Trespalacios
Trespalacios

 




Le patronyme Trespalacios apparaît dans le monde des toros vers 1870 avec un certain Jacinto Trespalacios y Orellana, frère du troisième comte de Trespalacios et fils du deuxième, Diego Trespalacios León.
Originaire de Trujillo, en Estrémadure espagnole, Jacinto Trespalacios devient ganadero de lidia, une première fois, en 1870, en achetant des bêtes d’origine Jijón, via le marquis de la Conquista, à Juan Manuel Fernández. Toutefois, d’après une brève parue dans le Boletin de loterias y de toros, le lundi 17 décembre 1877, il semblerait que le « riche propriétaire » (c’est ainsi qu’il y est présenté) Jacinto Trespalacios ait également jeté son dévolu sur la ganadería du vice-comte de Garci-Grande, qui n’avait rien de Jijón si l’on en croit l’ouvrage publié, en 1900, par la revue El Toreo. Ganaderías bravas de España. Origenes y vicisitudes por que han pasado las que existen en la actualidad : « Garci-Grande (Sr. vizconde de), vecino de Alba de Tormes. Al dividirse entre varios ganaderos la vacada que poseía D. Francisco Taviel de Andrade, con reses de la de Vázquez, una parte pasó a poder del Sr. Montalvo, quien en 1876 la vendió a su actual poseedor, el cual, según nos aseguran, conserva la divisa verdegay que usó el Sr. Montalvo, y marca a sus toros como se indica en el margen.»

Si le fait était avéré — et il n’apparaît dans aucune histoire de la première ganadería de Trespalacios —, cela sous-entendrait que Jacinto Trespalacios aurait tenté un croisement Jijón/Vázquez et, en extrapolant, cela pourrait donner des réponses sur le pourquoi de l’achat par José Pereira Palha Blanco de ces vaches soi-disant d’origine Jijón dans un élevage en construction fondé sur le Vázquez. Néanmoins, avec des si Domecq serait encore béarnais !
Trespalacios se présente à Madrid, le 29 avril 1883 ; succès à la clé. Sans qu’aucun historien ne puisse avancer une raison valable, il revend son élevage, en 1886 semble-t-il, à Félix Rodríguez, un voisin de Trujillo, ainsi donc qu’une pointe de vaches à José Pereira Palha Blanco. Aucune source n’est capable de définir précisément l’année de sa rechute, mais rechute il y eut !

Considérons, selon toute vraisemblance, qu’il s’agisse du début des années 1890, même si la revue Toreros, datée du 19 mars 1911 (n° 3), donne l’année de 1893. Cette fois, c’est le Veragua pur sucre (quoique, nous le verrons) qui l’intéresse et, comme beaucoup d’autres à l’époque, il se tourne vers le duc de Veragua pour lui acheter un lot de vaches qu’il complète par un autre lot vendu par la figura de l’époque : Lagartijo. L’origine des bêtes de ce dernier était dominée par le sang Vázquez par l’entremise de cent cinquante vaches acquises au Portugal et, avant tout, chez Rafael da Cunha. Le maestro Lagartijo fit couvrir ces vaches par des sementales de Miura et Laffitte.

Clairement intéressé par le vazqueño, Trespalacios élut comme reproducteur un certain ‘Roñoso’, acheté chez Barrionuevo et encasté… Murube. C’est un choix qui peut surprendre aujourd’hui mais qui, si l’on fait l’effort de se replonger dans le contexte taurin de l’époque (fin des années 1890 - début du XX° siècle), requiert une certaine logique pour un ganadero dont l’ambition était de se retrouver au plus haut de l’affiche. En effet, si l’on inscrit l’entreprise de Trespalacios dans le contexte plus large de l’évolution globale du toreo dans cette période charnière de la fin du XIX° siècle, une dizaine d’années avant la révolution de José et Juan1, il ne fait pas de doute que l’art tauromachique courait déjà après ce que les modernes appelleraient la noblesse — une noblesse bien évidemment de son temps, c’est-à-dire brusque et somme toute courte au regard de la durée dérisoire des faenas de muleta. La suerte de matar était encore reine, c’est un fait, sans que l’on puisse nier que le toro changeait petit à petit, se dirigeant lentement mais sûrement vers une plus grande urbanité, comme les grandes arènes, d’ailleurs, qui s’installaient à la périphérie des villes. Et cette urbanité encore embryonnaire était portée essentiellement par la rame Vistahermosa, modernisée depuis presque un siècle et dont la famille Murube représentait, à la fin du XIX° siècle, le modèle à suivre. Murube était une réalité que le futur, le XX° siècle, ne ferait que confirmer.

En 1899, le roi du Portugal Carlos Ier et son ami le rejoneador Vitorino do Avelar Froes achetèrent du bétail à Jacinto Trespalacios ; bétail qui donnera plus tard naissance à la ligne Bragance Curro Chica pour l’élevage royal et Froes - Faustino da Gama pour celui du rejoneador. Un an plus tard (1900), la ganadería de Jacinto Trespalacios est vendue à Victor Biencinto, éleveur des environs de Madrid. Il semble que ce soit à cette date que décède Jacinto Trespalacios ce qui pose la question de cette vente : est-ce lui qui a vendu à Biencinto ou bien la famille Trespalacios ? En l’occurence, qu’il s’agisse de lui ou de la famille, il apparaît certain que cette dernière conserva du bétail puisque le 31 mai 1904, la plaza de toros de Cáceres présentait la première corrida de la ganadería d’Antonio Trespalacios, autrement dit le frère de Jacinto et troisième comte de Trespalacios. L’élevage avait donc changé de nom pour devenir celui du Conde de Trespalacios sans que le sang n’en soit modifié. Le comte se présentait à Madrid le 11 avril 1909 avec une devise vert bouteille et rouge et un fer légèrement modifié par rapport à celui de son frère (un T dans un cercle) puisqu’il y ajoutait une couronne.

À son décès en 1910 ou 1911, c’est son fils Diego Trespalacios y Carvajal qui hérite de l’élevage mais il ne le conserve que le temps de pouvoir le revendre à la fin de 1913 à Matías Sánchez Cobaleda du Campo Charro. Pour autant, on trouve des annonces de l’élevage du Conde de Trespalacios durant les années qui suivent cette vente mais au-delà de 1920, il semble que la famille ait soldé les comptes. Aujourd’hui, la survivance des Trespalacios est bien chiche et l’on ne la trouve guère, extrêmement diluée, que dans certains élevages se prévalant encore d’une origine Veragua : Fernando Pereira Palha et Canas Vigouroux au Portugal par la ligne Faustino da Gama et Julio de la Puerta en Espagne (ainsi que la famille Alventus) par la ligne Bragance - Curro Chica.

1 José Gómez Ortega ‘Gallito’/‘Joselito’ (1895 – 1920) et Juan Belmonte García (1892 – 1962).

 
 

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