Charro de Llen
Charro de Llen

Les restrictions sanitaires imposées par la maladie de la langue bleu au début des années 2000, permirent à la devise de Charro de Llen de s’illustrer de belle manière, saisissant avec à propos l’opportunité. C’est donc contre toute attente que José Ignacio Charro Sánchez-Tabernero décida, en 2009, d’arrêter de nager à contre-courant pour prendre la trajectoire commune : le Domecq. Il remplace alors l’intégralité du cheptel de ses deux fers par 70 vaches et des étalons de Daniel Ruiz.
Depuis, les deux devises charras ont réintégré la masse et ne se sont plus distinguées.

Ancienneté : -
Devise : Rouge et Jaune
Signal : Orejisana à chaque oreille
Propriétaire : Pilar Sánchez-Tabernero de Prada
Gérant : José Ignacio Charro Sánchez-Tabernero
Fincas : "Llen"  Las Veguillas
   Unión de Criadores de Toros de Lidia



On pourrait décrire l’historique de l’élevage de Charro de Llen à partir de 1983, date de son achat par Vicente Charro. Ou bien écrire l’histoire de son fer et remonter ainsi en 1948 à l’époque de Luciano Cobaleda. Mais ce serait oublier le « Marqués de Llen ». Un titre attaché au lieu de pâture des toros de la devise : « Llen ». Un site historique du Campo Charro qui mérite que l’on s’y attarde.

Llen est une propriété située au sud-ouest de Salamanque, proche de Las Veguillas et qui connut le taureau brave dès le XVIIème siècle où l’on recense sur le lieu deux éleveurs : Francisco Gallego et José Tejerizo qui firent tous deux combattre des toros à Salamanque en 1746 et 1747. Mais celui qui fit connaître « Llen » fut sans nul doute le marquis de Llen. Et avant d’aborder Vicente Charro, il convient d’aborder le grand-père de son épouse, Manuel Sánchez Tabernero, premier marquis du nom.
Manuel Sánchez Tabernero y Vicente était par sa mère l’héritier d’une vieille famille d’éleveurs. La vacada, initiée par son arrière-grand-père, Domingo Tabernero Vara, vit le jour dans le courant du XIXème avec du bétail de la terre. Déjà, en 1842, la devise fit courir des toros à Salamanque et se présenta à Madrid en 1852. Le fils de Domingo, Fernando Tabernero, surnommé «El Cojo de Continos » sut conserver quelques bêtes afin de poursuivre l’aventure familiale avant de léguer la ganadería à son petit-fils peu après 1900. Nous y voilà ! À la tête du troupeau, Manuel Sánchez va entreprendre les grands travaux et remplace le bétail familial par des vaches de Veragua et des étalons de Trespalacios. Le 5 mai 1906, le pape Pie X lui accorde le titre de Marqués de Llen, un titre qui qualifiera dès lors la ganadería. Il fait sa présentation à Madrid le 24 mars 1912, sans grand succès. Le marquis, grand propriétaire terrien était ganadero par passion et non par nécessité, ainsi la présentation de son bétail était toujours soignée, quant à la qualité, nous dirons simplement qu’il s’agissait de toros d’une autre époque. Souffrant de problèmes cardiaques, on lui conseilla de laisser de côté sa passion d’éleveur, la chose lui faisant courir trop de risques. Les Sánchez Rico prirent sa succession en 1920 ; quant au marquis, il décéda l’année suivante…
Poursuivons. Manuel Sánchez eut trois fils, Juan, Huberto et Ventura. La fille de Ventura, Pilar, épousa Vicente Charro Murga ; ce dernier se retrouvant donc par mariage « Marqués de Llén ». L’homme est des plus particuliers. Excellent garrochista, homme de campo, il va durant sa longue vie être à la tête de quatre élevages qu’il va pour la plupart hisser à un très bon niveau avant de les revendre. Il fit ses débuts en 1934, en achetant une partie du troupeau de Lorenzo Rodríguez, d’origine Gamero Cívico – Vázquez. Cinq ans plus tard, après une sélection draconienne, il vend à Juan Terrones. Inactif quelques petites années, il reprend du service en 1941, obtenant de Juan Cobaleda Sánchez du bétail d’origine Encinas (Vega-Villar). Juan Cobaleda possédait alors une seconde ligne avec l’excellent sang Conde de la Corte et nombreux furent ceux qui ne comprirent pas une telle acquisition. Pourquoi partir sur le sang Encinas alors que fourmille à deux pas un des sangs les plus braves d’Espagne ? Vicente Charro expliqua plus tard qu’il connaissait parfaitement l’encaste, ayant assisté à pratiquement toutes les tientas. Il connaissait même le nom des vaches sur le bout des doigts avant même de les avoir achetées ! Ainsi, plutôt que de s’appuyer sur la qualité d’un sang inconnu, il préféra faire confiance à son expérience et ses acquis. Bien lui en prit puisqu’en quelques années il confère à sa devise une bonne réputation. En 1947, il vend à Alicio Tabernero de Paz avant de se reposer quelques années. Puis, en 1951, il achète un lot complet à Ignacio Sánchez, ganadero de Sepúlveda, de pure origine Contreras. Cinq ans plus tard, il acquiert les droits du fer de Maria Carmen Muriel, veuve de Julian Escudero de Cortos. Il en élimine tout le bétail, mélange des sangs Santa Coloma et Parladé, pour ne conserver que les purs Contreras. Le nouvel élevage est annoncé « Charro de Murga ». À son habitude, il conserve une camada courte pour mieux la contrôler et reconduit toutes les techniques d’élevage qui firent son succès. Finalement, vingt ans plus tard (1974), il vend l’élevage à José Luis Marca. D’un âge avancé, Vicente Charro ne peut contenir sa passion et réitère encore. En 1984, il achète l’élevage de Luciano Cobaleda pour tenter une nouvelle aventure.

Avant de devenir ganadero, Luciano Cobaleda passa par les armes. Il fut ainsi aviateur durant la Guerre civile (1936-1939), puis torero. Sa carrière de matador de toros fut des plus modestes et s’éteignit rapidement après son alternative prise à Barcelone le 1er juin 1947. L’année suivante (1948), il récupère une des huit parts de l’élevage de son père Alicio Cobaleda encasté Vega-Villar. Sa sélection impose des critères « durs » qui vont faire la renommée de ses toros, surnommés « los Lucianos ». Toujours très bien présentés, tendant sur le cornalón, les toros de don Luciano n’étaient pas des tendres. À leur aspect agressif s’ajoutait une caste qui l’était tout autant, et, comme la faiblesse ne pointait jamais son nez, ses toros étaient redoutables et redoutés. Fidèle aux arènes de Barcelone, théâtre de son alternative, il y fit combattre sa première novillada le 4 septembre 1949. Si la caste était toujours présente, la bravoure était quant à elle irrégulière et souvent les « Lucianos » sortaient seuls du cheval. Pour corriger ce défaut, Luciano entreprit en 1954 un croisement avec du bétail d’origine Urcola provenant de chez Eusebia Galache, son épouse. Mais les résultats furent peu probants. En 1968, il reforme l’intégralité du troupeau avec 80 vaches et 2 étalons (berrendos en colorado et negro) de José Luis et Arturo Cobaleda González, de pure caste Vega-Villar. Cette fois-ci, ça y est ! Luciano obtient le toro de ses aspirations. Il se présente à Madrid le 7 avril 1974 et la réussite est au rendez-vous. Ses toros marquent l’afición madrilène et la devise sera dès lors répétée tous les ans. Si la rigueur de don Luciano plaît à l’afición de Madrid, elle lui occasionne aussi de nombreuses difficultés mercantiles. Les nombreuses blessures occasionnées par les « Lucianos » leur octroient une mauvaise réputation dans le milieu professionnel. À partir des années 1980, la camada est entièrement lidiée en corrida de rejón. Finalement, les difficultés économiques viendront à bout des « Lucianos » qui s’éparpillent en plusieurs ventes. Les droits du fer sont acquis par Vicente Charro.
br> Ganadero pour la quatrième fois, Vicente Charro part cette fois sur du bétail de don Atanasio Fernández. Toujours fervent des petites camadas, il fait peu combattre. Très âgé, il décède en 1993, l’année de sa corrida révélation à Salamanque, qui sonne comme un hommage. L’élevage devient la propriété de sa veuve, Pilar Sánchez Tabernero, et passe sous la direction de son fils José Ignacio Charro. En 1995, celui-ci crée un second fer à son nom mais l’élevage ne fait qu’un. Son père lui a légué un élevage en rodage et les années 1990 sont celles des premiers succès. Élevé à bonne école, José Ignacio poursuit naturellement la ligne de son père, opérant un travail de qualité en hissant progressivement sa ganadería. Bravoure et noblesse deviennent des piliers forts de la devise. Dans les années 2000, elle profite de l’embargo sanitaire sur les toros andalous pour accroître sa renommée en France et seule sa camada courte en limite l’ampleur médiatique. Des toros étoiles sont là pour rappeler les talents familiaux comme ‘Velonero’ lidié en 2006 à Vic-Fezensac. C’est donc contre toute attente que José Ignacio Charro Sánchez-Tabernero décide, en 2009, d’arrêter de nager à contre-courant pour prendre le sens de l’eau. Il remplace alors l’intégralité du troupeau par des bêtes de Daniel Ruiz, un Domecq des plus modernes qui soit. Depuis, la devise attire peu l’attention et fait désormais partie de la masse et peu de monde sait aujourd’hui qu’à Llen naissent encore des toros de combat.

 

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