Luis Xavier da Gama
Luis Xavier da Gama

 




Le nom de Gama est connu dans le monde taurin grâce surtout à Faustino Luz da Gama qui fut éleveur de toros de 1930 à 1964. Cependant, dans la famille Gama, certains de ses aïeux ont eux aussi écrit une page voire même deux de l’histoire de la cabaña brava et, parmi eux, il est intéressant de se pencher sur la place qu’occupa son père, Luiz Xavier da Gama, né en 1868 et décédé en 1956.
Propriétaire terrien, éleveur de toros, empresa des arènes de Lisbonne (Campo Pequeno) au début du XX° siècle, Luiz Xavier da Gama fait partie de ces caciques locaux issus de « grandes » familles portugaises qui détenaient la réalité du pouvoir, et politique, et économique, dans un pays encore très rural à la fin du XIX° siècle et au début du suivant. Pour comprendre correctement le ganadero que fut Luiz Xavier da Gama, il faut avant tout s’attacher à évoquer la figure de celui qui était son oncle, Faustino da Gama ; figure dont il hérita la fortune et l’élevage.

En 1877 ou 1880, Faustino da Gama devient éleveur de toros de combat. Il est originaire d’Obidos à côté de Caldas da Rainha et se fournit auprès de plusieurs éleveurs portugais pour fonder sa ganadería. Parmi eux, il est possible de citer le marquis de Belas, le vicomte da Abrigada ou le comte de Belmonte en ce qui concerne les femelles. C’est chez le Conde de Sobral qu’il se sert pour les reproducteurs qui se nomment ‘Labrusco’ et ‘Bogalho’. En 1888, Gama achète deux autres mâles chez Estevão de Oliveira et Caetano de Bragança. L’ensemble de ce mélange devait être dominé par la casta portuguesa, cet amalgame entre les toiros da terra et ceux de sang espagnol et surtout Vázquez.
Officiellement, Luiz Xavier da Gama, neveu de Faustino, prend les rênes de la ganadería en 1895 mais, en réalité, c’est lui qui sélectionne depuis le début des années 1890. Dans son livre publié en 1901, Aficionados e ganaderos, José Pampilho écrit qu’entre 1893 et 1894, le neveu « retienta » toutes les vaches de son oncle afin d’améliorer la qualité de leur tempérament. Ainsi, 380 vaches furent testées de nouveau et seules 110 eurent le droit de demeurer reproductrices. Cependant, et malgré les efforts de sélection des Gama, les résultats restaient inférieurs aux espérances du neveu qui décida donc de transformer l’œuvre de son oncle de fond en comble. Il se tourne d’abord vers le matador – ganadero Luis Mazzantini pour lui acheter, a priori entre 1895 et 1896, un reproducteur nommé ‘Jaquetón’ ainsi qu’une soixantaine de femelles parmi lesquelles 33 becerras qui, une fois tientées par Gama, ne demeurèrent que 8. Avec cet achat auprès de Mazzantini, Luiz Xavier da Gama introduisait sur ses terres du bétail de « pure race espagnole » comme l’écrivaient souvent les chroniqueurs portugais de l’époque. Pour autant, Gama s’offrait un mélange détonant en ce qui concernait les origines pour le moins diverses des Mazzantini.

C’est en 1886 que la figura Luis Mazzantini devient éleveur de toros en achetant l’élevage de Antonio Fernández de Heredia qui était lui-même l’aboutissement d’une histoire ganadera qui avait traversé toute la seconde moitié du XIX° siècle. En effet, il faut remonter aux années 1840 pour retrouver la trace des ancêtres des bêtes de Mazzantini chez un éleveur de Colmenar Viejo, Casimiro López Puente. Vers 1850, son neveu Antero López fonde une ganadería à partir des restes du bétail de son oncle qu’il croise avec des bêtes du marquis de la Conquista. Ses toros étaient surnommés « Los toros del bonetillo » car le fer d’Antero López ressemblait à un bonnet. Il sort une corrida de ce croisement entre des Jijón et des Toros de la Tierra de Colmenar — blanc bonnet, bonnet blanc en somme — le 09 septembre 1860 à Madrid mais l’élevage passe à un dénommé Donato Paloino qui est annoncé à Madrid en octobre 1880. Le fer de López a changé et est devenu un N majuscule. Ce Palomino mélange ses Jijón avec du bétail de Agustín Salido originaire de Ciudad Real à propos de qui nous ne savons rien ou si peu. De toute façon, Palomino ne conserve pas les bêtes longtemps puisqu’on retrouve celles-ci entre les mains de Antonio Fernández de Heredia à partir de mars 1882. Le fer change une nouvelle fois et le sang est de nouveau amalgamé à d’autres origines qui, pour le coup, paraissent aux antipodes ou presque du Jijón. Ainsi, Heredia acquiert en 1883 des vaches à Antonio Hernández au sujet duquel une mention précisait « antes Freire », c’est-à-dire du Vázquez. Ce croisement étrange est confirmé la même année par l’acquisition de deux sementales aux frères Diego et Pablo Benjumea… du Vázquez encore. Les deux reproducteurs sont ‘Botinero’, berrendo en negro et ‘Naranjero’, colorado salpicado. Le 26 octobre 1886, le matador Luis Mazzantini devient le propriétaire de cette ganadería et se présente à Madrid le 26 octobre 1890. Certainement trop pris par sa carrière de torero, Mazzantini abandonne son troupeau en 1896 à Ildefonso Gómez non sans avoir, auparavant, vendu des lots à d’autres éleveurs dont celui qui nous intéresse ici : Luiz Xavier da Gama.

Malgré son acquisition auprès de Mazzantini, Gama n’est pas complètement satisfait. À la fin du XIX° siècle, la modernité n’est plus dans le Vázquez, encore moins dans le Jijón. La modernité c’est Vistahermosa dans sa ligne Murube et c’est cela que désire Luiz da Gama pour améliorer la ganadería qui est encore au nom de son oncle Faustino. Alors, en 1897, Luiz da Gama casse le portefeuille et achète à la famille Murube entre une trentaine et une quarantaine de femelles (des vaches approuvées en tienta chez Murube en 1897 et des becerras) et en rajoute une douzaine en 1898. Avec ces reproductrices, Gama réussit aussi à obtenir des mâles à prix d’or entre 1897 et 1901. Les sources de l’époque sont unanimes sur ce fait : les Murube coûtaient cher, le prix de 5000 pesetas est avancé pour chaque étalon. C’est d’abord ‘Cucharero’ qui couvre les vaches Murube durant un printemps puisqu’il sera finalement combattu le 30 mai 1898 à Cáceres. Ensuite, ce sont ‘Malagueño’, ‘Bravio’ et ‘Ave frio’ qui fixeront les caractères de l’élevage de Gama. Luiz Xavier da Gama conserve le Murube en pureté, élimine semble-t-il les origines portugaises mais mélange aussi ses Mazzantini avec le Murube, comme un test en somme. L’élevage présente donc rapidement deux lignes facilement repérables : la ligne Murube pure et la ligne Murube / Mazzantini caractérisée par des pelages majoritairement berrendos. Dans un long et passionnant reportage que Carlos Abreu consacra à cette ganadería en 1908 dans la revue portugaise Tiro e Sport, sont mentionnés deux becerros purs Murube sélectionnés en tienta par Gama : ‘Alfayate’ qui reçut 14 piques et ‘Garboso’ qui en prit, lui, la modique somme de 16.
Le 21 novembre 1903, Faustino da Gama décédait, léguant à son neveu Luiz Xavier da Gama sa fortune, ses terres (nombreuses) et sa ganadería. L’héritier changea aussitôt le fer pour le remplacer par le sien propre, un G inscrit dans un rectangle effilé vers le bas. Le fer de Faustino demeura en dormance dans la famille et ressurgit au début des années 1920 mais pour couvrir du bétail d’origine Palha Blanco / Veragua au nom de Faustino Luz da Gama, le fils de Luis Xavier da Gama né en 1905. Avec sa nouveau fer et sa nouvelle devise incarnat, jaune et bleu, Luis da Gama se présente à Madrid le 26 août 1906 avec une novillada mais c’est surtout le 7 juillet de l’année suivante qu’il prend ses lettres de noblesse en amenant dans la capitale espagnole un lot de toros adultes qui prit la bagatelle de 38 piques tout en étrillant 19 chevaux. Le lot était un mélange des deux lignes : ‘Andaluz’, ‘Primoroso’, ‘Gaditano’ et ‘Labrusco’ étaient des Murube en pureza alors que les deux autres ‘Carbonero’ et ‘Romerito’, des berrendos, étaient issus du croisement Murube / Mazzantini. La même année, le 24 octobre 1907, un autre lot sera combattu toujours à Madrid, pour l’alternative de Relampaguito donnée par Ricardo Torres ‘Bombita’, un habitué des tientas chez Gama. Les six d’octobre 1907 étaient tous des purs Murube.

Alors qu’il a réussi à construire un élevage de grande qualité, Luiz Xavier da Gama se sépare de son oeuvre en 1911 sans que l’on puisse expliquer sa décision. Il avait pourtant une descendance, il poursuivra dans les affaires taurines — gérant des arènes de Lisbonne entre autres — mais il décide de vendre son bétail à Antonio Pérez Tabernero de Salamanque en 1911. Les quelques Mazzantini qui demeuraient à cette date dans la ganadería faisaient partie de la vente mais dans un entretien donné des années plus tard, Pérez Tabernero explique qu’il s’empressa de les éliminer, n’étant intéressé que par les Murube.

 

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