Celestino Cuadri Vides
Celestino Cuadri Vides

La famille Cuadri est riche et le toro est pour elle un luxe, un honneur. Elevée entre Séville et Huelva, la camada est courte et les espaces vastes, légèrement vallonnés, avec des prés riches en herbe. Toute l'attention est ici donnée au toro, dans le respect de la tradition. Mais si le toro est choyé, l'exigence n'en est que plus forte. Pas question de galvauder la sélection qui est ici plus drastique qu’ailleurs, produisant un toro d'exception par sa présence et son comportement. Devise irrégulière certes, mais rares sont les années passées sans remporter de prestigieux trophées.
Le Cuadri tient son côté atypique de ses origines Santa Coloma très spécifiques voir uniques. Cette génétique lui a conféré un caractère de guerrier tandis que son aspect physique imposant s'apparente plus à l'encaste Parladé.

Ancienneté : 8 Avril 1956
Devise : Violet, Jaune et Blanc
Signal : Rabsaco à droite - Despuntada à gauche
Propriétaire : Cartijo Juan Vides, S.A.
Gérant : Fernando Cuadri Vides
Fincas : "Cabecilla Pela" - "Comeuñas"  Trigueros
   Unión de Criadores de Toros de Lidia





Crédits photographiques : Terre de Toros  

 

La famille Cuadri n’est pas de souche ibérique mais italienne. Elle a immigré en Espagne vers la fin du XVIII° siècle, entraînée par son patriarche, architecte de profession, venu là pour aider à la reconstruction après le terrible séisme de Lisbonne (1755). Les Cuadri finirent par s’installer à Trigueros dans la province de Huelva. 150 ans plus tard, Celestino Cuadri Vides crée sa ganadería de toros et va rivaliser avec les plus grands éleveurs de la péninsule.

Tout débute en 1946 lorsque Celestino Cuadri, âgé de seulement vingt-cinq ans, achète, sur les conseils de Manuel Jímenez, la camada de femelles d’Esteban González Camino. Une devise majoritairement encastée Santa Coloma rame ibarreña mais présentant aussi d’autres souches comme l’Urcola. Don Celestino récidive les deux années suivantes et se retrouve à l’aube des années 1950 à la tête d’un cheptel intéressant. Installé dans le cortijo de son grand-père « Juan Vides » juxtaposé aux fincas de "Comeuñas" et de "Cabecilla Pela", il renoue avec la tradition ganadera du lieu puisque cette terre abrita jusqu’en 1880 l’élevage de José Clemente Rivera.
Discret, travailleur et modeste, Celestino Cuadri parle peu mais c’est un homme de grande rigueur. Ses critères de sélection sont extrêmement stricts, sans influence ni concession. De nombreuses bêtes terminèrent au matadero, passage obligatoire pour qui veut arriver à ses fins. Les objectifs de don Celestino était ceux des idéaux des aficionados, il voulait élever le toro qu’il goûtait de voir dans une arène : encasté, brave et noble à la fois. Il fit de la race une priorité. Ses exigences étaient telles qu’il était connu comme l’homme du : « Otra vez sera ».
En 1954, il donne du lustre à sa ganadería en achetant l’élevage José Maria Lancha. Ce dernier l’avait fondé en 1928 en achetant quelques têtes de bétail à Juan Belmonte. Devise d’origine Parladé via Gamero Cívico, le fer découlant de « Campos Varela ». Bien plus tard, en 1938, José Maria Lancha injecta le sang métissé santacolomeño d’Esteban González Camino. C’est à partir de ce croisement Parladé – Santa Coloma qu’il initia en 1949 la prueba d’entrée à l’U.C.T.L. pour la conclure avec succès en 1951. Juste avant de vendre l’élevage à Celestino Cuadri.
C’est ainsi que Celestino Cuadri devint membre de la fameuse et influente U.C.T.L. tout en renforçant son cheptel. Toutefois, l’influence parladeña fut limitée. Il choisit comme fer un H renversé qui signifie Huelva, la province de l’élevage, mais aussi le nom de la rue de Trigueros où réside la famille.

Dix ans à peine après la création de son élevage, Celestino Cuadri se présente à Madrid. Le 8 avril 1956, il prend son ancienneté avec le toro ‘Brujito’ n°47. Puis vient Séville où il fait combattre pour la première fois une novillada en 1959. Le résultat est bon et l’élevage est reconduit l’année suivante et récompensé en 1965 avec son inclusion dans la Feria de Abril. La corrida est éclatante, Diego Puerta coupe trois oreilles et le toro ‘Fritero’ obtient une vuelta al ruedo. ‘Tratante’, autre toro notable de cette course, eut le prix du meilleur toro de la feria. L’année suivante, autre grand triomphe avec le duo ’Nadadero’ / Paco Camino. L’élevage de Celestino Cuadri est désormais « entré » à Séville et fait partie des grands noms ganaderos espagnols. Faits confirmés en 1970 lorsque ‘Calladero’ remporte le prix du meilleur toro de la feria de San Isidro.

Celestino Cuadri fut toujours persuadé que la ganadería ne serait pas sienne mais celle de ses fils. Une ganadería est le résultat d’un travail de patience et ne peut éclore en une ou deux décennies. Fidèle à ses principes, il passe la main très tôt, à l’âge de 51 ans, à trois de ses huit enfants : Fernando, Luis et Juan. Ce dernier s’occupant principalement de gérer l’activité agricole de la famille. Les fils succèdent au père mais la rigueur reste de mise. Quelques changements s’opèrent tout de même, comme la suppression des tientas de machos. La véritable qualité pour un semental est qu’il transmette la bravoure explique Fernando, son résultat en tienta n’est pas une finalité. Pour preuve, la corrida lidiée pour la San Isidro 1983 issue d’un étalon ayant donné un jeu excellent en tienta. Cette corrida fut catastrophique avec des toros décastés et mansos. De retour au cortijo, Celestino exige l’envoi à l’abattoir de 61 vaches et de l’étalon. Ce sera l’unique intervention du patriarche depuis son départ de la gouvernance de la devise. Cette pratique irréversible est d’ailleurs une habitude de la famille mais dans des proportions moindres. Aujourd’hui encore, lorsqu’un mauvais toro sort à Madrid ou à Séville, la mère pâtit impitoyablement du comportement de sa progéniture. La rigueur des Cuadri explique une camada courte mais aussi sa qualité, même si de nos jours les résultats sont irréguliers.
Il est très clair que les Cuadri ne sont plus au niveau de leur réputation passée. Ces dernières années, de grosses défaillances, rehaussées par l’exigence que suscite l’attente de ce fer, provoquent plus de désillusions que d’épanouissement. Néanmoins, les Cuadri continuent à remporter les prix les plus prestigieux de la cabaña brava et ce depuis cinquante ans !

 


Le toro de Cuadri fait partie de ses toros reconnaissables du premier coup d’oeil, tels un Miura ou un Pablo Romero. Ses origines sont aussi complexes que celles de ces deux fers légendaires et remontent à des temps aujourd’hui oubliés, faisant de la ganadería un encaste à part entière. Le génome des Cuadri étant profondément éloigné des devises classiques.
Catalogué comme Santa Coloma, son physique en contradiction avec une telle étiquette, interpelle. L’image actuelle du toro de Santa Coloma est un petit toro gris, d’armure mesurée dont la peau colle aux os. Alors que le Cuadri est imposant, profond, armé et noir, avec une peau large et abondante donnant de la papada et de la badana. Ces différences viennent des métissages intervenus mais aussi d’une ascendance Santa Coloma particulière où la caste Ibarra est pratiquement exclusive. Alors que la perception contemporaine du Santa Coloma est un mélange largement dominé par la provenance Saltillo. Pour synthétiser et avant d’entrer dans les détails, la meilleure définition du toro de Cuadri, c’est son propriétaire Fernando qui la donne : « me de Santa Coloma dans un corps d’Urcola ».

En 1946, lorsque Celestino Cuadri fait part de ses ambitions de ganadero à Manuel Jímenez, il lui dévoile son désir d’acquérir du bétail du Conde de Santa Coloma antérieur au croisement Saltillo. L’homme le dirige alors vers la vacada d’Estaban González Camino. Créée en 1924, la devise de don Esteban est majoritairement encastée Santa Coloma mais pas seulement. On y retrouve également du vieux bétail de Pérez de la Concha et d’Urcola, via son successeur Francisco Molina (précisément 75 vaches de caste Urcola et 1 étalon de la rame Conde de La Corte), ainsi que des bêtes de Félix Suarez (50 vaches et 2 becerros) descendantes directes du Conde de Santa Coloma. Le bétail pur Santa Coloma (50 vaches et 2 toros) provient quant à lui du marquis de Villamarta qui avait acquis en 1914 un lot majoritairement encasté Ibarra.
Toutes les origines sont conservées séparément et en 1946 quand Celestino Cuadri achète la camada complète de femelles (eralas), il a l’intention de conserver uniquement le sang Santa Coloma. Mais de la parole au geste il y a parfois plus qu’un souffle d’autant plus que notre ganadero est âgé de seulement vingt-cinq ans. Au regard des tientas, il décide finalement de conserver toutes les « bonnes » bêtes et pas exclusivement les « Santa Coloma ». Il récidive par le même achat et applique les mêmes principes aux camadas d’Esteban González Camino de 1947 et 1948 pour se retrouver à l’aube des années 1950 avec un bétail aux quatre origines : Pérez de la Concha, Urcola, Félix Suarez et Santa Coloma.
Le premier étalon de la nouvelle ganadería fut ‘Pestillero’, naturellement encasté Santa Coloma. Mais les sangs se mêlent comme le prouve l’influence de ’Frescadillo’, autre semental d’importance des prémices de l’élevage, cette fois d’origine Urcola.
Un peu plus tard, en 1954, Celestino Cuadri renforce son troupeau en achetant l’élevage de José Maria Lancha Vázquez. L’ambition principale de l’achat est sans doute de pouvoir entrer à l’U.C.T.L., cependant le choix de la devise n’est pas établi au hasard puisque José Maria Lancha a ajouté en 1938 des vaches et deux étalons, ‘Zoquetero’ et ‘Corcito’, d’Esteban González Camino à son bétail d’origine Parladé acquis en 1928 auprès de Juan Belmonte. La proportion des sangs dans l’élevage de Lancha est inconnue mais selon Fernando Cuadri l’influence pure parladeña sur la devise de Cuadri est mineure. Depuis, aucun apport extérieur ne fut effectué.

En remontant le temps, on s’aperçoit que les origines des Cuadri proviennent de deux des branches de Vistahermosa, Barbero de Utrera et Varea. Rien de surprenant, la majorité des toros modernes découlant de ces deux branches. Barbero de Utrera donnant, via une légère injection de Varea, les Murube – Ibarra – Parladé, les Saltillo découlant directement de Varea, et les Santa Coloma étant un savant mélange des deux. Mais à y regarder de plus près, ces sangs classiques injectés chez Cuadri sont isolés depuis de nombreuses décennies : Pérez de la Concha (1825), Urcola (1865), Santa Coloma (1905) et Félix Suarez (1918). Indépendantes les unes des autres depuis de nombreuses décennies, ces souches singulières sont absentes ou très rares dans notre cabaña brava actuelle et font de la devise de Cuadri un élevage à part, un joyau génétique de notre présent taillé dans des pierres ancestrales.

 
 


Morphologie
 

Imposant et majestueux, tel est la carte postale du toro de Cuadri. Volumineux, très armé, negro zaíno (noir brillant), c’est un toro lourd, qui dépasse parfois les 600 kilos. Son aspect plutôt parladeño, avec des formes grossières et une peau pendante (badana) lui confère une apparence un peu basto. Perception renforcée par une taille basse, des pattes courtes et un corps profond.
Si la robe classique est noire, on retrouve les caractéristiques du sang Urcola dans les pelages, avec des toros listones, rarement castaños et exceptionnellement colorados.


Comportement

Coté moral, la caste est leur principale particularité, les Cuadri faisant de cette caractéristique une priorité. Exigeant pour sûr, le toro de Cuadri n’en est pas moins un excellent collaborateur avec une belle noblesse pesante, renforcée par son inertie et en général un beau galop. Mobile, sa charge, avivée dans les meilleurs cas par la caste et la bravoure, est lourde, puissante, porteuse d’émotion et permettant à qui sait s’en servir de triompher. Au premier tiers, le Cuadri est moins impressionnant que l’on pourrait le croire. Accomplissant son devoir, mais sans dégager d’extrême violence.

 

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