Faustino Luz da Gama
Faustino Luz da Gama

 




Au début des années 1890, Jacinto Trespalacios, originaire d’Utrera, fonde sa seconde ganadería avec du bétail principalement Veragua pour les vaches sur lesquelles il place un reproducteur d’origine Murube dénommé ‘Roñoso’. Les nouvelles vont vite dans le petit monde taurin et, en 1899, deux Portugais se rendent chez Trespalacios pour acquérir les fondations de leurs nouvelles ganaderías respectives. Ce ne sont pas des inconnus puisqu’il s’agit du roi du Portugal, Carlos Ier de Bragance, et de son ami, la figura du toreo à cheval Vitorino do Avelar Froes qui achètent ainsi une soixantaine de vaches et deux reproducteurs qu’ils se partagent à égalité. Avelar Froes était déjà éleveur de bétail brave avant d’acheter le Trespalacios veragüeño. En effet, on trouve mention de son nom en 1893 et une brève d’une revue taurine de 1904 précise que la « nueva ganadería de Froes » fera sa présentation au cours de la temporada à venir à Campo Pequeno (Lisbonne). L’éminent cavalier élevait son bétail dans la Quinta do Talvay à Alfeizerão, village côtier au nord de Caldas da Rainha.

Certaines références bibliographiques des années 1910 ou 1920 sont promptes à jeter le doute sur les origines des bêtes achetées par Froes à Trespalacios. Il en va ainsi de l’ouvrage de J. Lasso de la Vega y Gorríz, Notas taurinas, publié en 1919 et dans lequel l’auteur affirme que le Trespalacios acquis par Froes était issu de la première ganadería de Trespalacios, celle encastée majoritairement Jijón. Il en va de même d’Antonio Martín Maqueda (Ganaderías Portuguesas, 1957 ) qui situe l’acquisition auprès de Trespalacios en 1889. La suite de l’histoire et l’achat simultané opéré par le roi Carlos Ier chez Trespalacios permettent de douter qu’il se fut agi de bétail Jijón, d’autant plus que Trespalacios avait entamé la liquidation de son premier élevage presque quinze années auparavant. Gageons donc que Froes achète en 1899 ce Veragua croisé de Murube créé par Jacinto Trespalacios.
L’élevage du rejoneador acquiert son ancienneté le 08 septembre 1910 à Madrid avec un lot combattu par Calerito, Flores et Lobito. Le lot était composé par les toros suivants : ‘Paragüero’, ‘Calvito’, ‘Venterito’, ‘Paragüerito’, ‘Chilindro’ et ‘Charrengo’ et la majorité d’entre eux portait la robe negra. Froes conserva la ganadería jusqu’en 1919. Peut-être trop occupé par sa carrière de cavaleiro, il semble que l’élevage se fit très rare à partir des années 1917, 1918 et 1919 et que la camada s’en trouva fort réduite. Toujours est-il qu’entre 1899 et 1908, Froes partagea avec le roi Carlos Ier des reproducteurs, en particulier d’origine Eduardo Ybarra acquis par le souverain auprès de ce dernier. L’un comme l’autre poursuivaient les croisements opérés par Trespalacios. C’est en 1919 donc que Froes revendit son élevage à un certain José Filipe Neto de Andrade Rebelo (on trouve aussi Neto Rebello), originaire de Caldas da Rainha, chiche bourgade située entre Lisbonne au sud et Nazaré au nord et voisine d’Alfeizerão, celle de Froes. Le fer au dessin baroque de Froes devenait un plus classique NR mais le sang ne changeait pas avec ce nouveau propriétaire né en 1886.

Il semble que Neto Rebelo se révéla être un éleveur scrupuleux et exigeant. Le récit d’une tienta menée au début des années 1920 dans son élevage donne un léger aperçu du sérieux de sa sélection. Le 02 juillet 1922, c’est à Bordeaux que les Neto Rebelo « antes de Froes » soulèvent les hourras de l’afición gasconne. La course est triomphale si l’on en croit une notice de l’époque : « Los seis hicieron una pelea superiorísima : no puedo decir cuál de los seis fué el mejor. Bravura, temple, nobleza… Ha sido en conjunto la mejor corrida lidiada desde que se implantó por estas tierras la fiesta de los toros ». Mais le nouveau propriétaire de la camada ne se contenta pas de profiter de la qualité du bétail de Froes. C’est difficile à vérifier car toutes les sources n’en font pas mention mais il aurait acheté à Veragua de nouvelles vaches pour rafraîchir son Trespalacios. Quand ? Combien ? Impossible à écrire mais il est certain, par contre, qu’il renforça aussi le croisement Vázquez-Veragua / Vistahermosa initié par Trespalacios et poursuivi par Froes puisqu’il acheta en 1928 un semental au Conde de la Corte.

En 1930, José Filipe Neto Rebelo marie sa fille Alice Carneiro Neto Rebelo avec un nom légendaire au Portugal : Faustino Luz da Gama. Faustino Luz da Gama, né en 1905 — il convient de ne pas le confondre avec Faustino da Gama son grand-oncle —, était le fils de Luis Xavier da Gama, celui-là même qui avait dirigé un élevage d’encaste Murube vendu au début des années 1910 à Antonio Pérez Tabernero, plus connu comme Antonio Pérez de San Fernando. C’est lui, Faustino Luz da Gama, qui prit les rênes de la ganadería en 1930 ou 1931, et qui acheva l’œuvre entreprise par son beau-père. Si l’on en croit Carlos Abreu dans son Touros e Toureiros em Portugal (1931), le passage de témoin entre Neto Rebelo et Faustino da Gama se fit pour satisfaire les « désirs » d’Alice Neto Rebelo, femme de Faustino. L’élevage retrouvait la herdade familiale des Gama, la Quinta das Janelas à Óbidos, le fer était changé quelques années plus tard par les initiales FG inscrites dans un cercle mais la devise restait la même. Le récit paraît simple et linéaire mais ce n’est jamais le cas avec les élevages portugais.
Ainsi, Carlos Abreu, toujours lui, mentionne l’existence d’une ganadería Faustino da Gama fondée en 1920 avec 20 vaches de Palha Blanco (12 de sang Veragua et 8 de sang Miura) et un reproducteur de Palha de ligne Veragua qui couvrit jusqu’en 1928 puis fut remplacé alors par un autre de Neto Rebelo. Plusieurs points méritent ici d’être éclaircis. Tout d’abord, en 1920, Faustino Luz da Gama a seulement 15 ans et il est difficile d’imaginer qu’à cet âge il ait pu fonder son propre élevage. De plus, le fer utilisé rappelle étrangement celui de son grand-oncle, le premier Faustino da Gama qui fut éleveur à la fin du XIX° siècle et qui céda ses biens à son neveu, Luis Xavier da Gama, père de Faustino Luz da Gama. Il est donc possible d’imaginer que cet élevage fut créé en 1920 par Luis Xavier da Gama (il avait vendu le sien propre au début des années 1910 à Antonio Pérez Tabernero) au nom de son fils Faustino Luz da Gama mais avec le fer portugais de son oncle, fer en dormance depuis des années. Il est intéressant de mettre en avant l’existence de ce fer portugais de la famille Gama car rien n’empêche d’imaginer que Faustino Luz da Gama mélangea ses Palha veragüeños de son fer portugais avec les Neto Rebelo « hérités » au début des années 1930. Dans tous les cas, il s’agissait de sang très majoritairement Veragua, soit par Palha, soit par Trespalacios et Veragua.
Étonnamment, il est assez complexe de trouver des informations sur Faustino Luz da Gama (décédé en 1988) et sur la suite de son élevage. Une corrida donnée à Salamanque en septembre 1944 est fréquemment citée mais, au-delà, le reste est assez flou. Seul António Lucio Ferreira dans son Ganaderías de toiros de lide existentes em Portugal (1955) évoque les croisements opérés par l’éleveur durant les années 1940. Entre 1941 et 1945, Gama fait couvrir ses vaches par deux étalons — ‘Claveio’ et ‘Colmadito’ — achetés à Infante da Câmara ; étalons qui étaient tout simplement de purs Parladé / Tamarón puisque fils de vaches d’Alves do Río et d’un toro de La Corte offert à Infante da Câmara par le marquis de Villamarta. Lucio Ferreira conclut que les pelages les plus fréquents étaient les jaboneros, berrendos, negros, salpicados et colorados.

Il se raconte que la famille Gama fut marquée par un drame qui plomba le moral de tout le monde. Luis Xavier da Gama décéda en 1956 étreint par une profonde déprime et Faustino Luz da Gama vendit son élevage en 1964 à Ernesto Louro Fernandes de Castro, qui s’empressa de sacrifier le cheptel veragüeño par du pur Atanasio Fernández. Dans tous les cas, certaines vaches Gama furent soit vendues par la famille avant 1964 à des éleveurs portugais soit après par Louro de Castro car il demeura dans le pays des nucléons de ces Veragua / Parladé ; nucléons que s’ingénia à retrouver à partir des années 1960-1970 Dom Fernando de Castro Van Zeller Pereira Palha.

 

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