Conde de la Corte
Conde de la Corte

En 1920, Agustín Mendoza y Montero de Espinosa, Conde de la Corte, achète la ganadería de la Marquise de Tamarón et installe le bétail dans sa finca de "Los Bolsicos" près de Zafra. L'élevage est dans un bon moment et le Conde va profiter pleinement de la sélection entreprise par les frères Mora Figueroa. Il fait fructifier sa "vacada" et réalise de nombreuses ventes. Peu à peu, son bétail envahit le campo bravo espagnol et portugais et donne même naissance à des lignes qui marqueront l’histoire taurine de la deuxième moitié du XX° siècle et du début du XXI° siècle : Atanasio Fernández et Domecq.
Paradoxalement, si l'encaste est victime de son succès, sa source originelle est devenue extrêmement rare et, tant Luis López Ovando (héritier de l’élevage à la mort du comte) que ses fils, les López Olea, ont vécu les années de déclin des deux fers de la maison : Herederos del Conde de la Corte et Doña María Olea Villanueva. Annoncée vendue en 2015, la devise a finalement survécu grâce à un petit-fils de Luis López Ovando, Guillermo López, sur les épaules de qui reposent tous les espoirs de revoir triompher ce magnifique trésor de la cabaña brava.

Ancienneté : 17 Mai 1928
Devise : Vert, Encarnada et Or
Signal : Hoja de higuera à droite - Garabato à gauche
Propriétaire : Agroganadera Arábiga,S.L.
Gérant : Luis Guillermo López Olea
Fincas : "Los Bolsicos"  Jerez de los Caballeros
   Unión de Criadores de Toros de Lidia





Crédits photographiques : Terre de Toros  

 

Agustín Mendoza y Montero est né en 1895 et, à l’image de sa famille, semble avoir passé l’intégralité de sa vie sur un territoire situé entre Jerez de los Caballeros et Fuente de Cantos plus à l’est. Il fut le sixième à porter le titre de Conde de la Corte de la Berrona fondé en 1764 par le roi Carlos III pour son aïeul Antonio de Moscoso Mendoza y Silva. La famille possédait de nombreuses terres et fincas dans cette zone dont la plus connue, parce qu’elle concerne les toros, était « Los Bolsicos », au sud de Jerez de los Caballeros. Les parents d’Agustín Mendoza y Montero étaient Agustín María Mendoza Ramírez de Arellano et María de la O Montero de Espinosa López. Il avait une soeur qui lui survécut jusqu’en 1979 — il décède en 1964 —, María Josefa Mendoza y Montero de Espinosa (on trouve aussi Josefina). À la mort d’Agustín en 1964, c’est elle qui héritera du titre comtal et si elle se maria 1930 avec un certain Jesús María de Ugalde y Agúndez, lui demeura célibataire toute sa vie dont une grande partie se déroula aux côtés de sa mère après la mort du père en 1918.

C’est précisément un ou deux ans après cette date, et certainement libéré du poids paternel, que le nouveau Conde de la Corte de la Berrona sacrifia à ses envies profondes de devenir éleveur de taureaux de combat, certainement influencé par l’exemple du Conde de Santa Coloma qui était une connaissance de son père. Dévoré par l’afición, Agustín comptait parmi ses amis proches des figures du mundillo de l’époque, parmi lesquelles le torero Marcial Lalanda, mais aussi un certain Pepe Ladrón de Guevara qui participa à l’achat de la ganadería de la marquise de Tamarón en 1920. Car en effet, c’est cet élevage issu directement de Fernando Parladé, que le Conde de la Corte choisit pour réaliser son rêve. La vente faillit ne pas se faire mais finalement, en décembre 1920, les Tamarón étaient à lui, ne restait qu’à préparer la finca extremeña de « Los Bolsicos » pour y accueillir les animaux. Il fallut presque deux années, durant lesquelles le bétail patienta sur les terres des Gamero Cívico, pour que les Parladé de Tamarón investissent leur nouvel environnement qu’ils n’ont pas quitté depuis. Le fer de Tamarón ne faisait pas partie de la vente, seuls les droits furent cédés au Conde de la Corte qui changea la devise avec les couleurs de sa famille : verde, encarnado y oro et qui créa un nouveau fer : un cercle coupé en deux et surmonté de la couronne comtale. Le Conde de la Corte fait lidier sa première course à Badajoz le 17 mai 1921 et se présente à Bilbao en 1922. Ces corridas marquent le début de plus d’un demi-siècle de succès retentissants dans tous les ruedos d’Espagne et de France. Les toros condesos s’illustrent partout sauf peut-être à Séville où la ganadería ne lidia quasiment pas. Il se présenta à Madrid le 17 mai 1928 et ce sont Chicuelo, Marcial Lalanda et Martín Agüero qui furent chargés de toréer les Conde de la Corte. Il fallut attendre 1952 pour les revoir dans le coso de Las Ventas où le fer se présente avec une novillada le 02 octobre 1952. Cette année-là, pourtant, Madrid lui offre un de ses plus beaux triomphes lors de la traditionnelle corrida du Montepío de Toreros. Antonio Bienvenida, Juan Silveti et Manolo Carmona se régalent avec six toros de grande qualité parmi lesquels ‘Granillero’ se montre au-dessus puisque récompensé par une vuelta al ruedo posthume. Le Conde ne reviendra que de manière épisodique dans la capitale, une ultime fois de son vivant le 24 septembre 1959.

Victime d’une « longue maladie », le Conde de la Corte décède le 19 juin 1964, quelques jours à peine avant que son toro ‘Nueve Cosechas’ ne remporte le prix du toro le plus brave des Sanfermines de 1964. Célibataire, il n’a pas de descendance, pas plus que sa soeur. C’est donc le fils d’un cousin germain de sa mère, María Montero de la O Montero López, qui hérite de l’élevage et de la finca « Los Bolsicos ». Il se nomme Luis López Ovando et a grandi dans l’ombre du Conde car il fut orphelin assez jeune — son père est décédé en 1940. Il n’hérite pas du titre comtal qui sera transmis à la soeur de Agustín Mendoza y Montero quelques années plus tard. Luis López Ovando poursuit à l’identique l’oeuvre du cousin de son père, de son mentor, et va connaître durant son « pontificat » qui dure jusqu’en 1988 le zénith autant que les ténèbres. La ganadería devient en 1965 celle des Herederos del Conde de la Corte et connaît un premier succès retentissant à Madrid le 17 juin 1965. Trois grands toros se montrent à leur avantage, ‘Chiquito’, ‘Guerrerito’ mais surtout ‘Arábica’ qui est récompensé d’une vuelta al ruedo. Interrogé sur ses souvenirs les plus forts, Luis López Ovando confie qu’il se remémore la corrida historique du 17 mai 1968 à Madrid encore. Deux toros, les cinquième et sixième, ‘Ochopicos’ et ‘Cara de perro’ font la vuelta. Pourtant, c’est surtout l’encierro envoyé à Albacete cette même année 1968 qui fut, selon lui, le plus grand triomphe de la devise. Diego Puerta, Miguelín et Carnicerito de Úbeda se partagèrent 11 oreilles et un rabo, deux toros condesos eurent les honneurs de la vuelta quand ‘León’ fut tout simplement grâcié. Mais les années 1970 puis 1980 font entrer la ganadería dans un bache dont elle peine encore à sortir aujourd’hui. Les causes sont le plus souvent multiples mais les conséquences sont toujours catastrophiques. La devise continue de lidier dans ses arènes fétiches mais les succès se font plus rares. Vieilli, malade, Luis López Ovando laisse la gestion de l’élevage à ses fils en 1988 et plus particulièrement à Luis Guillermo López Olea qui devient le représentant de la ganadería ou plutôt des ganaderías puisqu’un second fer a fait son apparition en 1966 ou 1967 au nom de María Olea Villanueva, épouse de Luis López Ovando. Ce fer fut racheté à Luis Ramos Paul Davila et le bétail (d’origine Villamarta) fut totalement remplacé par du La Corte. Luis López Ovando est décédé en 2013, à 88 ans, suivi quelques mois plus plus tard en 2014 par María Olea. Logiquement, le fer est revenu à leurs enfants.

La période qui correspond à la gestion de la ganadería par la troisième génération, celle des López Olea, est surtout marquée par les tentatives désespérées de sortir la ganadería de la crise. Il y eut certes quelques toros isolés ici ou là et l’on peut citer par exemple ‘Nochetriste’ lidié à Madrid en 1991 ou ‘Picoalto’ au même endroit en 1997 mais dans l’ensemble le déclin était amorcé et fortement ancré dans la réalité de l’élevage. Le dernier lot lidié dans des arènes d’importance fut celui de Pamplona en 2008 et il ne laissa pas de grand souvenir. Depuis, l’anonymat est devenu le quotidien d’un fer historique à plus d’un titre et les aficionados de verdad ont cru à une mauvaise blague en 2015 lorsque fut annoncée, comme une rumeur, la vente de l’élevage. La rumeur était à moitié vraie. En effet, des vaches avaient été vendues à Isidro Prieto Giner, un ancien député des affaires taurines de la Communauté de Valence. Ce dernier annonçait dans la revue Aplausos avoir acheté 70 vaches et un semental. Demeuraient à Los Bolsicos un petit groupe de vaches dont l’avenir semblait incertain voire bien sombre. Le ganadero, Luis Guillermo López Olea fut contraint de faire une déclaration publique pour certifier que l’élevage existait encore et n’avait pas été vendu. Il restait 25 vaches et deux reproducteurs, autant dire des confettis pour un fer qui avait pu compter à une époque plus de 150 femelles.

Depuis l’extrême fin des années 2010, la ganadería a un nouveau visage. C’est celui de Guillermo López qui est le fils de Agustín López Olea qui a repris en main les rênes de la ganadería, semble-t-il à la place de son frère Luis Guillermo López Olea. Le jeune homme donne le sentiment de savoir ce qu’il veut : remettre l’élevage sur les rails de la réussite sans forfanterie ni déclaration grandiloquente. Il explique avec une économie de mots ce qu’il recherche et pourquoi il ne veut plus voir de fundas sur ses toros. La famille a dû racheter des vaches à Isidro Prieto pour agrandir le nombre de mères de même qu’à feu Hilario Fernández de Coria à qui, des années plus tôt, elle avait cédé un petit lot de femelles. L’herbe repousse à Los Bolsicos même si le chemin reste long vers la lumière mais, à minima, on reparle de la ganadería.

 


En 1920, Agustín de Mendoza y Montero devient propriétaire de l’élevage de la Marquise de Tamarón administré depuis le début des années 1910 par les fils de cette dernière et parmi eux surtout par Ramón et Jaime Mora Figueroa. Environ 250 vaches accomplirent la transhumance jusqu’en Estrémadure en 1923 et elles étaient accompagnées par les reproducteurs suivants : ‘Valeroso’, ‘Cazador’ — qui étaient des fils de ‘Alpargatero’ —, ‘Abejorro’, ‘Treinta y Cuatro’ et ‘Campesino’. Depuis le début des années 1910, la famille Mora-Figueroa, détenait du bétail acheté directement à Fernando Parladé qui avait racheté, lui, la moitié de la ganadería de Eduardo Ybarra en 1903 ou 1904. Les Ybarra étaient la descendance la plus aboutie sur le plan taurin de l’élevage de Murube issu de deux lignes majeures du Vistahermosa. Mais ce sont les éleveurs qui font les toros. Le sang est fondamental mais à la fin, chacun des propriétaires appose sa patte propre et dans cet exercice il convient de reconnaître que les Mora-Figueroa furent parmi les meilleurs. Il n’est pas secret que Ramón Mora-Figueroa pesa de tout son savoir pour maintenir vivante la ligne du toro ‘Alpargatero’ qui faisait partie des trois mâles de Parladé qui firent le voyage de chez ce dernier vers la pâtures de Las Lomas chez les Mora-Figueroa au début des années 1910. En 1914, Parladé vend à Gamero Cívico qui récupère le reproducteur en âge d’être combattu et le présente à Madrid en 1916. Heureusement, le bicho avait eu le temps de semer dans le troupeau des Tamarón ses remarquables qualités. C’est donc l’héritage de cet ‘Alpargatero’ qu’installe le Conde de la Corte sur les terres familiales de « Los Bolsicos » et c’est cet héritage qu’il ne modifia aucunement durant sa vie d’éleveur. Respectueux de l’œuvre du comte, ses héritiers, Luis López Ovando d’abord puis les fils de celui-ci, les López Olea, ne modifièrent pas non plus le sang bleu de ces Murube / Ybarra / Parladé / Tamarón. A priori, rien d’extérieur n’entra sur le territoire des La Corte même si ces dernières années a été évoquée la probabilité que les Tamarón aient acheté des camadas de femelles à Félix Urcola aux alentours de 1909 et 1910. Rien ne permet de prouver que la famille Mora Figueroa procéda à un croisement entre Parladé et Urcola comme rien ne permet d’établir le contraire. Il s’agit d’un mystère du campo.

Si rien n’entra à Los Bolsicos, beaucoup en sortit car au-delà des succès dans les arènes, l’élevage du Conde de la Corte est aussi célèbre pour avoir vendu nombre de bêtes à d’autres éleveurs, que ce soit du temps du fondateur ou après lui avec ses héritiers. Le sang Parladé, affiné par la sélection des Mora-Figueroa et les exigences du Conde de la Corte ne pouvait qu’attirer les éleveurs qui avaient saisi que s’élaborait à Los Bolsicos le toro du futur. Ils furent donc nombreux à frapper à la porte de Agustín Mendoza y Montero ce qui ne déclencha pas en lui que de la bonne humeur. Conscient que les Mora-Figueroa envoyaient chez lui certains de leurs amis très proches à la recherche de la descendance de ‘Alpargatero’, le Conde prit l’habitude, pour brouiller les pistes, pour tromper son monde, de changer les noms des toros avant que ceux-ci ne soient lidiés. La liste des acheteurs de bétail au Conde de la Corte donne le vertige tant ils furent nombreux. Il s’agit principalement de mâles mais certains, les plus importants finalement, eurent la chance de pouvoir se procurer des femelles dans le Saint des Saints. Le premier fut Alves do Rio, éleveur portugais détenteur de Tamarón depuis 1919, qui récupéra des vaches en 1922. Le Conde de la Corte honorait ainsi un engagement pris par les Mora-Figueroa auprès de ce José Martinho Alves do Rio. Les autres ne sont rien moins que la maison Domecq et Atanasio Fernández. Juan Pedro Domecq y Nuñez de Villavicencio était un ami intime de Ramón Mora-Figueroa et celui-ci usa de l’option de rachat contractée avec le Conde de la Corte pour son ami et voisin. C’est ainsi que furent siphonnés les mâles nommés ‘Llorón’, ‘Caribello’, ‘Chucero’ et ‘Bodeguero’ ainsi que deux camadas de eralas nées en 1930 et 1931. Décédé en 1937, ce sont les fils de Juan Pedro Domecq y Nuñez de Villaviciencio qui renforcèrent l’influence des La Corte sur leur troupeau. Ils achetèrent, sous la conduite de l’aîné Juan Pedro Domecq y Díez, deux reproducteurs nommés de la même façon ‘Chavetero’ et deux nouvelles camadas de jeunes femelles en 1939 puis 1940. L’immense majorité des toros actuels descendent de ces achats. En 1923, c’est un homme du nord, de Salamanque, qui vient commercer avec Agustín Mendoza y Montero et lui acheter des femelles (35) ainsi que le semental ‘Treinta’. Il réitère l’opération en 1924 en se procurant 28 hembras de mieux. Cet homme se nomme Bernabé Cobaleda Berrocal et il détient le mythique fer de Carriquirri depuis 1908. En vérité peu aficionado, c’est son fils Juan Cobaleda Sánchez qui a poussé pour acheter les La Corte représentent le renouveau de son projet ganadero au détriment des Navarrais de Carriquirri invendables. Il décède en 1929 et l’élevage est divisée en deux parts dont l’une revient à sa fille Natividad Cobaleda Sánchez, épouse d’un certain Atanasio Fernández qui revient chez le Conde en 1930 pour se procurer 14 becerras de plus et 27 en 1931. Un an plus tard, il achète ‘Carabella’, n° 8 et fait naître à partir de ce socle un des élevages majeurs du XX° siècle. Les liens qui unissaient le Conde la Corte et le « mage » de Campocerrado allaient au-delà de liens commerciaux. Ils étaient amis et se respectaient beaucoup. À partir des années 1940, le Conde de la Corte refusa de vendre des femelles mais la maison poursuivit la diaspora de ses mâles, mêmes après la mort du dueño. Les exemples sont nombreux mais l’on peut mentionner ici celui de ‘Ali’ et ‘Tamaris’ vendus à doña Dolores Aguirre Ybarra en 1979 dont l’élevage, beaucoup plus Atanasio que La Corte de type, voit ressurgir parfois des astados très marqués par l’ascendance La Corte.

Dans son ouvrage, le Conde de la Corte fut soutenu et aidé par Pepe Magallanes, son conocedor qui avait commencé sa carrière dans cet élevage en tant que simple vaquero. Comme cela se faisait souvent dans les grandes maisons ganaderas, Pepe Magallanes transmit son savoir et sa passion à son fils Andrés Magallanes initiant ainsi une sorte de dynastie campera.
Aujourd’hui, les Conde de la Corte ressemblent toujours à ceux d’hier. Ils sont choyés par Guillermo López, petit-fils de Luis López Ovando, et par le mayoral Angel Correa. La route sera longue mais l’ambition est là.


Elevages disposant de bêtes d'origine Conde de la Corte :

 

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