Tamarón
Tamarón

 

Tamarón est un village de vieille Castille qui meurt lentement au sud-ouest de Burgos et dont on estime la population à moins de cinquante habitants. Le hameau a connu son heure de gloire en 1037 lorsque s’y affrontèrent le jeune roi de León, Vermudo III, et les comte de Castille et roi de Navarre. Vermudo III y laissa la vie ainsi que la couronne de León qui fut unie pour la première fois au comté de Castille qui deviendra bientôt un royaume. Plus près de notre ère, la bourgade de Tamarón a donné son nom à un titre nobiliaire créé en 1712 par le roi Philippe V de Bourbon et octroyé, en toute logique, à un sujet originaire de… Cádiz ! L’histoire de la monarchie espagnole n’est pas avare d’exemples de la sorte où d’improbables bourgs, où des cités oubliées par l’histoire, des « bouts du monde » se rappelèrent soudain au bon souvenir des monarques qui les offrirent sur un plateau d’argent à une noblesse toute fraîche qu’il fallait remercier à coups de terres et de titres ronflants. C’est donc ainsi que naquit le marquesado de Tamarón dont le premier titulaire se nommait Diego Pablo de Mora y Figueroa - il fut marqués de Tamarón de 1712 à 1716. Gageons que ce Mora y Figueroa avait dû rendre quelques utiles services à ce roi français installé sur le trône d’Espagne par son grand-père Louis XIV et engagé depuis 1701 dans la Guerre de succession d’Espagne (1701 – 1714) qui déchira l’Europe de l’époque.




Dans l’histoire de la tauromachie, le titre de Tamarón n’apparaît qu’au milieu du XIX° siècle par l’entremise du sixième marquis, José de Mora y Daza, né en 1839 à Cadix et décédé en 1909 dans la même ville. José de Mora y Daza est devenu officiellement marquis de Tamarón huit ans après le décès de son père en 1839. En effet, le 22 octobre 1847 lui est octroyée par le monarque une « real carta de sucesión {…}, en el marquesado de Tamarón »1. C’est lui qui fonda la première ganadería de la famille Mora-Figueroa. En tout état de cause, une des premières mentions connues faisant référence à un élevage de taureaux braves nommé Tamarón remonte au début des années 1860. Ainsi, en 1897, la revue Sol y Sombra rappelle ses lecteurs au souvenir d’une course donnée au Puerto de Santa María le 31 août 1862, course au cours laquelle furent combattus 8 toros del marqués de Tamarón. On retrouve assez facilement d’autres rares mentions de cette première ganadería Tamarón que nous pourrions qualifier de secondaire dans la seconde moitié du XIX° siècle. En 1863 puis 1864, le Puerto de Santa María continue de programmer des toros de Tamarón. Le 20 août 1876, la plaza de Séville annonce 4 toros de la antigua y acreditada ganadería del señor marqués de Tamarón, de Veger…, plus près de nous, le 25 mai 1902, l’élevage présente une novillada à Almería et est annoncé comme antes Varela. S’il existe peu d’éléments pour écrire un récit complet de cet élevage, il n’en demeure pas moins que quelques faits semblent incontestables et permettent de donner une idée de ce que furent ces premiers Tamarón de la cabaña brava. Dès sa création, la ganadería est installée sur les terres familiales dont le cœur est la ville de Vejer de la Frontera. Aux portes de la ville, la famille mène ses activités agricoles sur la finca « Las Lomas » — ce n’était pas la seule — qui demeure aujourd’hui encore l’une des plus grandes fermes d’Espagne (6 000 hectares actuellement). C’est à Las Lomas que José de Mora y Daza élève ses premiers bravos qui furent, semble-t-il, d’origine Cabrera à ses débuts d’après ce qui était annoncé sur les cartels des années 1860. La corrida donnée au Puerto de Santa María en 1862 fut un succès pour le nouvel éleveur si l’on en croit le Boletín de loterías y toros du 16 septembre 1862 qui donne un compte-rendu détaillé de la corrida. « Los toros han dado juego écrit le correspondant qui pousse la précision jusqu’à mentionner les pelages de chacun des huit toros, pelages parmi lesquels domine la teinte « rouge » à travers le retinto » ou le bermejo : 1 : colorado, 2 : ozco, 3 : retinto, 4 : castaño ojinegro, 5 : retinto, 6 : bermejo, 7 : bermejo ojinegro et 8 : bermejo dojo de perdíz. La corrida donnée le 24 juin 18632 au Puerto de Santa María toujours confirme la tendance forte de pelages tirant sur le roux : sur huit toros, six étaient retintos. Au milieu du XIX° siècle, tout n’est pas fixé dans les grandes castes naissantes de taureaux de combat et l’on sait que la ligne Cabrera était très variée de pelages mais cette surabondance de la robe retinta suscite l’interrogation sur l’éventualité d’une insertion de sang Jijón pour qui ce pelage était un emblème. Á moins que le troupeau d’origine Cabrera ne fut quelque peu ou beaucoup mélangé avec des bovins de cette couleur qui pâturaient dans la région et dont on sait qu’ils sont à l’origine d’une race qui existe encore à Las Lomas, los Tamarones retintos ? S’ils se font plus discrets après 1865 — du moins dans les ouvrages et les revues consultés — les Tamarón n’ont pas disparu du monde taurin. Comme évoqué précédemment, on retrouve l’existence de mentions de la ganadería comme à Séville en 1876 mais le succès des débuts est déjà loin et les chroniqueurs de la course donnée le 20 août 1876 dressent un bilan sans appel des quatre astados de Tamarón lidiés ce jour : « se lidiaron cuatro bueyes de la propriedad del señor marqués de Tamarón, cuya ganadería no es ni siquiera conocida, ni de nombre, ni de hecho. Este señor tuvo á bien venderle á una nueva empresa de esta plaza cuatro mansos más propios para tirar de una carreta que para ser lidiados en plazas » 3. Dans El Torero4 , c’est pire ou presque car « los cuatro toros lidiados esta tarde no han podido ser peores. No sabemos cómo la autoridad consciente que la Empresa dé estas castañas al público » et d’ajouter quelques lignes en aval que « los dos novillos (qui appartenaient aux Herederos de la testamentaria de la viuda de Varela) fueron bravos, lo que es natural por ser de casta » ! Les quatre toros lidiés à Séville étaient retintos comme beaucoup de leurs aînés des années 1860.

Vers la fin du XIX° siècle et au début du XX°, les cartels — Almería en 1902 — précisent que les Tamarón sont des anciens Varela ce qui pourrait laisser entendre qu’entre la création de la ganadería et la mort de José de Mora y Daza en 1909 le sang des toros fut changé ou à tout le moins transformé. Domingo Varela, de Medina Sidonia, fait remonter nos investigations au début du XIX° siècle et plus précisément aux heures troubles de la Guerre d’indépendance face au premier Empire de Napoléon Ier (1808-1812). Durant cette période, Varela eut l’occasion de récupérer de nombreuses bêtes de différents éleveurs de la région de Cadix. En effet, il avait la charge de fournir la viande pour nourrir les soldats qui soutenaient le siège de Cadix imposé par les Français. À cette fin, Varela eut à acheter un très grand nombre de têtes de bétail aux éleveurs andalous et une fois le siège de Cadix achevé, il se retrouva avec beaucoup de bétail sur les bras. C’est là que grandit en lui l’idée de devenir ganadero. Pour améliorer son bétail très divers et pour fixer un type, entre 1812 et 1817, Varela acquiert des bêtes à Cabrera puis en 1817 aux señores Gallardo du Puerto de Santa María. Enfin, vers 1819, il rachète la ganadería du marquis de Casa Ulloa. Le Varela était donc un mélange de ce que le premier XIX° siècle pouvait offrir de plus intéressant en matière de casta brava. L’élevage de Varela fut conduit à son décès par sa veuve qui se remaria avec un certain Enrile qui poursuivit l’oeuvre du premier mari. Dans les années 1870, la ganadería ou du moins une grosse partie de celle-ci, fut rachetée par un certain Juan de Rios Romero qui la revendit en deux lots : vaches, añojos et erales à Angel González Nandín puis novillos et toros à Bartolomé Muñoz. Nandín eut l’autorisation d’apposer sur les cartels la mention « antes Varela » en 1881. Si les Tamarón ont réellement détenu du Varela dans le dernier quart du XIX° siècle, auprès de qui se le procurèrent-ils ? Impossible de l’écrire ou d’affirmer quoi que ce soit mais l’élevage brave ne cessa jamais à Las Lomas et la devise encarnada y negra continua d’être annoncée en complément du fer en forme de lettre F des années 1870 jusqu’aux années 1910. Les sorties étaient certes sporadiques et localisées dans des plazas de seconde ou troisième catégorie comme Torredonjimeno le 25 septembre 1895 ou San Fernando en juillet 1898 et mai 1899 mais elles témoignent de la persistance dans la famille des Mora Figueroa de la tradition ganadera initiée par José de Mora y Daza. Il est facile d’imaginer que c’est sur ce bétail paternel originel et / ou sur le Varela que les fils Mora-Figueroa Ferrer se firent la main et remplirent le « disque dur » de leur savoir ganadero qui atteindrait son apogée dans les années 1910 avec l’achat des Parladé.

À la fin de l’année 1870, José de Mora y Daza reçoit l’autorisation d’épouser Francisca Ferrer y Rabech , celle-là même qui, en 1909, deviendra la Viuda de Tamarón. Avec elle, la famille Mora-Figueroa y Ferrer devient un clan qui dépasse la dizaine d’enfants et dont le premier garçon est José de Mora-Figueroa y Ferrer qui sera le septième marquis en 1909 à la mort de son père. Dans l’histoire taurine de la famille, ce José de Mora-Figueroa a compté mais presque moins que deux de ses frères sur qui l’historiographie a mis presque toute la lumière : il s’agit de Jaime et Ramón Mora-Figueroa y Ferrer. Selon beaucoup donc, c’est sous l’impulsion de ces deux-là, soutenus par leur aîné qui se piquait, lui, de politique — il fut sénateur du royaume — que la famille fit l’acquisition en 1909 ou 1910 ou 1911 d’une partie de la ganadería de Fernando Parladé Heredia. Il s’écrit souvent que ce sont deux camadas de becerras qui rejoignirent Las Lomas accompagnées par le mâles ‘Mochuelo’, ‘Alpargatero’ et ‘Serranito’. Les fruits de ces Parladé seraient lidiées sous l’appellation « Señora Marquesa Viuda de Tamarón » avec une devise azur y oro, marqués du fer en F de la famille et reconnaissables par la señal intitulée : garabato en las dos y une tronza. Voici l’histoire officielle et loin de nous la volonté ou l’outrecuidance de vouloir la remettre en question. Néanmoins, ces dernières années ont émergé certaines informations visant à nuancer ce récit presque trop simple. Ainsi, les livres de ganadería des Urcola, détenus par la famille Galache, conservent la trace d’une vente de deux ou trois camadas d’eralas de Félix Urcola autour de 1909 aux Mora-Figueroa : une première vente quelques mois avant la mort de José de Mora y Daza (1909) puis une seconde après son décès.A priori, rien n’avait jamais filtré de cette introduction d’Urcola dans l’élevage de Tamarón. Pour autant que cela soit vrai, rien ne permet d’écrire aujourd’hui à quel usage furent destinées ces femelles d’Urcola. Ont-elles été croisées avec les reproducteurs de Parladé ? Ont-elles servi à rafraîchir le vieux sang des Tamarón dont aucune source ne mentionne l’élimination complète en 1909 ? Évidemment, il est intéressant de s’imaginer, aujourd’hui, que les frères Mora-Figueroa eurent l’ambition de réunir les deux lignes principales de la descendance Vistahermosa : la ligne Murube par Ybarra / Parladé et la ligne Adalid par Urcola. D’un autre côté, il est également facile de s’interroger sur le bienfondé d’un tel croisement au début des années 1910 : les Ybarra / Parladé sont les toros de l’avenir ce que n’étaient déjà plus les Urcola. Pourquoi prendre le risque de gâcher le patrimoine génétique des premiers en les mélangeant avec celui des seconds ? Il est enfin possible de s’imaginer que les Mora-Figueroa aient voulu agrandir le type et le volume de leur toro car le toro d’origine Murube n’était pas considéré à l’époque comme un toro de grand tamaño alors même que la sélection de Félix Urcola avait conduit à une présentation sérieuse reconnue partout. À la fin, et faute de sources dignes de nous offrir de vraies réponses, il ne nous reste que les rêveries d’aficionados. Les années 1910, « Âge d’or » de la tauromachie, correspondent à l’apogée de l’oeuvre taurine de la famille Mora-Figueroa. À partir de quelle date firent-ils lidier leurs Parladé ? Plusieurs références journalistiques mentionnent des bichos de Tamarón combattus en 1911, en particulier à Valence en septembre et au Puerto de Santa María le 09 juillet. Partout, les Tamarón sont qualifiés de mansurrones, parfois, quand c’est mieux, de regulares mais il ne s’agit pas des Parladé, les dates rendent impossible l’éventualité. Pendant ces années, Ramón, Jaime et José doivent certainement affiner le cheptel acquis auprès de Parladé et peut-être même renforcer cette origine. C’est en tout cas ce que l’on peut conclure d’une très discrète notice parue en avril 1914 dans le journal El Imparcial qui affirme que « el marqués de Tamarón ha adquirido en una importante suma todos los añojos de la ganadería de Parladé ». C’est l’unique référence de cet achat qu’il nous a été possible de trouver. Si cela est vrai, cela signifierait qu’en 1914, Luis Gamero Cívico, acquéreur de l’élevage et du fer de Parladé, aurait laissé aux Mora-Figueroa une source non négligeable de sperme parladeño qui arriverait à maturité aux alentours des années 1918 et 1919. Cela signifierait aussi que la famille Tamarón renforçait par cette acquisition la part de la ligne Murube / Ybarra dans leur possible mélange avec Urcola. Mais, comme souvent, le conditionnel reste de mise. En 1917, la revue Toros y Toreros relate une tienta donnée à Las Lomas par les Mora-Figueroa et au cours de laquelle « se ha efectuado {la tienta} con extraordinario éxito para el nuevo ganadero que dentro de dos años correrá en los circos toros á su nombre, procedentes de las camadas que dicho señor adquirió de la vacada famosa de Parladé » . À titre anecdotique, mais finalement peut-être pas, étaient présents à cette tienta de 40 vaquillas et 29 becerros !, parmi les dizaines d’autres invités, les sieurs Miguel Primo de Rivera — il dirigea l’Espagne après le pronunciamiento de 1923 —, José Gamero Cívico, le fils de Luis et Fernando Parladé venu certainement constater les bons résultats de sa propre sélection. Il semble donc que la famille avait l’intention de ne s’annoncer en public qu’en 1919 ce qui est en adéquation avec leur recherche de qualité. D’ailleurs, la corrida de « présentation » à Séville eut lieu cette année 1919 et le lot envoyé par Tamarón fut le plus en vue du cycle abrileño, qualifié par la revue La Lidia de corrida « que fué bravísima ».

Les frères Mora-Figueroa et leur mère la marquesa viuda de Tamarón n’eurent pas le loisir de profiter de leur sélection et de leur travail. S’il convient de reconnaître à cette famille le goût de la discrétion voire du secret, ici, l’histoire est connue puisqu’elle donne naissance à l’un des élevages les plus marquants de l’histoire du XX° siècle, celui du Conde de la Corte. En effet, à la fin de l’année 1920 est rendue officielle la vente de la ganadería de Tamarón à un inconnu dans le monde des éleveurs, Agustín Mendoza y Montero, Conde de la Corte de la Berrona. Moins d’une dizaine d’années auront suffi pour doucher les ambitions de la fratrie Mora-Figueroa — des problèmes financiers auraient poussé à cette vente. À peine le temps donc d’imprimer sur la camada la patte familiale et, ô frustration, ce sont d’autres ganaderos qui en récoltent les lauriers. D’autres car les Tamarón n’ont pas vendu qu’au comte de la Corte. Quelques mois avant cette transaction historique, en 1919, ils s’entendent avec un éleveur portugais ami de « Gallito », José Martinho Pereira de Lucena Alves do Rio. La viuda lui vend en 1919 une pointe de vaches qui sont accompagnées par le semental ‘Calcetero’. En 1921, Alves do Rio ajoute une camada de becerras que le Conde de la Corte s’était engagé, auprès des Mora-Figueroa, à lui fournir pour respecter l’accord de la famille avec Alves do Rio. De ces Alves do Rio, de ces Tamarón lusitaniens, verront le jour les élevages de Coimbra — aujourd’hui le sang des Coimbra a été remplacé par du Domecq contemporain — et par la suite de José Luis Vasconcellos e Souza d’Andrade décédé en décembre 2020 mais dont l’élevage existe encore aux abords de Barbacena dans la magnifique herdade de Font’Alva.

La vente au Conde de la Corte fut parsemée d’hésitations, de retours en arrière et de tractations diverses et variées. Au final, les Mora-Figueroa réussirent à imposer une clause de rachat partiel au nouveau ganadero ; clause qui symbolisait certainement leur souhait de revenir un jour sur le devant de la scène ganadera. Cette clause leur permettait de récupérer des bêtes pour leur propre élevage dans l’éventualité qu’ils en reconstruisent un après 1920. L’historiographie officielle fait ressurgir la famille à la tête d’un élevage en 1931 ou 1932 au moment de l’achat de la moitié de l’élevage de Antonio García Pedrajas, éleveur d’Almodóvar del Río et détenteur depuis 1918 de la ligne Ybarra / Parladé / Correa fondée en 1904 ou 1905 avec du bétail de Fernando Parladé. Onze ou douze ans de silence, de repli sur soi furent donc nécessaires aux frères Mora-Figueroa — José, l’aîné et titulaire du titre de marquis est décédé en 1929, cinq ans après sa mère en 1924. Ramón Mora-Figueroa y Ferrer et son frère Jaime reviennent aux affaires en allant tirer l’eau à la même source qu’au début des années 1910. Pourtant, ont-ils un jour réellement fait une pause dans leur activité ganadera ? Il est raisonnable de penser que non et qu’au contraire, la finca Las Lomas continua de voir grandir sur ses terres des Parladé entre 1920 et 1931. Ainsi, tout ne fut pas vendu en 1920 au Conde de la Corte, la famille conserva certainement quelques vaches dont on imagine qu’elles n’étaient pas les plus mauvaises. Plusieurs sources journalistiques datées de la fin des années 1920 évoquent une activité ganadera au nom des Tamarón. Pour ne citer que quelques exemples, il y a ces tientas données à Las Lomas fin 1929 et début 1930 et relatées par le Noticiero gaditano . Ainsi, en février 1930, est-il précisé que « el novillero Antonio Chamorro ha obtenido un éxito toreando en los tentaderos de las ganaderías del término de como así mismo en la vacada del señor marqués de Tamarón donde se herraron más de 200 reses. {…} El muchacho fué muy felicitado por sus faenas por los señores don Jaime, don José y don Ramón Mora ». Il y a aussi ce festival programmé à Cadix le 20 septembre 1930 où furent combattus trois becerros de Tamarón. Jamais donc les Mora-Figueroa ne cessèrent d’être des éleveurs de taureaux de combat après la vente de leur élevage au Conde de la Corte en 1920.

Pour le fer de Tamarón, l’entrée dans les années 1930 correspond à une renaissance avec l’achat de la moitié de l’élevage d’Antonio García Pedrajas d’origine Ybarra via Fernando Parladé puis Correa. Sur ce bétail de qualité auquel la famille Pedrajas avait ajouté des reproducteurs de Gamero Cívico dans les années 1920, les deux frères Mora-Figueroa font « travailler » deux sementales récupérés chez le Conde de la Corte grâce à leur option de rachat, il s’agit de ‘Chavetero’ et ‘Noventa y Cuatro’. Il semblerait que les deux mâles étaient issus de la descendance du célèbre ‘Alpargatero’ comme le furent quelques années plus tard certains reproducteurs acquis, toujours auprès du Conde de la Corte, par Juan Pedro Domecq y Nuñez de Villavicencio : ‘Llorón’, ‘Caribello’, ‘Chucero’ et ‘Bodeguero’. Il peut paraître surprenant, à cet endroit de notre récit, d’évoquer la figure de celui qui fonda un autre empire ganadero, en l’occurrence celui des Domecq. Pourtant, rien n’est plus logique tant les deux maisons furent liées. D’abord géographiquement, les deux familles étaient voisines, puis familialement car le fils de Ramón Mora-Figueroa y Ferrer, José Ramón Mora-Figueroa Dujat Des Allimes, épousa la fille de Juan Pedro Domecq y Nuñez de Villavicencio, Carmen Domecq y Díez. Depuis le début des années 1930, Juan Pedro Domecq y Nuñez de Villavicencio était éleveur de toros de casta dont le troupeau était composé surtout de sang Veragua acheté à Martín Alonso. Désireux de croiser ce vieux sang avec quelque chose de plus neuf, Domecq fut conseillé par son ami Ramón Mora-Figueroa pour se rendre chez La Corte et c’est là qu’il récupéra ces quatre étalons certainement élus par Mora-Figueroa qui connaissait les grandes familles de l’élevage condeso. Âgé, Ramón Mora-Figueroa confia à son fils le soin de mener les nouveaux Tamarón mais il semble que ce furent surtout les beaux-frères de celui-ci, la fratrie Domecq y Díez, qui se chargea de faire tourner la boutique à tel point que quelques mois avant le décès de Ramón en 1940, le Tamarón fut vendu aux frères de Carmen Domecq y Díez : Juan Pedro, Alvaro, Salvador et Pedro. Ce bétail allait constituer le socle qui conduirait à l’édification de l’immense majorité des ganaderías contemporaines estampillées « Domecq ». La famille Mora-Figueroa conserva un résidu à Las Lomas qui fut cédé en 1945 au Conde de Antillón pour passer ensuite entre les mains du Marqués del Contadero (1947) puis de Salvador Nogueras (1951). À la fin, selon Filiberto Mira , ce furent 286 têtes de bétail qui furent vendues en 1955 à un cousin des Domecq y Díez, Pedro Domecq y Rivero, le marquis de Domecq.

Passionnante, la saga des Mora-Figueroa / Tamarón est le récit de la genèse de notre toro actuel. On y croise des noms devenus célèbres, rendus au rang de références : Ybarra, Parladé, Pedrajas, Domecq. Pour autant, on oublie trop souvent qu’ils sont devenus incontournables dans l’historiographie taurine grâce au travail des frères Mora-Figueroa y Ferrer, ganaderos de l’ombre, faiseurs d’encastes et de ganaderías de renom. Sans eux, point de Domecq point de La Corte. Depuis l’antichambre de Las Lomas, drapés de discrétion et de secrets, ils ont façonné le toro du XX° siècle.

1. Boletín de loterías y toros, 16.09.1862.
2. Boletín de loterías y toros, 07.07.1863
3. Boletín de loterías y toros, 28.08.1876
4. El Toreo, 09.10.1876
5. La Epoca, 11.12.1870
6. El Correo español, 01.07.1911
El Toreo, 24.08.1911
La Mañana, 23.10.1911
7. El Imparcial, 16.04.1914
8. Toros y Toreros, n°61, 01.05.1917
9. El Noticiero gaditano, n° 4280 et n° 4320.
10. El toro bravo, hierros y encastes, Filiberto Mira, 1979, Ediciones Guadalquivir.

 
 


Perros de presa
 

Peu d’informations ont filtré jusqu’à nos jours sur ce que fut la première ganadería de Tamarón, celle fondée par José de Mora y Daza qui fut le sixième marquis de Tamarón. Apparue au milieu du XIX° siècle, la référence la plus ancienne concerne une corrida de huit toros programmée au Puerto de Santa María le 31 août 1862. Le compte-rendu complet et très détaillé de cette course existe et fut publié en son temps par le Boletín de loterías y de toros de Madrid. La ganadería fut répétée dans ces arènes du Puerto les années suivantes mais ne sembla pas éclater ailleurs. En 1876, le 20 août, quatre novillosde Tamarón furent combattus aux côtés de trois becerros de la viuda de Domingo Varela. Le moins que l’on puisse écrire est que cette novillada fut marquée par l’originalité si nous l’observons depuis le balcon de notre XXI° siècle. Ainsi, à propos du bétail de Tamarón, le correspondant du journal Boletín de loterías y de toros écrit que : « Se lidiaron cuatro malos bueyes de la propiedad del sen?or marque?s de Tamarón, cuya ganadería no es ni siquiera conocida, ni de nombre, ni de hecho. {…} El primero huia de capotes y de caballos ; el segundo llevo? perros, de puro manso; el tercero fuego, y el cuarto lo mismo, de modo que vimos, toros, fuegos artificiales, perros… ». Il furent donc éminemment mauvais mais finalement peu nous chaut. Ce qui retient l’attention dans cette brève est la présence de chiens au second toro. Pratique oubliée, inconcevable aujourd’hui, elle était pourtant une réalité au XIX° siècle et même dans les siècles précédents et devait certainement son existence en un résidu traditionnel des chasses aux taureaux pratiquées dans la Péninsule Ibérique depuis au moins le Moyen-âge. Il était possible en effet, lorsqu’un toro se révélait extrêmement mauvais pour la lidia de lâcher des chiens de type bouledogues (perros de presa) pour attaquer le bovin. Ils attaquaient souvent de trois en trois et au regard des chroniques de l’époque, les scènes devaient plutôt relever de la boucherie sauvage, tant pour les toros que pour les chiens. Mais le rapport à la mort des animaux était différent, celui entretenu avec les chiens aussi et le public pouvait trouver un certain intérêt divertissant à assister à ces pratiques. C’est du moins ce que laisse entendre ce passage de la reseña de cette même course des Tamarón à Séville en 1876 : « Salio? el segundo, negro, lucero, manso y huido. Los perros diaron cuenta de e?l no sin haberse defendido lo que pudo, pues dio muerte á uno de ellos, y era una diversión verlo coger y tirar perros por el aire, pues le soltaron ocho ó díez. El puntillero a? la tercara » . Cette pratique cessa, semble-t-il, au début des années 1880 (1883 ?) supplantée qu’elle fut par l’utilisation déjà existante des banderilles de feu ce que prouve la course de Tamarón de 1876 au cours de laquelle les troisième et quatrième reçurent le déshonneur de cette suerte.

Mais cette course n’en fut pas à une originalité près. Ainsi, les becerros de la veuve Varela furent-ils combattus par un certain John O’Hara, Anglais de son état, ce qui relève, convenons-en, d’un rien de surréalisme. Le correspondant du Boletín de loterías y de toros le présente ainsi : « D.Juan O'Hara, él célebre ingles, tan guapo como en las anteriores, tanto en los pases como hiriendo: si este semi-diestro se fija un poco más en los toros y comprende alguna vez sus condiciones, podrá sacar un buen partido en la tauromaquia, sino concluira?n con el los toros ».

1. Boletín de loterías y de toros, n° 603, 16.09.1862
2. El Toreo, 10.09.1876

 
 

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