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Juan Contreras fut l’un des ganaderos les plus célèbres de son époque. Proche de Joselito, l’enfant prodige de la tauromachie va largement l’influencer et le seconder, du choix des origines, du pur Murube acquis en 1907 à Tomasa Escribano, veuve de Joaquín Murube, aux sélections. Si bien que les résultats ne se font pas attendre. L’élevage est définitivement lancé en 1914 avec le toro ‘Tallealto’, lidié par Juan Bemonte à Madrid. Juan coupera alors sa première oreille madrilène à une époque où la récompense n’est pas une coutume. Poussée par l’affection des deux grands toreros de l’époque, la ganadería occupe le devant de la scène. Joselito combattra un total de 61 toros de Juan Contreras dans sa carrière. Un des signes particuliers de Juan Contreras fut de marquer ses toros sur le flanc gauche, une coutume perpétuée par tous ses successeurs dont les Baltasar Ibán.
Mais, en 1920, choqué par la mort de son ami sous la corne de ‘Bailador’, Juan Contreras se défait rapidement de l’élevage. Juan Sánchez y Sánchez de Terrones, mythique finca du Campo Charro, profite alors de l’occasion pour se procurer l’un des meilleurs élevages de l’époque et en restitue une petite part à ses neveux les Sánchez Rico. Les trois frères, Santiago, Fernando et Idelfonso prennent leur part en 1924. Fernando la cède en 1929 à Jerónimo Díaz Alonso. L’homme possédait déjà des vaches Vicente Martínez et n’hésita pas à les mêler à ses Contreras. Bien lui en prit, puisque le croisement fut excellent. Durant la Guerre civile (1936-1939), la devise connaît de sévères pertes, allant presque jusqu’à son anéantissement. En 1939, les héritiers Díaz Alonso vendent l’élevage à Manuel González Martín "Machaquito", qui ajoute encore du bétail d'origine Contreras, qu'il possédait alors. En 1940, il cède la moitié du bétail au Comte de Ruiseñada et poursuit jusqu’en 1957 où il le vend entièrement à don Baltasar Ibán Valdés, qui achète également la finca voisine propriété de la sœur de Manuel, Isabel Rosa González Martín, pour construire le cortijo Wellington.
Baltasar Ibán n’était pas destiné à devenir éleveur. Né dans la province de León, il partit de rien pour construire sa fortune au sortir de la Guerre civile avec ses entreprises de transport. Sa réussite fut telle qu’elle l’amena jusqu’à acquérir le prestigieux Hôtel Wellington à Madrid. Homme intelligent, il s’entoure de la meilleure des façons et exploite à merveille la caste des petits toros Contreras pour faire perdurer leur réputation sous sa devise. La nouvelle ganadería fait sa présentation à Madrid où elle acquiert son ancienneté avec une novillada le 15 août 1957. Les succès s’enchaînent dans les années 1960 où la classe des Contreras permet la réussite des figuras. L’apogée se situe le 2 mai 1969 à Madrid lorsque Paco Camino et El Viti coupent à eux deux 5 oreilles. Cependant, l’aura de la devise est freinée par sa modeste présentation et ses petites cornes, la critique s’intensifiant avec les années. Au point que Baltasar Ibán dû envisager de croiser ses Contreras avec du bétail d’origine Domecq pour leur donner plus de corps et de tête. L’entreprise fut testée en 1975 à Castellón et jugée comme une réussite. Alors, le croisement fut étendu à tout le troupeau et un second fer nommé Los Guateles - du nom des petits ruisseaux qui traversent la propriété - fut créé pour marquer les purs Domecq.
En 1976, don Baltasar décède d’un infarctus. Ses biens sont légués aux Jésuites exceptée sa ganadería qui revient à son neveu José Luis Moratiel Ibán. Néanmoins, la direction de la devise est assurée par le mayoral de toujours Francisco Santos, véritable conocedor de la ganadería et par le régisseur Antonio Vaamonde. Ce dernier avait commencé comme comptable auprès de Baltasar Ibán pour devenir son administrateur. Les deux hommes étaient déjà des piliers de l’élevage et poursuivront l’aventure avec la même âme. La page d’or de la ganadería s’écrit en 1994 lorsque César Rincón rencontre ‘Bastonito’ sur le sable des arènes de Madrid. ‘Bastonito’ est un ouragan de caste et de bravoure et César Rincón ose l’affronter, la lutte est haletante, les adversaires se rendant coup pour coup. ‘Bastonito’ et César entrent dans l’histoire. Mais ce combat n’est pas sans conséquences, Rincón tardera à retrouver le sitio et les figuras se détournent des Baltasar Ibán qui étaient jusqu’alors un élevage habituel. Mais peu importe, ici on aime le toro brave et encasté, et telle demeure la ligne.
En 1997, suite au décès de don José Luis Moratiel Ibán, et de la veuve de Baltasar Ibán, les héritiers forment la société "Ganadería Ibán, S.L.", qui achète également le fer et la finca aux Jésuites. Cristina Moratiel, petite nièce de don Baltasar, en prend la direction en 2004. Elle choisit pour mayoral et homme de confiance Domingo González, qui était jusqu’alors vacher. Le duo s’entend à merveille poussé par la recherche d’un même toro exigeant, brave et encasté. Les décisions, comme les rôles, sont partagées et aujourd’hui encore le même état d’esprit que du temps du patriarche habite le cortijo Wellington.
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Le toro de Baltasar Ibán présente une origine curieuse, unique, qui en fait une race à part entière. Alliance subtile des races Contreras et Domecq, il unit ainsi deux rames issues de l’élevage de Dolores Monge, veuve Murube, séparées depuis 1884. Si les Contreras sont de purs Murube, on ne peut pas en dire autant des Domecq, qui au fil des ans ont pris une orientation différente pour muter en un encaste propre.
En 1907, Juan Contreras, aiguillé par son ami Joselito, part chez Dolores Monge pour acheter 90 vaches et trois étalons. Dès la tienta les trois étalons, ‘Aceituno’, ‘Manchonero’ et ‘Ratón’ firent parler d’eux en prenant plus d’une trentaine de piques et tuant treize chevaux. Leurs descendants furent de la même trempe, on raconte même que lors d’une tienta de macho, le becerro ‘Naranjito’, alla 43 fois au cheval, les dernières alors que la porte du campo était ouverte ! Fidèle aux caractéristiques des Murube, le Contreras, toro de morphologie réduite, alliant bravoure et noblesse, se distingue par la beauté de son galop et par ses qualités de charge. Les robes allant des negros au castaños, en passant par les colorados.
Les successeurs de Juan Contreras garderont ce sang, seul Jerónimo Díaz Alonso y ajoutera des vaches de Vicente Martínez en 1929. Alors déjà ce bétail n’est plus d’ascendance Jijón mais Ybarra.
En 1957, Baltasar Ibán devient propriétaire de l’élevage et débute avec ses Contreras. Novice dans le métier, Baltasar s’entoure avec intelligence et écoute les conseils des taurins qu’il fréquente. Sa sélection est drastique et en une dizaine d’années l’homme se fait un nom. Son toro est « brave comme un petit démon ». S’il a préservé la bravoure des Contreras, la caste en est encensée avec beaucoup de chispa. Cependant, dans les années 1960, l’afición goûte un toro plus imposant et le toro de don Baltasar est décrié. Des lots sont même refusés par les vétérinaires comme à Saint Sébastien en 1972 où le ganadero refusera de reprendre ses toros et demandera à les faire puntiller tous, « s’ils ne valent pas ici, ils ne vaudront pas mieux ailleurs ».
Alors, pour corriger les déficiences en présentation, manque de corpulence et petites armures, Baltasar Ibán fonde en 1969 l’élevage de Los Guateles. Il place sous ce nouveau fer une grande partie de l’élevage de Maria Antonia Fonseca acquise à Antonio Arribas Sancho. Ce bétail est d’origine Juan Pedro Domecq et les étalons ‘Sonajero' et ‘Peleón’ seront les plus influents. Baltasar Ibán place d’abord un étalon de cette nouvelle origine Domecq sur un petit lot de vaches pour observer les résultats et réduire les risques. Le croisement est une réussite, il s’étend alors à l’ensemble du troupeau. En 1976, un an à peine après les premières prestations de ses toros croisés, don Baltasar décède d’un infarctus, laissant à ses héritiers le soin de terminer la difficile tâche entreprise. Francisco Santos et Antonio Vaamonde vont s’avérer à la hauteur de l’entreprise et réussir à terminer le travail dans le même état d’esprit. La sélection y est aussi rigoureuse et le Baltasar Ibán est maintenant un toro plus lourd et mieux armé, sans exagération, brave et qui transmet beaucoup d’émotion. Mais c’est aussi un toro qui pose des problèmes, la race décuplant ceux-ci. Avec l’introduction du sang Domecq, des robes nouvelles sont également apparues. Aux côtés des traditionnels negros, castaños et colorados, cohabitent les salpicados et burracos.
Depuis 2004 Cristina Moratiel, petite nièce de Baltasar Ibán, dirige l’élevage. On peut dire que le même esprit de rigueur l’habite et elle maintient à l’identique le toro de la maison, mélange si particulier entre Contreras et Domecq créé un demi-siècle plus tôt. Afin de préserver ce trésor, Cristina n’hésite pas à se projeter et à anticiper d’éventuels problèmes de consanguinité, car avec seulement dix familles dans l’élevage, c’est un risque bien réel. À cette fin, un croisement a été entrepris avec des étalons de Pedraza de Yeltes. Les résultats sont bons, bien que produisant des toros grands qui dénaturent un peu le type original. Ceci n’était qu’un essai, sans impact sur le troupeau, mais désormais si la problématique de la consanguinité se fait trop forte, elle saura vers qui se tourner.
Elevages d'origine Baltasar Ibán :
Elevages disposant de bêtes d'origine Baltasar Ibán :
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