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Si la passion de l'élevage se transmet souvent de père en fils, sacrant de nombreuses familles dans la profession, peu sont celles qui peuvent se vanter de poursuivre une aventure débutée au XIX° siècle. La ganadería de Palha, à l'image de celle de Miura, est de celles-là. D'ailleurs, les deux célèbres devises furent souvent comparées.
Tout débute par une rencontre, un mariage, celui d’Antonio José Pereira Palha e Lacerda avec Laura Rodríguez Blanco. Les deux époux, lui Portugais, elle Espagnole, fondent autour de 1848 leur ganadería avec du bétail de divers éleveurs portugais. La majeure partie du troupeau découle de l'élevage de Damaso Xavier Dos Santos, formé avec des bêtes du héritées de l’éparpillement de la ganadería de Miguel Ier de Braganza qui détenait du sang pur Vázquez via son oncle Fernando VII, roi d’Espagne. La première course fut pour les cavaleiros, à Lisbonne le 11 septembre 1854.
L'afición de leur fils, José Pereira Palha Blanco fut précoce.À à peine 17 ans, il prend les rênes de la ganadería pour les garder durant plus de 65 ans, métamorphosant complètement l’élevage. Le jeune homme débute en instaurant une sélection rigoureuse, réduisant à une centaine les cinq cents vaches de ventre du troupeau. Puis, il introduit du sang neuf, toujours sur fond d’origine Vázquez, avec l'étalon ‘Guitarrero’ de Concha y Sierra et des vaches du Conde de Trespalacios. Lié d'amitié avec la famille Miura, José obtint d'Antonio le prêt d'étalons durant une quarantaine d'années. Dès lors, deux lignées apparaissent dans la vacada, la traditionnelle, celle des Vázquez, chérie par les toreros et la de Miura, plutôt du goût des aficionados. À l'époque, les Palha ont une réputation de toros durs se forgeant même le surnom de "Miura portugais". Les toreros redoutent les Palha, à l'identique de leurs homologues andalous. La légende noire suivra elle aussi la voie des gènes, puisqu’en seulement cinq ans, trois toreros succombent aux cornes des Palha : le banderillero "Pelucho" en 1923, Felix Moreno en 1927 et le picador "El Colorao" en 1928.
Au décès de José Pereira Palha Blanco, en 1937, cinq petis-fils lui succèdent car ses fils sont décédés. Cinq ans plus tard, les jumeaux Carlos et Francisco Van-Zeller (fils de Maria do Carmo Palha) prennent en charge l'élevage, qui est alors loin d'être dans un de ses meilleurs moments. Pour sortir de l'impasse, les deux frères décident d’accentuer une nouvelle voie initiée par leur cousin José Van-Zeller Pereira Palha (dès 1924, c’est lui qui dirigea les destinées de la ganadería lorsque José Pereira Palha Blanco plongea dans une sorte de neurasthénie) dès la mort du patriarche : du bétail de leur voisin Pinto Barreiros et deux étalons d'origine Parladé pénètrent les terres des Palha situées dans la Leziria du Tage. Ne faisant plus combattre de toros en Espagne pendant une vingtaine d'années, ils concentrent leurs efforts sur le nouveau sang. L'aire moderne de la devise de Palha venait de naître.
En 1951, ils décident de conserver uniquement le bétail d'origine Parladé, la souche traditionnelle allant à l'abattoir. Mais l'histoire raconte que David Ribeiro Telles sauva une vieille vache berrenda d’origine Veragua, ‘Chinarra’. Il céda ses descendantes quelques années plus tard à son beau-frère Fernando de Castro Van Zeller Pereira Palha, un neveu des jumeaux, qui les mit avec des étalons d'origine Pinto Barreiros puis Vázquez. C'est ainsi que l'un des derniers ganaderos romantiques fit renaître les Palha ancestraux. Mais revenons aux frères Palha Van-Zeller, qui, pour leur retour en Espagne, le 11 juillet 1957, rencontrent le succès à Madrid, le mayoral et le torero du jour, "Solanito", sortant à hombros. Dès lors, les Palha retrouvent les grandes ferias où les figuras viennent les affronter.
En 1968, au décès de Carlos, Francisco poursuit seul, augmentant encore le renom de la devise. Francisco décède en 1980, héritent alors ses neveux Van-Zeller Palha Botelho Neves et Folque de Mendoça. Ce dernier achetant peu à peu toutes les parts pour finir par devenir l’unique propriétaire.
Avec João Folque s'ouvre l'ultime page de la ganadería. Il rafraîchit ses Pinto Barreiros avec d'autres Parladé de chez Oliveira Irmãos et David Ribeiro Telles (le tout est majoritairement du Pinto Barreiros). Puis, il complète le croisement avec du sang Domecq, via des étalons de Torrealta. Mais cherchant à faire jaillir l'émotion dans le ruedo, João crée une seconde lignée ancrée sur la recherche de la caste, avec du bétail de Baltasar Ibán. Menant séparément chaque origine, il va centrer ses efforts sur les Baltasar Ibán, tout en tentant d'extraire le maximum de caste des produits de ses ancêtres. Le type change, mais il réussit à adapter ses toros à l’évolution de la tauromachie tout en gardant une très belle réputation auprès des aficionados. Même si le caractère imprévisible de ce charismatique éleveur fait parfois scandale. Aussi, si par la caste de ses produits l'élevage a remporté de nombreux succès, notamment en France, l'affaire d'afeitado d'un toro à Nîmes ternit son blason. Cependant, avec les Palha, l’émotion est dans le ruedo, à l'image de l'étincelant ‘Espada’, meilleur toro de la Feria d'Avril à Séville en 2005.
Par contre, la crise de 2008 va frapper fortement la devise, qui divise le nombre de ses sorties par deux. Cependant, même moins nombreux, les toros de Palha arrivent régulièrement à marquer les esprits et conservent toute leur renommée depuis maintenant près de deux siècles.
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Curieusement, l'élevage de Palha a souvent possédé des origines distinctes ou tout du moins des familles (reatas) bien différentes. Ce fut le cas du temps du fondateur, José Pereira Palha Blanco, avec d'un côté les vazqueños et de l'autre un amalgame de ceux-ci avec les Miura. Depuis que João Folque de Mendoça est à la tête de l'élevage, il en est de même, deux lignées cohabitent sous le même fer. L'une est la refonte de l'origine traditionnelle, l'autre est l'implantation d'une nouvelle lignée, le tout d'origine Parladé.
Entamons, comme il se doit, par ordre d'ancienneté, tout d'abord l'origine traditionnelle. Enfin pas tout à fait, puisque les vazqueños traditionnels de la devise, pimentés des gènes miureños, ont disparu en 1951. Les frères jumeaux Carlos et Francisco Van-Zeller à leur arrivée à la tête de la vacada, en 1943, leur ont préféré le sang Parladé. Ils n'eurent pas besoin d'aller bien loin et se tournèrent vers leur voisin Pinto Barreiros pour fonder leur nouvelle lignée. Ce fer lusitanien avait assemblé, en 1925, des vaches de Félix Suárez, origine Santa Coloma, et un étalon du Conde de la Corte à l'élevage de la veuve d’Antonio Guerra, le frère de Guerrita, d’origine Gamero Cívico, ex-Parladé. Le tout donne un toro à large dominante Gamero Cívico, soit un Parladé rustique fidèle à ses origines primitives.
Les deux frères Palha renforcent encore l'origine Gamero Cívico en incorporant deux étalons de cette provenance, l'un de Juan Belmonte, l'autre de Domingo Ortega. Durant près de vingt ans, ils se consacrent à leur nouveau sang, ne faisant plus combattre de toros en Espagne. Leur travail porta ses fruits puisque leur retour en Espagne sera triomphal, avec un grand succès à Madrid en 1957. Autour des années 1960, ils effectuent deux nouveaux implants avec des vaches et des étalons de Isaías et Tulio Vázquez ainsi que l'étalon ‘Cordovoso’ de Pinto Barreiros. Ce dernier ayant une grande influence sur le futur de l'élevage.
À la prise de direction de João Folque de Mendoça, la vacada va subir quelques transformations. L'homme ré-introduit d'abord, en 1981, du sang d'origine Pinto Barreiros avec 20 vaches et un étalon de Oliveira Irmãos puis 2 étalons de David Ribeiro Telles. Pas totalement convaincu par les résultats, il importe du sang Domecq avec 2 étalons de Torrealta en 1989. Là, les premiers produits s'avèrent plutôt probants puisque trois ans plus tard, le ganadero récidive avec 2 nouveaux étalons, toujours de Torrealta. Le type du toro de Palha se transforme alors, et devient moins parladeño dans l’esprit de la ligne ancienne, s’inscrivant dans un type plus moderne.
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La seconde ligne de l’élevage est d’ascendance Baltasar Ibán. Désireux de renforcer la caste et l'émotion, João Folque de Mendoça prend le parti en 1992 de créer une seconde lignée. Cette décision n'est pas uniquement celle du ganadero, mais aussi celle de son fidèle mayoral Joaquim Isidro Dos Santos, qui, impressionné par la force de caractère des Baltasar Ibán lors d'une corrida-concours à Salamanque, réussit à convaincre João d'acheter quelques bêtes. L'influence de Joaquim fut telle que les vaches de cette lignée sont dénommées familièrement les "juaquinas". 60 vaches et trois étalons migrent alors des terres madrilènes pour le Portugal où l'origine sera menée de façon totalement indépendante. Indépendante certes, mais avec la personnalité des Palha, puisque des vaches d’origine Pinto Barreiros furent mêlées à cette ligne, le mélange donnant d’excellents résultats. Difficile d’être plus précis, João Folque souhaitant rarement s’étendre sur les dosages de son alchimie.
Désormais, l'attention des propriétaires se centre sur le mélange Contreras - Domecq des Baltasar Ibán qui compose la majeure partie du troupeau. Attention récompensée car les toros issus de cette lignée ont illuminé de leur caste de nombreux après-midi. Les résultats sont fidèles aux attentes du ganadero. Ainsi fut déclaré vainqueur de la corrida-concours de Madrid en 1998 ‘Yegüero’ ; quant à ‘Fusilito’, il remporta en 2014 le prix du toro le plus brave de la San Isidro. En France, on se souvient encore par exemple de ‘Camarito’, nom ô combien Ibán, qui révéla une bravoure brute et puissante lors de la corrida-concours de Vic-Fezensac en 2009.
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