Fondée en 1947-1948 par António Cabral de Ascensão, la ganadería reposait sur des bêtes « tientées » en 1947 et acquises, en toute originalité, à Pinto Barreiros. Peu de temps avant la Révolution des œillets, en 1972, António Cabral agrégea à son cheptel un lot de bêtes d’origine Durão qu’il avait l’intention de mener séparément. Parmi ces Durão, l’éleveur fondait énormément d’espérance sur les qualités d’un semental nommé ‘Toalho’. C’est du moins ce qu’écrit le fils de l’éleveur dans un ouvrage consacré à l’élevage de son père et intitulé : Ganadero de segunda. Sa version de l’histoire de ‘Toalho’ est un régal, non seulement pour le seul bonheur de l’originalité de l’anecdote taurine, mais également parce qu’elle témoigne, derrière les mots, de tout le ressentiment qu’a pu générer cette période post-révolutionnaire chez nombre de ceux qui subirent la réforme agraire.
« L’occupation. Durant l'été 1975, pendant le mandat d'un de ces gouvernements communistes qui ont ruiné le pays à l’époque, des bandes armées, sous le contrôle à distance du colonel Pézarat Correia, ont pris d'assaut Serrinha (où paissaient alors cent soixante-dix vaches et cinq étalons) et l'ensemble de la Herdade dos Alpendres. […] L'un de ces reproducteurs était 'Toalho', qui appartenait à la lignée Durão et qui — nous avions déjà tienté des filles avec d'excellents résultats —, était, de tous, celui qui soulevait le plus d'espoir. Un jour, cependant, lorsque les "nouveaux éleveurs de bétail" l'ont sorti du troupeau et avaient l'intention de le ramener à Alpendres, le brave 'Toalho' s'est enfui, échappant à la vigilance du commandement insignifiant de ces faux « campinos » et il alla se cacher là où personne ne fut capable de le faire sortir. Déjà fatigués de la longue attente et, surtout, voyant approcher l'heure de la fin de leur long labeur de fonctionnaires, certains ont dit, entre deux injures, au vieux et malheureux maioral : Même pas capable de gérer un bœuf sauvage? Ils déclamèrent tant d'énormités au pauvre Manuel Balancho que, bien plus effrayé par ses nouveaux employeurs que par sa vieille connaissance ‘Toalho’, il descendit de cheval et, bêtement, seul et en total désarroi, alla tenter de le pousser hors d’une ravine où le toro avait décidé de rester. […]. Mais, ayant atteint la limite à ne pas franchir, ‘Toalho’ répondit à l'outrage et attaqua Balancho. En un clin d'œil, il le laissa sans vie, déchiré en lambeaux . La nouvelle se répandit rapidement : un toro criminel et fasciste avait mis fin à la vie d'un pauvre ouvrier ! Il y avait donc une obligation stricte de rendre justice. On procéda à un "jugement populaire sommaire" et l’on condamna ‘Toalho' à mort par peloton d’exécution ! ».
Cabral de Ascensão, António - Ganadero de segunda - 1993, Editorial de revistas e livros, Lisboa.
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