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À la fin des années 1940, Felicitas Tabernero Fernández crée son élevage de toros bravos et choisit du bétail de Rogelio Miguel del Corral. Cette devise mérite qu’on s’y attarde quelque peu.
Ce Rogelio était en outre maire de Villavieja de Yeltes, un petit village du Campo Charro connu pour ses nombreux élevages. Il entre à l’U.C.T.L. en 1934 en achetant le fer d’Angoso et par la même occasion quelques bêtes d’origine Santa Coloma – Veragua, le même mélange qui donna les Vega-Villar, les fameux Patas Blancas. Bétail qu’il renforce en toute logique avec des vaches d’Arturo Cobaleda (Vega-Villar). Dans les années 1940, le fer annoncé « Miguel del Corral Rodríguez » est en vogue et jouit d’un excellent cartel, en particulier à Madrid. En ce cantonnant aux arènes madrilènes de Las Ventas, le palmarès est éloquent : vuelta al ruedo à ‘Cigarrero’ en 1941, à ‘Rosón' et à ‘Braveruco’ en 1945 et le 12 octobre de cette même année, le public oblige le ganadero à faire le tour de piste. Rogelio vend son fer de l’U.C.T.L. en 1951, mais poursuit son aventure avec son fer de seconde jusqu'à son décès en 1961. Son élevage fut à l’origine de nombreux autres évoluant dans la région de Salamanque.
Felicitas Tabernero Fernández se retrouve donc, comme nombre de ses collègues, avec du bétail Patas Blancas de Miguel del Corral et implante sa ganadería à « Iruelo ». Cette finca est située en plein cœur du Campo Charro, à quelques lieux de Sando, et constitue un lieu idéal pour le bétail brave. D’ailleurs, dans les années 1950, la finca n’abritera pas moins de trois élevages. Outre celui de Felicitas, résident à « Iruelo » la ganadería de Estebán et Auxilio Tabernero Rodríguez (origine Espioja) et celle de Victoriano et Alejandro Tabernero de Paz (Patas Blancas). Tout ce petit monde étant d’une même et très grande famille.
Felicitas Tabernero Fernández nomme d’abord sa devise blanche et grenat : « Iruelo de Sando » et tente en 1950, de même que ses voisins « Estebán y Auxilio de Iruelo », d’accéder par la prueba à la prestigieuse U.C.T.L. L’entreprise avorte pour les deux parties faute de comptabiliser le nombre de spectacles requis avant la fin du délai imparti. Si Estebán y Auxilio persévèrent et accédèrent finalement à l’U.C.T.L. en 1953, Felicitas va préférer s’inscrire à l’A.G.L., une association à laquelle elle restera fidèle.
En 1973, José Manuel Rodríguez Tabernero succède à sa mère avant que la ganadería ne passe aux mains de son épouse, Amalia Rodríguez de Rodríguez en 1992. Plus récemment, c’est leur fille Monserrat Rodríguez Rodríguez qui est devenue la nouvelle propriétaire et s’annonce : « Rodríguez de Iruelo ». Quelques années plus tôt, en 1989, une division de l’élevage fut concédée au cousin de Amalia, José Ignacio Rodríguez Gómez qui inscrit lui aussi son fer à l’A.G.L.
Les deux fers sont aujourd’hui gérés par José Ignacio Rodríguez Gómez. Amoureux du Santa Coloma, il maintient sous le vieux fer de « Iruelo » les Santa Coloma-Veragua de la ligne ancienne de la casa. Mais les ambitions de José Ignacio se portent sur son fer patronyme, exclusivement consacré au sang Santa Coloma Ybarra de la ligne Dionisio Rodríguez.
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La finca de « Iruelo » possédait jadis trois élevages braves, aujourd’hui n’en restent plus que deux. Tous deux sont menés par José Ignacio Rodríguez Gómez et entretenus autour de l’origine Santa Coloma qu’a toujours connue « Iruelo ». José Ignacio n’est pas devenu ganadero par hasard, c’est en quelque sorte son destin, et à voir ses yeux lorsque il parle de ses Santa Coloma, il s’agit d’une destinée heureuse. Ses oncles étaient déjà ganaderos, José Manuel Rodríguez Tabernero détenteur du fer de la R : « Iruelo de Sando » mais aussi Victoriano et Alejandro Tabernero de Paz propriétaires de la ganadería du même nom. Ses cousins sont également du milieu puisqu’il s’agit des héritiers du fameux Dionisio Rodríguez.
Sur le plan de la généalogie taurine, le fer de la R (Monserrat Rodríguez) renferme les vieilles origines Santa Coloma-Veragua familiales, quant à son propre fer de pure origine Santa Coloma il couvre une ligne plus récente, achetée au milieu des années 19 90 aux héritiers de Dionisio Rodríguez.
Dionisio Rodríguez. Si vous voulez faire plaisir à José Ignacio, parlez-lui de Dionisio. De l’homme, ou mieux encore, de ses toros. À cette seule évocation, vous verrez le visage de José Ignacio s’illuminer, ses yeux briller et ses lèvres s’animer. Alors vos oreilles subiront une avalanche de superlatifs tous aussi « buenísimos »< /i> les uns que les autres. « A mi, me encata este toro ». « Esta vaca fue buenísima ». « Y este semental ! Con el, he tocao el cielo. No me ha dado ni uno malo. Ni uno malo ! ». Face à tant d’enthousiasme, que peut-on ajouter ?
Dionisio Rodríguez est un des cas particuliers du sang Santa Coloma. Il est bien différent des quatre lignes classiques : Graciliano, Coquilla, Buendía et Albaserrada. Pourtant, il est de pure origine Buendía, une des branches de Santa Coloma à l’ascendant Saltillo la plus marqué, mais chez Dionisio c’est l’origine Ybarra qui domine. Dionisio Rodríguez est en fait la version Ybarra du Buendía. Pour bien comprendre, revenons au point de départ, au milieu du siècle dernier.
En 1950, Maria Dolores de Juana de Cervantes achète à l’association Joaquín Buendía – Felipe Bartolomé 40 vaches et l’étalon ‘Rivero'. Le Buendia est alors largement asaltillado mais persistent de nombreuses bêtes dans la ligne Ybarra notamment sous le fer de Felipe Bartolomé. Très vite, Maria Dolores de Juana de Cervantes vend à Dionisio Rodríguez une grande part de son élevage, mais une part modeste en regard du nombre de vaches : 35 et l’étalon ‘Guareño’. La transaction est si rapide que bon nombre de vaches portent encore les fers de Buendía et Bartolomé.
Arrivés dans le Campo Charro à « Hernandinos », les Santa Coloma sont mis à part des anciens « Dionisios » d’origine Espioja que le ganadero sélectionne depuis 1930. Cette acquisition peut paraître surprenante, puisque les Parladé d’Espioja avaient plutôt bonne réputation, d’autant que Dionisio ne tarde pas à les envoyer au matadero pour se consacrer en exclusivité à ses Santa Coloma. Dans les années 1950, les Buendía de Juana de Cervantes étaient noirs, mais aussi « entrepelados et cárdenos. La sélection de Dionisio va tendre largement sur les influences Ybarra et très rapidement le pelage noir s'impose, les toros cárdenos devenant rares. Qui peut décrire le toro de Dionisio mieux que José Ignacio ? Laissons-lui la parole : « Le Dionisio est un toro difficile pour le torero. C’est un toro qui ne permet pas qu’on triche, il est encasté et possède un grand moteur. C’est un toro qui porte l’émotion dans les tendidos et qui, même s’il est difficile pour le torero, permet de le révéler. »
Au décès de Dionisio Rodríguez García, ce sont ses enfants, Andrés, Dioni, Maria Rita et Paco qui poursuivent avec les fers de la casa. Les fers, car à côté du fer de l’U.C.T.L., la famille détenait deux fers inscrits à l’A.G.L. Celui de Maria Rita et celui de Andrés Celestino. Dans les années 1980, lorsque le moteur des « Dionisios » devint une épreuve insurmontable pour les toreros, l’élevage évolua vers plus de douceur. L’opération comportait des risques et Dionisio prit garde de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. L’adoucissement se fit sur le fer de l’U.C.T.L., celui destiné aux toreros, les autres, ceux de la modeste A.G.L. conservèrent à l’identique le bétail de la casa. Le bonheur des uns fait le malheur des autres c’est bien connu et l’on peut dire que l’entreprise, si elle fut du goût des toreros, fut peu appréciée des aficionados. La bravoure des « Dionisios » se dilua quelque peu et le célèbre éleveur du Campo Charro finit par tomber du cartel, comme on dit. Heureusement, il restait les autres « Dionisios », ceux des fers modestes mais de la même origine prestigieuse, et ce sont précisément ceux-là que l’on retrouve sur les vaches de José Ignacio Rodríguez Gómez.
José Ignacio a débuté récemment (1994) avec l’encaste de ses cousins. Il a commencé par acheter une camada de eralas et a choisi un eral à tienter. La tienta s’est déroulée à « Hernandinos » et le résultat fut exceptionnel. De ses propres paroles, il serait plus facile de gagner au loto que de trouver un étalon comme celui-là. Puis, une dizaine d’années plus tard, en 2005, l’élevage de Dionisio Rodríguez est à l’arrêt, alors José Ignacio en profite pour acheter toutes les vieilles vaches, « Le bon est dans les vieilles vaches », explique-t-il. Ainsi, Rodríguez Gómez est devenu l’héritier de l’illustre Dionisio Rodríguez. Aujourd’hui, l’élevage compte une cinquantaine de vaches. José Ignacio ne veut pas augmenter pour mieux maîtriser sa ganadería et la garder en tête. « Pour moi c’est un élevage pour profiter. ». La sélection est drastique, seulement 4 à 5 eralas sont retenues chaque année et nombreuses sont les bêtes de qualité refusées.
Il vend la totalité de sa camada en novillada sans picador. Les résultats sont bien entendu « Buenísimos » et le désir de passer à l’étage supérieure, la novillada piquée, est là. Mais, « il faut faire attention où l’on met les pieds et avancer avec beaucoup de calme. Néanmoins j’ai hâte ». Avis aux amateurs !
Elevages disposant de bêtes d'origine Rodríguez Gomez :
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