D. José Joaquín Moreno de Silva
D. José Joaquín Moreno de Silva

Félix Moreno Ardanuy. Ce nom vous est peut-être étranger, pourtant il illumine les yeux de nombreux non aficionados. En effet, les écrivains de "Ou tu porteras mon deuil", le célèbre roman qui lie l'histoire du Cordobés à la guerre civile espagnole, ont rendu célèbre le patronyme du riche propriétaire Andalous.
Sur un plan exclusivement taurin, Don Félix est connu pour être le repreneur du bétail du Marquis de Saltillo en 1918. En 1921, il dédouble sa ganaderia en créant le fer actuel qu'il place au nom de son épouse Enriqueta de la Cova. Ce sont les petits fils de Félix qui amèneront les deux râmes de l'élevage historique au XXIème sciècle. José Joaquim héritier légitime du fer de Enriqueta réunit en 2013 les deux râmes en achetant à ses cousins les Moreno de la Cova le troupeau et le fer historique de Saltillo. Pour se donner une meilleure visibilité, il dèlaisse alors les fers de Moreno de La Cova et de Moreno de Silva.

Ancienneté : 7 Juillet 1927
Devise : Blanc et Noir
Signal : Horquilla et horqueta à chaque oreille
Propriétaire : Cueva Plaza, S.A.
Gérant : José Joaquín Moreno de Silva
Fincas : "La Vega"  Palma del Río
   Unión de Criadores de Toros de Lidia



L’élevage de Moreno de Silva dérive évidement de la famille Moreno et de ses fameux Saltillos. L’une des familles les plus ganaderas d’Andalousie, dont l’histoire débute dans la première partie du siècle dernier avec le richissime Félix Moreno Ardanuy, qui détenait de gigantesques étendues de terres autour de Palma del Río, entre Séville et Cordoue. Son empire ganadero comprit jusqu'à cinq fers, à une époque où leur multiplication n’était pas encore à la mode. Mais si le bétail provenait des « lesaqueños » du Marquis de Saltillo, chaque fer possède quant à lui sa propre histoire, et celle de l’actuel fer de Moreno de Silva, que détenait sa grand-mère Enriqueta de la Cova, nous fait remonter à la caste Vazqueña.


La plus grande part de l’héritage de la famille Vázquez, fondateur de la célèbre caste du même nom, fut vendue aux alentours de 1830 au roi Fernando VII. Lequel était alors à la tête du plus grand élevage de bravos de tous les temps. Il pouvait ainsi facilement être généreux ou bien se débarrasser du bétail qui ne lui convenait guère ; toujours est-il qu’il fit don à son frère, l’infant Francisco de Paula de Borbón, de huit toros et cent vaches. Ce dernier ayant d’autres vues que la gérance taurine, se défit rapidement du précieux don au profit de Manuel Francisco Ziguri (parfois orthographié Ciguri). Ziguri conservera la vacada près d’un demi siècle.


Lui succède furtivement Sebastián Montero (en 1878), puis Valentin Collantes, originaire de Coria. Ce dernier imprègne l’origine Vistahermosa sous la devise avec un fort apport de bêtes de la casa Murube et de Nuñez del Prado. Rodrigo Solis déplace ensuite le troupeau dans son Extremadura, à quelques pas de Zafra, précisément à la finca « Matanegra » située sur le pueblo de Villafranca de los Barros, où il poursuit les mélanges à partir de 1896 avec des bêtes de « Campos Varela ». Il se présente à Madrid le 13 août 1911. Suit un enchaînement de propriétaires qui laisse présager de la mauvaise qualité du bétail. Tout d’abord Pedro Salvador Oliva, qui tente lui aussi sa chance en agrémentant le tout avec des vaches de Benjumea et de Saltillo. Pourquoi pas ! Puis lui succèdent Antonio Velasco Zapata et Rodriguez Mauro, ce dernier cédant l’élevage, aussitôt après l’avoir acheté (1921), à Félix Moreno Ardanuy.
Félix Moreno Ardanuy, qui avait tout d’abord débuté sa carrière de ganadero en 1915 avec du bétail de Francisco Correa, soit les futurs Pedrajas, avait finalement raccroché la voie des Parladé pour s’engouffrer sur les traces du Marquis de Saltillo en achetant la plus grande part de ses vestiges en 1918. L’achat, en 1921, de l’ex-élevage de l’Infant d’Espagne, n’avait d’autre intérêt que de lui permettre de s’approprier le fer. Il élimina donc les ex-Vazqueños, devenus une mesclagne pratiquement indéfinissable, pour couvrir les nouvelles initiales du fer par ses Saltillos. Le tout étant inscrit au nom de son épouse Enriqueta de la Cova.
La devise se présente à Madrid le 7 Juillet 1927 et se fait remarquer dans les années quarante, maintenant son cartel jusqu'à la mort de Félix Moreno en 1960. Ses fils prennent la relève et c’est Alonso Moreno de la Cova qui hérite de la part de sa mère. A partir de 1966, la ganaderia est inscrite au nom de « Charco Blanco » et fait l’objet des corridas dures des grandes arènes mais les figuras n’affrontent plus les Saltillos. Il faut dire que depuis la mort de don Félix, le déclin fut entamé avec l’apparition d’un genio de plus en plus prononcé. Pour remonter la pente, Alonso entreprit une réduction du cheptel, pour ne conserver que le meilleur. Il ne reste alors qu’une cinquantaine de vaches. Les résultats vont donner raison au sacrifice d’Alonso avec une nette progression dans les années quatre-vingt. Mais les temps ont bien changés, tant dans la famille qu’à l’extérieur, et les fameux Saltillos ne sont plus si fameux pour tout le monde. La progression est donc lente, d’autant plus que la camada est désormais très courte. Mais tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! Alors c’est maintenant José Joaquín Moreno de Silva, le fils d’Alonso, qui l’entretient.

 


En 1854, Antonio Rueda Quintanilla, Marqués de Saltillo, récupère la majeure partie du troupeau de Picavea de Lesaca issu d’une des cinq branches du Conde de Vistahermosa, celle de Salvador Varea. Mais les bêtes de José Picavea de Lesaca dénotaient déjà par leur différences vis-à-vis des autres branches Vistahermoseñas. Plus fin, plus agile, plus léger, plus intelligent, le « Lesaqueño », tel qu’il était alors surnommé, paraissait sortir d’ailleurs tant ses caractéristiques différaient. La démarcation allant jusqu’à sa manière de charger tant singulière, non à la course comme le Vistahermosa via Murube, mais au pas. Vu avec nos yeux, avec un regard éloigné de deux siècles depuis la division de l’élevage du Conde de Vistahermosa, la différenciation est d’autant plus flagrante.


Avant de revenir au Marquis de Saltillo, qui donne aujourd’hui son nom à cette origine, notons que c’est la famille Lesaca qui présentera l’origine à Madrid, le 2 juillet 1832, dans la vieille plaza de la Puerta de Alcalá. La devise était alors blanche et noire, comme l’actuelle de José Moreno de Silva. Couleurs antérieures à la devise traditionnelle du Marquis de Saltillo, Céleste et Blanche, qui feras sa présentation le 7 juillet 1856.
Si le terme « lesaqueño » reste quelque fois utilisé pour rendre hommage au premier homme fort de cette branche, le nom générique est bien celui de « Saltillo ». Le patronyme s’étalant dans de multiples déclinaisons, comme le vocable « asaltillado », utilisé pour définir les similitudes morphologiques avec cette race, si particulière. Car c’est bien le Marquis qui vas grandir à jamais ce courant de sang. Opérant une sélection sévère du troupeau initial (composé de huit cents têtes), il tira par le haut sa ganaderia. A la suite de cette réduction du cheptel, la diversité des robes qui régnait jusqu’alors, s’uniformisa. Les cárdenos (gris) et les noirs sont désormais largement majoritaires, tandis que les berrendos et castaños se font rares ; restent tout de même quelques colorados (marron clair) et colorados en melocotón. Ces dernières robes n’ont quasiment plus cours dans la péninsule ibérique mais conservent une réelle présence en Amérique latine.


Entre les deux siècles (XIXème et XXème), l’élevage atteint son apogée. Il sera des préférés du grand Rafael Guerra « Guerrita », avant de décliner peu à peu par la nonchalance des héritiers. Félix Moreno Ardanuy récupère le précieux élevage en 1918. Le richissime Félix mettra à profit ses ressources considérables pour récupérer la devise. Entreprise couronnée d’un réel succès. Malheureusement, la guerre civile va freiner son dur labeur, laissant à son terme une ganaderia en ruine. Cependant, même vestiges, restent quelques « Saltillos » pour faire vivre la flamme et peu à peu les fers familiaux se remontent. Depuis, des quatre fers abritant naguère les « lesaqueño » n'en reste plus que deux et un unique propriétaire : José Joaquín Moreno de Silva.
Ainsi José Joaquín est l’un des rares éleveurs Espagnols à héberger le sang Saltillo, et qui plus est sous la devise originelle des « lesaqueños ».

 
 


Morphologie
 

L’élevage de José Joaquín Moreno de Silva est l’un des rares à présenter des toros de sang pur Saltillo sur le continent Européen. Et parmi les rares privilégiés de ce cercle très fermé, notre homme est celui qui présente à coup sûr les bêtes les plus en type. On retrouve donc toutes les caractéristiques des « lesaqueños ».


A savoir, un toro au gabarit moyen, plutôt bas, peu corpulent et d’une élégante finesse. La ligne dorsolombaire est droite avec un morillo discret, qui ne se démarque pas outre mesure. Au bout d’un cou allongé, la tête est frisée, étroite et pourvue de défenses fines et mesurées, voire courtes, mais aux directions agressives (veleto, cornipaso et cornivueltos). La tête a la caractéristique très particulière d’être étroite et allongée, donnant parfois un air de ressemblance avec les vaches (cariavacado), ou de rat, la descriptive taurine dénommant ainsi leur museau (hocico de rata). Muni de grands yeux, leur regard est très expressif, semblant faire paraître leur âme rebelle.
Peu profonde, la poitrine est peu développée et le ventre discret, justifiant un poids léger. La finesse des lignes des Moreno de Silva renforce cette impression, avec notamment une papada quasi-inexistante (degollado). La queue elle aussi jouit de légèreté et est habituellement courte, posée sur une croupe bien ronde.
Côté robes, on retrouve majoritairement le noir, le cárdeno et à un degré moindre l’entrepelado. Il existe quelques accidents, comme le lunar, qui orne soi-disant les meilleurs toros de ce sang.


Mais pour être complet, il faut signaler la présence d’une seconde lignée, beaucoup plus proche du Santa Coloma que du Saltillo. Les têtes y sont moins allongées, moins étroites et le ventre plus rond. Mais tout ceci n’est point inscrit dans les livres et ne reste qu’une hypothèse, car personne ici ne songe à introduire un sang extérieur.


Comportement

Tel le toro de Saltillo, le Moreno de Siva dénote par sa caste. Poussé par cette flamme indomptable, il s’agit d’un toro à l’agressivité prononcée qui impressionne par sa présence en piste, animant les trois tiers de son combat. La tauromachie moderne s’adapte difficilement aux ardeurs de ces Saltillos, très difficiles à canaliser et dont la charge au pas lent met à rude épreuve les nerfs des toreros. Ce qui explique les réticences des figuras à les affronter. Cependant, le Saltillo de Moreno de Silva est un toro avec un grand T, dont les difficultés font l’intérêt, qui grandit son combattant. Si à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, le torero qui vient à bout d’un Saltillo tient une victoire par le haut.
Comme les vieilles races de la cavaña brava, le Saltillo possède un comportement très hétérogène. Peuvent se succéder des toros à la bravoure royale et d’autres à la mansedumbre de gala. Aux banderilles, ils animent le plus souvent les débats. Et enfin, s’il est vrai que leur intelligence les fait souvent développer du genio, ils sont aussi des toros qui humilient énormément, garantissant lorsqu’ils sont braves jusqu’au bout de leur combat des charges vibrantes.

 

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