Juan Contreras
Juan Contreras

 

Juan Contreras y Murillo n’était pas Andalou et, a priori, bien peu aficionado. Licencié en droit, il n’exerça jamais car la fortune familiale lui permettait de ne pas le faire. Né en 1863 (on trouve aussi 1861), habitant de Burguillos dans la province de Badajoz, il épousa en 1899 mademoiselle Ascensión Martínez de Santa María Liaño (1871-1947) qui, elle, était amoureuse des toros. Occupé à la gestion de son patrimoine, exerçant des fonctions politiques comme président du Parti conservateur de la province de Badajoz ou député provincial, rien ne destinait Juan Contreras à devenir ganadero de lidia si ce n’est, peut-être, la volonté de faire un cadeau à sa femme ou de céder aux envies d’un cousin (ou neveu) très aficionado et proche de la Casa Murube : Juan (ou Joaquín) Murillo de Saavedra Pizarro. Voici la version que donne un descendant de la famille Murillo concernant le pourquoi de l’achat de ganado par Juan Contreras y Murillo à Tomasa Escribano Roca, viuda de Joaquín Murube Monge et mère de Joaquín Murube Escribano décédé en 1905. Il ressort un certain romantisme de cette version mais la réalité est peut-être plus terre à terre : la recherche de la célébrité ? Un investissement ? Un coup de « folie » ?




En décembre 1906, Juan Contreras y Murillo achète 90 vaches et 3 reproducteurs à la famille Murube. Le choix des bêtes se fait par la bolla comme l’a si bien raconté Luis Fernández Salcedo dans ses Cuentos del viejo mayoral où l’on découvre une Tomasa Escribano, viuda de Murube, fortement courroucée de constater que les vaches récupérées par Contreras font partie des meilleures et que son mayoral n’est pas étranger à cela. Si Salcedo écrit la vérité, cela signifie que Contreras récupéra des vaches Murube de grande qualité comme le furent les toros qui accompagnaient ces femelles. En effet, les trois sementales, après avoir été utilisés comme reproducteurs par Contreras, furent combattus le 5 mai 1909 à Jerez de los Caballeros. C’est la version qu’en donne le Catecismo taurino dans son édition datée de 1913. Manuel Serrano García-Vao, alias « Dulzuras », affirme que ‘Ratón’, ‘Aceituno’ et ‘Manchonero’ furent lidiés par Manuel Mejías Bienvenida. À titre anecdotique, ‘Ratón’ reçut 10 piques et tua 5 chevaux, ‘Aceituno’ laissa 4 chevaux sur la pavé en 7 piques et l’ultime, ‘Manchonero’ n’encaissa que 3 piques. Pourtant, le récit de Dulzuras est remis en question par les écrits du Consulter taurino de 1910 dans lequel seuls deux des reproducteurs acquis à Murube furent combattus à Jerez de los Caballeros, en l’occurence ‘Ratón’ et ‘Manchonero’ qui s’avéra grandiose, en tout cas bien plus brillant que ce qu’en laisse entrevoir « Dulzuras » : « Uno de ellos, motejado ‘Ratón', hizo una gran pelea con los montados, de los que recibió, sin salir de un mismo tercio de la plaza y contra querencia, diez buenas varas por ocho caídas y cinco caballos muertos, y demostrando hasta la última hora la bravura y nobleza de los de su casta, siendo ovacionado durante su arrastre, al que mató Bienvenida previa lucida faena. El señor Contreras conserva la cabeza de éste bicho como grato recuerdo á su memoria.‘Manchonero’ se llamó el toro en cuestión: tomó de los mismos picadores que el anterior, 12 puyazos con verdadera codicia y siempre recargando, de tal modo, que el picador «Veneno», en la décima vara, le introdujo en las péndulas una tercia de palo, sin que esto le hiciera ceder en sus furiosas acometidas; después de seis costaladas y cuatro cabalgaduras fuera de combate, fue agraciado el señor Contreras con una ovación que aún repercute en sus oídos, y el toro recibió, como último homenaje, el que las mulillas lo arrastrara á los acordes de la música, no sin antes merecer el honor de que le sacaran algunas instantáneas ». Qui a raison ? Il est difficile de trancher même si de nombreuses plumes vont plutôt dans la direction de Becerra y Neira du Consulto taurino qui assigne au troisième toro, ‘Manchonero’, un destin plus serein puisque, selon eux, il fut vendu au marqués de Llen entre 1907 et 1909 donc et pour le prix conséquent pour l’époque de 6 000 pesetas. Dans un article paru sur son blog « Recortesygalleos », Rafael Cabrera Bonet va jusqu’à affirmer que Llen acheta aussi des vaches à Contreras et il en veut pour preuve un entretien accordé par le marquis à « El Timbalero », auteur du livre Los Toros de mi tierra en 1913 ; entretien dans lequel, avance Cabrera Bonet, le marquis avoue son achat de vaches à Contreras. Or, la lecture de cet entretien n’apprend rien de tel, le marquis de Llen se contentant d’expliquer à son invité qu’il a acheté des vaches à Veragua puis à Murube, une cinquantaine. À aucun moment le ganadero n’évoque les Contreras.
Dans la constitution de l’élevage de Contreras, deux faits paraissent étranges malgré une apparence très simple qui dit que le Contreras est du Murube pur et point. Le premier fait qui semble avéré est que Juan Contreras y Murillo ait acheté en 1907 du bétail à Emilio Ruíz de Bustillo, héritier de la ganadería fondée au XIX° siècle par Valentín Collantes y Bustillo. D’après le Consultor taurino de 1910, ce cheptel aurait été revendu tout de suite à Rodrigo de Solís afin de se concentrer uniquement sur le Murube. Certes mais alors quel était le but de cet achat ? Pourquoi acheter un ganado dont on sait qu’il ne servira pas ? D’autant plus quand on connaît une partie de la provenance de ce bétail de Collantes : du Murube acheté 1896 et du Nuñez de Prado, des cousins Vistahermosa donc. Le bétail de Collantes était certes croisé avec du vazqueño mais rien n’empêche de penser qu’en 1907, si Contreras achetât bien l’élevage de Collantes, peut-être utilisa-t-il quelques vaches de qualité au coeur de ses Murube. Et puis il y a cette courte notice extraite de la revue El Arte Taurino du 20 septembre 1911 (n° 25), notice dans laquelle est évoquée une novillada donnée à Barcarrota où « se lidiaron 4 novillos de Juan Contreras, procedentes de un cruce con toros de Benjumea ». C’est la seule et unique fois qu’un croisement avec du Benjumea est évoqué à notre connaissance. L’auteur a-t-il pu se tromper et écrire Benjumea plutôt que Collantes ? Après tout le Collantes était pour partie du Vázquez. Nous n’en saurons rien mais cette référence est pour le moins étrange.
Avant d’acquérir son ancienneté à Madrid en 1912, Contreras vend une partie de son élevage en 1911 à Carlos Sánchez y Sánchez de Salamanque qui le mélange à ses Carreros et le place sous le fer inscrit au nom de ses fils, Ildefonso et Fernando Sánchez Rico. Le 25 juillet 1912, Contreras fait combattre une novillada à Madrid et obtient ainsi l’ancienneté de son fer. D’après la revue El Arte Taurino, la novillada fut plutôt bonne : « los toros del debut se portaron bien. Todos fueron nobles y pastueños hasta dejarlo de sobra, aunque mansurronearon algunos, como el corrido en cuarto lugar que tuvo que ser fogueado. Primero y quinto fueron dos toros para honrar la vacada, desde que salieron hasta que se arrastraron. El primero, ‘Flor de Jara’, negro, bragao y escobillado de los dos, fué levemente aplaudido al salir al ruedo. ». Cependant et malgré de bons débuts, la ganadería de Contreras décline assez rapidement. On lui reproche une certaine mansedumbre et un tamaño trop chiche. En 1917, voici ce qu’écrivaient Don Ventura et Recortes dans leur Toros, bueyes y monas : « pero llegaron los tiempos actuales, se encapricharon de ese ganado los diestros en moda, al ganadero le faltó sin duda fuerza de voluntad para imponerse a las exigencias de los apoderados, y la que podía ser una de las primeras ganaderías españolas, ha decaído tanto que donde quiera que se lidian va el escándalo consigo ». A priori, le fait d’avoir sélectionné un toro pour figura, avec l’aide de certaines comme Joselito, lui fut souvent reproché. À la fin des années 1910, Juan Contreras y Murillo décide de vendre l’élevage et plusieurs thèses sont avancées pour expliquer cette décision. Certains évoquent la lassitude et l’incapacité d’améliorer le cheptel brave dont il est le propriétaire, d’autres avancent l’idée que la ganadería était en réalité menée par le cousin ou neveu Juan (ou Joaquín) Murillo de Saavedra Pizarro qui, en 1918, annonce à Contreras son intention de se marier et d’abandonner le suivi de l’élevage. À cela se seraient ajoutés des problèmes financiers liés à de mauvaises affaires. Les plus « romantiques » affirment que la mort de Joselito, ami de Contreras, en mai 1920 aurait scellé le sort de la vacada. Dans tous les cas, Contreras prépare la vente dès 1919 et se tourne de nouveau (une première vente avait eu lieu en 1911), pour moitié, vers les frères Sánchez Rico de Salamanque. Le fer de Contreras est d’ailleurs récupéré par Fernando Sánchez Rico, l’un des trois frères. L’autre moitié est vendue en 1920 à l’oncle de ces derniers, Juan Sánchez y Sánchez, surnommé Juan Terrones alors même que sa finca était celle nommée « Pedro Llen ».
Ainsi, en 1920, les « petits » toros de Contreras quittent la finca La Giralda pour rejoindre les terres du Campo Charro. Le Contreras est aujourd’hui quasiment inexistant dans une version « pure » et non domecquisée. Pourtant, le nom de Contreras continue de faire rêver les aficionados et de survivre, en particulier dans la caste d’élevages de grande qualité comme l’est celui de Baltasar Ibán.

 
 

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