Los Derramaderos
Los Derramaderos

Dans la famille Núñez, on parle autant de toreros que de toros, sinon plus. Manolete, Luis Miguel Dominguín, Antonio Ordóñez, El Cordobés, Palomo Linares, Paquirri, Espartaco, El Juli, sébastien Castella...
Carlos Núñez Manso, fondateur de l’élevage, va inculquer à ses toros la noblesse nécessaire aux toreros pour créer de grandes faenas. Des idées aux gestes, il n’y a généralement qu’un pas mais Carlos Núñez va réussir à faire de ses idées une réalité. Des années 50 aux années 70, tous les grands toreros vont demander ses toros pour les grands rendez-vous. Faisant de la devise de Carlos Núñez plus qu’un élevage, une ganadería matrice. Le núñez était né.
Par la suite, l’élevage mère va décliner. Cantonné aux arènes de second plan, il vit dans la nostalgie de son illustre passé. En 2011 le ganadero et son fils meurent dans un accident de voiture. En 2014 l'élevage est finalement vendu à Carlos Núñez Moreno de Guerra, le neveux de Luis Nuñez.

Ancienneté : 18 Juin 1918
Devise : Bleu celeste, Blanc et Grena
Signal : -
Propriétaire : Luis Núñez Moreno de Guerra
Gérant : Luis Núñez Moreno de Guerra
Fincas : "Los Derramaderos"  Barbate
   Unión de Criadores de Toros de Lidia



L’histoire de l’élevage est riche et longue à la fois, puisqu’il faut remonter au XIXème siècle pour retrouver le premier ganadero : Manuel Valladares y Ordóñez. Installé dans la province de Huelva, près d’Aracena, l’homme élève des toros aux origines andalouses diverses. Une des premières apparitions d’importance eut lieu en 1886 à Séville, la devise étant déjà le trio céleste, blanc et grenat. A la mort de Manuel (1893), ses héritiers, les Valladares y Rincón, lui succèdent et introduisent d’autres bêtes andalouses provenant de Benjumea, Carvajal et Nandin, soit un mélange des castes Vázquez, Vistahermosa et Gallardo.
En 1908, Manuel Rincón y Rincón reste comme unique propriétaire et s’oriente sur la race Vistahermosa via la sélection d’Eduardo Ibarra, comme de nombreux éleveurs de son époque. Il remplace alors la totalité de son bétail par des bêtes de Fernando Parladé qui venait de succéder à Eduardo Ibarra. Manuel ne s’y était pas trompé, le sang Vistahermosa de Ibarra est un puit de bravoure et, très vite, la devise se fait un nom. Une des premières reconnaissances vint à Séville en 1916, où le novillo ‘Palmero’, colorado ojo de perdiz, prend 10 piques, renversant et tuant 7 chevaux. Poursuivant son ascension, l’élevage se présente à Madrid avec une novillada le 18 juin 1918 (ancienneté actuelle du fer) et fait courir sa première corrida dans la capitale en 1923. La caste des toros de Rincón marque les esprits, la critique de l'époque les décrivant comme d'aspect moyen mais extrêmement braves et nobles. Deux ans plus tard, alors que sa renommée est grandissante, la ganadería est rachetée par Antonio Urquijo.
La gouvernance d'Antonio Urquijo sera très brève, l’homme passant le relais en 1929 à Indalecio Garcia Mateo, lequel s’avéra un bon éleveur. Sous sa poigne, la devise garde tout son lustre, inscrivant de nombreux toros au « cuadro de honor ». Parmi eux, ‘Bellotito II’ qui fut le meilleur toro des Fallas de Valence 1932.


Arrive la guerre civile, la finca se situant dans la province de Cordoue elle sera durement touchée. En 1938 García Mateo vend un élevage en lambeaux à Carlos Núñez Manso qui ramène le bétail restant dans sa finca « Los Derramaderos », à une trentaine de kilomètres au nord de Tarifa. Il étoffe son troupeau avec des vaches de Ramón Mora Figueroa (Parladé), puis, trois ans plus tard en 1941, il y ajoute des vaches d'origine Villamarta provenant de la fille du Marquis.


Carlos Núñez va s’avérer un excellent éleveur. Son succès est immédiat. Dès 1940, il triomphe à Séville avec le novillo ‘Dinamito’ (vuelta al ruedo) ou à Bilbao, en 1943, avec ‘Batallador’ et ‘Riofrio’ (vueltas al ruedo). Outre ses propres qualités d’éleveur, ce prompt succès démontre la valeur de la matière sur laquelle Carlos Núñez va construire son œuvre. Si on devait la résumer en un mot, ce serait : noblesse. Toute sa vie, ce ganadero, très lié aux toreros, s’est concentré à améliorer le comportement de son toro en pensant au torero. Améliorer la longueur de charge, l’endurance, la vivacité. Et si son ouvrage fut couronné de réussite, c’est parce qu’il n’a pas pensé à l’homme qu’est le torero mais à l’œuvre qu’il doit accomplir. N’omettant aucun des critères essentiels à l’œuvre mais dont l’homme se passerait volontiers : la caste et le piquant.
Il se présente à Madrid le 30 Septembre 1945 avec un excellent lot, comprenant trois toros de note, dont ‘Piconero’, qui eut les honneurs de la vuelta al ruedo. Un succès qui lui vaudra d’être répété l’année suivante, et les autres. Dès lors la devise trouve sa place parmi le haut de l'escalafón ganadero et les succès ne se comptent plus : ceux de l’éleveur mais également ceux des toreros. Demandée par les figuras, la ganadería fait combattre une cinquantaine de toros par an, en fournissant presque à coup sûr un résultat de qualité. Cette période dorée dura jusqu'à la mort de l’excellent ganadero, en 1964.
Le succès de Carlos Núñez Manso augurait son importance dans l’histoire de la fiesta brava. Ses héritiers se chargeront de propager son œuvre en vendant allègrement des reproducteurs, mais aussi en multipliant les fers familiaux. Le premier « second » fer fut celui du « omega » inscrit au nom de l’épouse de Carlos en 1955. Suivirent le « D couronné » et l’actuel fer de Manolo González. En fait, depuis les années 50, la finca de « Los Derramaderos » a pratiquement eu en permanence trois fers.


Succède à Carlos Núñez ses huit enfants : Juan, Javier, Luis, Marcos, Carlos, José María, Carlota, Raimonda, Lorenza : les Núñez Moreno de Guerra, desquels Carlos tient la plus grande responsabilité. Le danger dans ce type de situation est l’explosion de l’héritage. Mais la famille Núñez va savoir rester soudée afin de préserver la création de leur père. Seul Marcos préféra voler très tôt (1966) de ses propres ailes. La belle époque se poursuivit ainsi jusqu'au milieu des années 70.
Déjà au début des années 70, quelques voix s’élèvent contre la modeste carrure et le manque d’envergure des armures des núñez. Critiques qui précédèrent une période plus irrégulière mais non dépourvue de triomphe. C’est dans ce moment difficile (1979) que Carlos quitta le navire pour s’installer à son propre nom. Ses frères ne réussirent pas à endiguer les difficultés que traverse leur élevage, principalement le manque de force. Le phénomène s’accentue dans les années 80 et à partir des années 90, les núñez de « Los Derramaderos », devenu le nom officiel de l’élevage en 1998, sont cantonnés aux arènes de second plan dont ils ne sont toujours pas sortis.


Aujourd’hui, « Los Derramaderos » maintient les vestiges de son passé. Il semblerait que le temps se soit arrêté à la mort de Carlos, en 1964, et que, depuis, ses enfants vivent dans le souvenir de leur illustre père. Un héritage trop lourd à porter en somme. Incapable de faire leur deuil, d’endosser une si lourde responsabilité, ils ratèrent le train de l’évolution moderne du taureau de combat. Luis, l’actuel gérant, conscient de cet état de fait, avoue sans ambiguïté que rien n’a changé. Même les cadres sont restés à leur place et le visiteur a beau chercher, il ne trouvera pas de souvenir dépassant la date fatidique de 64. La finca, a elle aussi subit les dommages du temps et ne ressemble plus au cortijo luxueux qu’il était, mais bien plus à une relique oublié.
Reste la nostalgie, la beauté d’un bétail qui, à défaut d’âme, vit dans l’esprit de son passé.

 


En 1908, Manuel Rincón y Rincón hérite de l’élevage familial constitué d’origines andalouses diverses : Vázquez, Vistahermosa et Gallardo. A cette époque, la caste andalouse a déjà pris le pas sur les castes de Castille et, au sein du groupe andalou, la caste Vistahermosa est en train de s’imposer. Une domination qui tient en partie à l’excellence du ganadero Eduardo Ibarra qui a su, en une vingtaine d’années, élever sa devise à un niveau jamais atteint jusque-là. S’inspirant du courant de l’époque, Manuel Rincón reconstruit son élevage dès sa prise de pouvoir avec du bétail de Fernando Parladé qui venait d’acquérir la moitié de l’élevage d’Eduardo Ibarra.
Bon sang ne saurait mentir, le fer du « R de Rincón » décroche rapidement une bonne renommée et fait sa présentation à Madrid en 1918. La critique de l'époque décrit les « Rincón » comme des toros d'aspect moyen mais extrêmement braves et nobles. Cependant, ils pâtissent de temps à autre d’un manque de force. Les robes sont variées, du negro au cárdeno en passant par le classique colorado ojo de perdiz. Devenu une référence, l'élevage est vendu en 1925.


Une décennie plus tard, le troupeau est durement touché par la guerre civile. C’est alors, en 1938, que Carlos Núñez achète les bêtes restantes avec les droits du fer et transfère le tout, à pied, depuis les environs de Cordoue à « Los Derramaderos » situé trente kilomètres au nord de Tarifa.


Pour étoffer son troupeau, Carlos Núñez Manso va effectuer plusieurs apports de bétail donnant lieu à deux lignes distinctes. L’une de pure origine Ibarra (ou Parladé, son successeur) et l’autre aux origines plus métissées.
Dans le premier groupe entre le bétail acheté à Ramón Mora Figueroa, provenant de Tamarón et de Pedrajas, tous deux originaires des ibarras de Fernando Parladé, et naturellement les « Rincón » initiaux. Bien que séparés depuis une trentaine d’année, Carlos Núñez ne fit aucun cas des différences de ces parladés (Tamarón, Pedrajas et Rincón) pour les mener ensemble comme une et même famille. Le toro de Rincón étant défini comme plus bas, moins armé et plus noble que le Parladé classique. Par abus de langage la famille Núñez dénomme cet ensemble, qui sera toujours mené indépendamment : « Rincón ». Il y a cependant des divergences d’opinions sur la pureté des « Rincón » des Nuñez et ceux au sein même de la famille. Pour Carlos (l’héritier qui a désormais un fer indépendant), son grand-père aurait introduit des étalons d’origine Villamarta avec les « Rincón », tandis qu’a « Los Derramaderos » on prône la pureté des « Rincón ». Quoiqu’il en soit dans cette ligne, un étalon eu une importance fondamentale : ‘Amistoso’. Un toro, fils d’une vache d’origine Pedrajas et du célèbre ‘Chavetero’ du Conde de la Corte. D’autres étalons eurent une grande importance sur le ciment Nuñez comme « Dinamito », Cantinero » et « Azulejo ». Puis plus tard, dans les années 50, ce furent au tour de « Chicharito », « Bandolero », « Capuchon », « Licenciado » et « Alcaraleño » de marqué de leur sceau l’évolution de la vacada.


Le second groupe comprend des bêtes d’origine Villamarta, acquises auprès de la fille du Marquis, Concepción Dávila Garvey. L’encaste Villamarta est de constitution complexe. Pour simplifier, on peut la définir comme un mélange de Murube, Urcola, Ibarra (Carvajal) avec quelques pointes de Vázquez (Medina Garvey), Santa Coloma et Parladé. Rien que ça ! Comparé au toro ibarreño (ou parladeño), le villamarta est plus haut, mieux armé et plus fin. Coté moral, il dégage plus de tempérament malgré sa noblesse. Bien que conservant les deux lignes séparément, des étalons du groupe « Rincón » furent introduit sur les vaches Villamarta au début des années 40. Ce fut tout d’abord ‘Amistoso’ puis un de ses fils ‘Ratón’, un excellent toro, qui resta seulement une année dans les cercados des vaches Villamarta, mais suffisamment pour donner d’excellentes lignées. Ces deux toros furent ensuite secondé par ‘Papelero’, ‘Rinconero’, ‘Volteador’, puis plus tard par ‘Afectuoso’, ‘Antoñuelo’ et ‘Acusado’. Ainsi, ce second groupe est en vérité du « Villamarta » avec une pointe de « Rincón ».


La souche Villamarta fut introduite en 1941 avec pour objectif l’augmentation du troupeau. Carlos Núñez a principalement choisi les toros de Villamarta pour leur noblesse, base de sa sélection, et qui à l’époque était la qualité première des villamartas. Il appliqua les mêmes critères de sélection à ces deux lignes. Une des conséquences de cette sélection unique est le rapprochement des lignes « Rincón » et « Villamarta ». Malgré le maintient total de leur indépendance, il est chaque jour plus difficile de faire la distinction.
Toute sa vie, ce ganadero très lié aux toreros s’est concentré à améliorer le comportement de son toro en pensant aux toreros. Améliorer sa longueur de charge, son endurance et sa vivacité. Et si son œuvre a réussi, c’est parce qu’il n’a pas pensé à l’homme qu’est le torero, mais à l’œuvre qu’il devait accomplir. N’omettant aucun des critères essentiels à l’œuvre mais... dont l’homme se passerait volontiers : la caste et le piquant.


Cependant, Carlos Núñez fut souvent critiqué pour ses compromis. Tout en conservant le type Parladé, il a réduit la carrure de ses toros et a affiné leurs lignes au fil des ans afin de les rendre plus propices aux faenas. Par conception, le núñez est un toro de triomphe. Mais sa caste le réserve aux toreros dotés d'une bonne technique. Si du temps de Carlos Núñez Manso, le temps où il existait des toreros capables de canaliser leur fougue, la caste est resté essentielle, l’époque de ses héritiers, les Núñez Moreno de Guerra, semble l’avoir laissé s’échapper. Il faut dire aussi qu’il s’agissait des années 70, ou, en parallèle de la hausse des exigences du public, notamment en terme de présentation des toros, la compétence des toreros à endiguer les toros enflammés s’estompait fortement. Qui de l’un ou de l’autre a promu la décadence des núñez ? Sûrement les deux.


Elevages d'origine Los Derramaderos :


Elevages disposant de bêtes d'origine Los Derramaderos :

 
 


Morphologie
 

Le toro issu de « Los Derramaderos », source de l’origine Núñez, est parfaitement inscrit dans le type originel. En ce sens que les héritiers de Carlos Núñez ont su résister aux caprices des empresas et de certains publics pour préserver les fines lignes originales, se fermant par la même occasion les portes des arènes de première catégorie.
Bas, de petite carrure (terciado) et plutôt léger, tel est le núñez élevé ici. Tel qu’il doit être, ajouterait José Luis Núñez. Le poitrail est large et profond, les extrémités sont courtes et fortes, les formes arrondies mais conservant des lignes fines pour son origine Parladé. Le cou est long, le morrillo bien développé, ainsi que la papada et la badana.
La tête est large au niveau des tempes et du museau, les cornes fines dès la base et assez longues, souvent relevées, avec une forte proportion de dissymétrie (bizco). On trouve de nombreux cornialtos et acapachados. La ligne dorsolombaire caractéristique est ensellée, la croupe ronde et la naissance de la queue légèrement élevée.
Prédominent les toros noirs, colorados dans toutes leurs variantes, castaños et tostados. Parfois on trouve des toros cárdenos et même ensabanados.
Toutefois, l'encaste Núñez présente de nombreux contrastes, dus aux mélanges des sangs. Ainsi, on trouve des toros plus marqués par l'origine Villamarta que d'autres, ceux-ci sont généralement plus hauts, plus profonds et mieux armés.


Comportement

La principale caractéristique du toro de Núñez est bien sûr sa noblesse, mais celle-ci s’accompagne d’une capacité de déplacement toute particulière. A chaque passe le núñez termine ses charges très loin du torero, permettant des muletazos très long, favorisant les longues séries en laissant le temps au torero de préparer la passe suivante. Sa caste, sa répétition et sa tendance à aller a más, en font un toro pas si facile qu’il n’y paraît et le réserve aux toreros dotés d’une certaine technique. Cependant, si la maison mère à su conserver le type d’origine, il semblerait qu’elle ait quelque peu perdu la caste d’antan.
Par contre, le núñez n'est pas particulièrement réputé pour sa comportement au tercio de pique. Non qu’il manque de bravoure mais sa puissance fait souvent défaut. Généralement, le châtiment doit être porté avec modération afin de préserver ses qualités pour le reste du combat. Actuellement, la faiblesse est la principale carence du núñez, un point faible et non des moindres.

 

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