Torrestrella
Torrestrella

Alvaro Domecq était un ganadero intuitif. L'homme ruisselait d'idées qui s'avérèrent dans leur grande majorité probantes, faisant de cet Andalou un précurseur. Il fut le premier à mélanger les castes Domecq et Nuñez, mélange qui allait devenir un classique du toro moderne. Tout en différenciant ses Torrestrella de cette généralité par des pigments de caste vazqueña. Il fut également un des précurseurs en matière de génétique et de techniques de reproduction bovine.

Sa ganadería, initiée en 1955, trouve le succès dans les années 1970, après une importante période de rodage. Depuis, le fer est de ceux qui comptent. Alvarito, son fils, lui succède en 2005. Le nombre de bêtes baisse alors fortement mais la devise continue à produire des toros importants qui marquent chaque temporada. Malgré cela, dans le marché taurin d’aujourd’hui, il est très difficile de se faire une place, même lorsqu’on se nomme Torrestrella. Aussi ne pouvant plus entretenir la célèbre finca de « Los Alburejos », elle fut vendue en 2020. La devise est aujourd’hui en danger et son avenir fragile.

Ancienneté : 2 Septembre 1951
Devise : Bleu et Or
Signal : Rasgada à gauche
Propriétaire : Los Alburejos, S.A.
Gérant : Álvaro Domecq Romero
Fincas : "Carrascal"  Benalup de la Sierra"Camila"  Chiclana de la Frontera
   Unión de Criadores de Toros de Lidia





Crédits photographiques : Terre de Toros - Louise de Zan  

 

Le Sévillan Salvador Suárez Ternero fonde en 1947 un modeste élevage de bravos qu'il nomme "Torre Estrella", en référence à une ancienne tour de guet mauresque. Pour ce faire, il choisit du bétail d'origine Gamero Cívico de chez Juan Guardiola Fantoni (45 eralas et 1 étalon). Il sollicite alors son admission à l'U.C.T.L. par l'exercice de la prueba et l'obtient en 1951 après avoir lidié dans les arènes de Cordoue, Séville, Cadiz, Valence, Vista Alegre et Madrid où il obtient son ancienneté, le 2 septembre 1951.

Alvaro Domecq y Díez, qui avait partagé en 1937 avec ses frères l'élevage de leur père, Juan Pedro Domecq y Nuñez de Villavicencio, s'était défait très vite de sa part. Préférant se consacrer à l'élevage des chevaux et à l'art du Rejoneo. La vie de don Alvaro est une accumulation de réussites, sa biographie est véritablement impressionnante. Rejoneador d'exception, il relança ce style de tauromachie dans les années 1940. Il se consacra également à la politique andalouse où il occupa des postes de haute responsabilité. Successivement maire de Jerez de la Frontera (1952-1957) puis président de la "Diputación de Cadiz" (1957-1967). Mais revenons aux toros quand il débute sa carrière en 1954, date à laquelle il achète l'élevage de Salvador Suárez Ternero.
L'idée d'Alvaro Domecq est d'assembler du bétail de divers élevages, en quelque sorte "pinchar" le meilleur. L'entreprise étant risquée, il avoue lui-même avoir débuté sans prétention aucune. Sous l'appellation de Valcargado, il insère le meilleur bétail, du moins le plus à son goût, avec un lot de Carlos Nuñez. Il achète également en partenariat avec Manuel Camacho, l'élevage de Curro Chica dont il utilisera quelques vaches. Il complètera naturellement le tout avec du bétail de la devise de son frère Juan Pedro Domecq y Díez.
L'alchimie s'avère excellente. Le mélange des castes Domecq et Nuñez, pimenté de touches vazqueñas donne un toro inédit, apportant à la devise une belle renommée. Le fer de Torrestrella rivalise bientôt avec les meilleurs d'Espagne. La demande des empresas grandit, ainsi que celle des ganaderos. Le toro de Torrestrella s'éparpille peu à peu dans la cabaña brava pour devenir un encaste.
Après avoir subi une baisse de forme dans les années 1980, avec un appauvrissement de caste accompagné de faiblesses notoires, Alvaro sut trouver l'antidote à ses maux et revenir au premier plan. Place qu'il occupera jusqu'à sa mort en 2005. Depuis, son fils, Alvaro Domecq Romero, lui a succédé.

Succéder à un tel homme n’est pas chose facile. Alvarito comme on le surnomme dans le milieu taurin, fut également rejoneador, et a accompagné son père de nombreuses années avant de se voir confier la responsabilité de l’élevage. Néanmoins, il lui fallut une grosse dizaine d’années pour prendre véritablement la main sur l’élevage. Il faut dire aussi que la crise économique de 2007 ne lui rendit pas la chose facile. Toujours est-il que la devise ne faisait plus combattre qu’une vingtaine de toros en 2015. Toutefois, à force de travail, le toro de Torrestrella retrouve peu à peu sa réputation et une place de choix dans les ferias importantes. Même s’ils sont moins nombreux et un peu plus irréguliers, les prestations des Torrestrella continuent de marquer les esprits et de remplir les tableaux d’honneurs. Dernière étape en date, la vente de la finca historique « Los Alburejos » à un homme d’affaires étranger pour 20 millions d’euros. Le marché taurin est cadenassé par les mêmes élevages, qui répètent dans les grandes ferias et ne laisse que très peu de place aux autres, explique Alvarito. Aussi n’était-il plus possible d’entretenir une si vaste finca avec si peu de bétail vendu. Depuis 2020, l’élevage est localisé sur la propriété de « El Carrascal » à Benalup de la Sierra, mais Alvaro Domecq Romero ne cache pas ses inquiétudes pour l’avenir.

 


Aficionado, Alvaro Domecq y Díez dégustait les qualités de charge des toros de Carlos Nuñez. Alors, lorsqu’il ambitionna de créer sa propre devise, il alla naturellement chercher du bétail chez son voisin de la province de Cadiz.

La philosophie de cet Andalou, sa méthode, résidait sur le mélange des sangs. Il agrémenta donc ses Nuñez avec du bétail de Curro Chica. En 1957, il avait acheté avec son voisin de Medina-Sidonia, Manuel Camacho, ledit élevage, filiation de l'ancienne ganadería portugaise du Duc de Braganza. Soit un mélange de vaches vazqueñas avec des étalons de Ibarra. Lors du partage, Manuel conserva le fer, tandis qu'Alvaro récupéra les meilleures vaches.
Pour compléter le tout, le ganadero utilisa du bétail "de la casa", c'est-à-dire de l'élevage de son frère Juan Pedro Domecq y Díez. S'il introduit un nombre limité de vaches, de nombreux étalons vinrent alimenter la vacada. Les liens familiaux lui permettant un apport quasi constant.

Ainsi, le toro de Torrestrella naquit du mélange des castes Domecq et Nuñez, pimenté par quelques gouttes de sang vazqueño. De nombreux éleveurs embrayèrent le pas, utilisant à leur fin les Torrestrella ou se risquant également dans le mélange des deux castes. Alvaro fut donc le précurseur de cette caste qui est désormais un classique du toro moderne.

Mais le toro de Torrestrella est avant tout une sélection qui sut amalgamer avec le temps des origines hétérogènes. Trois étalons eurent notamment une influence déterminante. Tout d'abord ‘Lancero’, fils de la vache ‘Lancera’ de Carlos Nuñez. Le ganadero, dans une entrevue pour le journal « Diario Bahia de Cadíz », le définit ainsi "ce n'était pas un becerro excessivement brave, mais à la muleta il était très brave". Car pour Alvaro, il existe deux bravoures, celle du cheval et celle de la muleta. Deux concepts dont le second fut essentiel dans sa sélection. Grâce à ‘Lancero’, la caste Nuñez put solidement être ancrée. Il apporta notamment beaucoup de tempérament et les pelages salpicado et burraco, qui sont depuis devenus caractéristiques de la devise.
Puis ‘Gusarapo’ et ‘Desgreñao’, du fer de Juan Pedro Domecq qui furent prêtés un temps par son frère en échange de ‘Lancero’. Ils améliorèrent considérablement la qualité de la vacada, influençant fortement sa génétique.


Elevages d'origine Torrestrella :


Elevages disposant de bêtes d'origine Torrestrella :

 
 


Morphologie
 

C'est un toro sérieux, très bas et fin. Doté d'une ossature importante, sa musculature est particulièrement développée, donnant un ensemble plus lourd qu'il ne l'est réellement du fait de sa petite taille. Le poitrail est profond (hondo) avec un morrillo important et rond. Le train arrière est également bien développé. La tête possède une envergure importante, large du frontal au museau. Les poils y sont longs et frisés. Bien armé, les cornes sont d'une grosseur moyenne, remontant vers le ciel. Fréquemment, les cornes partent simplement vers l'avant (cornidelantero). Le cou est long et la papada importante, donnant pour certains exemplaires des formes grossières.
Une de leurs caractéristiques est la variété des robes : le plus souvent burracos ou salpicados en negro ou cardeño, mais aussi mulatos, zaínos, bragados, colorados, castaños, ojinegros, ojo de perdiz, chorreados, melocotones, ensabanados, salineros, sardos et même jaboneros.


Comportement

Au moral, le toro de Torrestrella fait preuve d'énergie dès sa sortie du toril. Ensuite, ses principales qualités sont la fijeza et la noblesse. Mais leur noblesse n'est point naïve car dominée par une véritable caste qui les rend ardents au combat. Leurs charges allègres, le toro allant crescendo, favorise le toreo à distance propageant l'émotion dans toute la plaza.
L'élevage, en une cinquantaine d'années d'existence, a oscillé entre des périodes marquées par une noblesse niaise ou un genio exagéré. Mais toujours, les talents de ganadero des Alvaro Domecq père et fils ont su remettre les Torrestrella dans le droit chemin.

 
 

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