel Guerrero Palacios, dont les bêtes avaient été acquises dix ans plus tôt à Mariano Fernandez Gomez, époux de Magdalena Garcia Natera, fille de Garcia Pedrajas. Elle avait hérité de la moitié du troupeau de son père, partagé avec son frère Francisco. Les 204 têtes firent le voyage depuis la province de Cordoue (La Carlota) vers Utrera. Les rejoignirent quelques mois plus tard leurs cousines, puisque Salvador Guardiola Fantoni acquis également via Salvador Nogueras, futur beau-père de son fils Alfonso, la totalité de l’élevage de Mariano Fernandez Gomez qui détenait le fer historique de Pedrajas. Salvador Nogueras joua un rôle purement anecdotique puisqu’il venait à peine d’acquérir la devise. Là encore le bien acquit par Salvador était des plus précieux. Le fer de Pedrajas fut inscrit au nom de son épouse Maria Luisa Dominguez y Perez de Vargas, tandis qu’un nouveau fer, inspiré du fer des Guardiola Dominguez fut titré au nom de l’ainé du couple, Salvador Guardiola Dominguez.*
Juan Guardiola Dominguez surnommé dans le milieu comme « Juanito » seconde alors son père avant de prendre peu à peu le premier rôle du fait du décès de son frère Salvador. Contrairement aux modes de l’époque, qui tendent à soustraire de la race au toro de combat, « Juanito » recherche la caste et la bravoure. Et ce sont bien ces deux fondamentaux qui vont faire la gloire des Guardiola. Une réussite de part sa direction mais aussi de part son application. Si bien qu’on le nomme populairement « El ganadero ». Et il ne cache pas son secret : une sélection sévère, très sévère, que peu d’autres éleveur sont capable d’appliquer avec autant de rigueur. A cette époque aucun autre ganadero n’envoyait autant de vaches au *matadero* que la *casa Guardiola*. En 1958 entre à la finca « El Toruño » un des piliers de la ganaderia en la personne de Luis Saavedra. Il fit ses classes aux côtés de Juan Belmonte, avant de prendre le poste de mayoral des Guardiola. Un rôle qu’il occupera à merveille. Considéré comme la référence du métier, il restera chez Guardiola jusqu’à sa retraite, soit une trentaine d’année sans jamais défaillir. Son rôle dans le succès et la longévité de l’élevage n’est certainement pas à minorer. Son duo avec « Juanito » était sans égale et tous deux portèrent les Guardiola au ciel.
A Séville on se plaisait à dire que les Guardiola surpassait le real Madrid, puisqu’ils avaient remporté plus de prix à la Real Maestranza de Sevilla que le real n’avait décroché de titre de champion d’Espagne, et ce n’est pas peu dire. Séville est leur arène emblématique. L'élevage y devint incontournable pour le traditionnel rendez-vous du "Lunes de resaca". Dans les années 80, tout Séville attendait le tercio de piques des Guardiola, et surtout des Pedrajas de Guardiola, des moments de grande émotion qui allèrent parfois jusqu'à déclencher la musique. La devise réussit même l'exploit de remporter consécutivement cinq fois le prix du meilleur toro de la Feria d'Avril. Pampelune est également une des arènes phare de la ganaderia avec 23 comparutions ou ils remportèrent par 4 fois le prix de la meilleure corrida des San Fermines et par trois fois le prix Carriquiri, décerné au meilleur toro de la feria. Ronda et sa fameuse corrida concours organisé par Antonio Ordoñez occupe aussi une place de choix dans l’histoire de la ganaderia. En 1988 « Peleon » puis en 1989 « Piano » remportèrent le prix du meilleur toro. Frères de père du semental « Calcetero », leur jeu fut si extraordinaire qu’ils furent tout deux graciés. « Piano » fut soigné et utilisé ensuite comme semental, malheureusement Peleon ne survécu pas à ses blessures au grand regret de « Juanito ». Car si Piano était un bon toro, Peleon était extraordinaire. Il était bien difficile de produire un autre toro qui puisse le dépasser ou l’égaler.
L’encaste Pedrajas marque sa différence par son caractère. Doté d’un des plus haut grade de bravoure et une agressivité singulière pour l’encaste Parladé. Il est à souligner l’importance de l’apport de sang Pedrajas dans l’alchimie créatrice de l’encaste Domecq, tel un assaisonnement qui révèle toute les saveurs d’un bon plat mais aussi sans lequel il tourne à l’ordinaire. Son tempérament est déterminent dans sa façon de charger, son moteur et son galop. Au premier tiers il pousse avec puissance et une grande fixité, s’employant avec les reins après s’être élancé de loin avec promptitude et alegría. Mais il est également source de bien des désagréments au campo, ou même s’il fait habituellement preuve de noblesse, il donne lieux à de nombreux combats qui sont de véritables guerres aux conséquences lourdes. Chaque années de nombreux toros en résulte impropre à la lidia et sont souvent une cause des camadas courtes.
Côté physique, il s’agit d’un toro ramassé inscrit dans le type Parladé. Légèrement aleonado, à la peau fine et brillante, qui pend de son torse (badanudo) et fait transparaitre sa forte musculature. La tête est courte et écrasé (chato) doté de cornes en forme de serpe (acapachado), blanche à la racine pour finir avec des piton noirs brillant. Les pelages sont majoritairement noir avec fréquemment des raies marrons sur la ligne dorsale (liston).
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