Diego Curiel
Diego Curiel

En 2018, le nom de Diego Miguel Curiel Sosa sortit dans les pages de la presse taurine. Pas en couverture mais dans la section des brèves. Diego était déjà à la tête d’un modeste élevage d’encaste Marqués de Domecq mais ce qui intéressa alors les aficionados c’est la récupération du dernier lot de bêtes de l’élevage du Conde de la Maza. Un élevage à la longue histoire dont le dernier héritier Leopoldo Saínz de la Maza e Ybarra, venait d’annoncer la liquidation.

Soudain, une petite lueur d’espoir a envahi l’afición. Diego Curiel suscitait l’expectative. Désormais, ce sont sur ses petites épaules que repose la grande histoire taurine de la famille Saínz de la Maza, débutée en 1935 avec le premier Conde. Celui-là même qui élevait des toros pour faire peur aux toreros. En s’appuyant sur l’encaste Nuñez, son fils avait revu avec succès le côté extrémiste du père, pour en faire un des élevages intéressants de la fin du siècle dernier. L’actualité était plus délicate et il incombe désormais à Diego Curiel d’essayer de ne pas faire du Conde de la Maza seulement une histoire.

Ancienneté : -
Devise : Rouge et Noir
Signal :
Propriétaire : Diego Miguel Curiel Sosa
Gérant : Diego Miguel Curiel Sosa
Fincas : "Escardiel"  Castilblancos de los Arroyos"Santa María de las Cañadas"  El Garrobo
   Agrupacíon Española de Ganaderos de Reses Bravos





Crédits photographiques : Terre de Toros  

 

Diego Miguel Curiel Sosa est né à Pilas, petit village situé à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Séville. L’homme voulut d’abord devenir torero. Inscrit à l’école taurine du village, il affrontera au « Cortijo de Arenales » à l’âge de 14 ans sa première vache qui portait le fer du Conde de la Maza, comme un signe du destin. Sans accomplir son rêve, Diego sera tout de même novillero. Les toros ont toujours trotté dans sa tête, il se devait de trouver un métier au plus proche d’eux. Ce n’est pas dans le mundillo taurin qu’il va trouver sa voie mais dans la viande bovine. Il crée à Guillena sa petite affaire de négociant, ce qui lui permet de garder le contact avec le monde ganadero où il réalise fréquemment des tournées de ramassage des bêtes destinées à l’abattoir. Une proximité qui lui permet d’être à l’affût des bons tuyaux, car il n’a pas abandonné l’idée de jouer un jour son rôle dans le milieu taurin. Et si ce n’est pas comme torero cela peut être comme ganadero. Il va commencer par acquérir du bétail d’origine Marqués de Domecq qu’il place dans sa finca de « Escardiel » situé à quelques lieux de Séville dans la Sierra de Castilblanco de los Arroyos. Une finca modeste, seulement 260 hectares, mais idéale pour élever des toros de combat. L’eau y est bien présente et les animaux protégés. Avant Diego, de nombreux éleveurs sont passés par « Escardiel », Paco Cruz ou encore Emilio Osborne qui y réfugiait ses vaches. Ses marquis de Domecq viennent de trois petits lots d’une quarantaine de vaches des fers de Corbacho Grande, Juan Esquivel et Hermanos Lavi, dont provient également l’étalon colorado nommé ‘Misionero'. Après la tienta, il lui restera 47 vaches qui constituent son premier troupeau. Il inscrit son fer nommé “Curiel Sosa” à l’Agrupacíon Española de Ganaderos de Reses Bravos et devient ganadero. Désormais, Diego Curiel peut vivre sa passion au quotidien même s’il reste dans l’anonymat général jusqu’à ce qu’à la fin de l’année 2018 il achète de nouvelles bêtes mais cette fois dotées d’un illustre passé et surtout en passe de disparaître.

L’année 2018 voit en effet l’annonce de la dissolution de la devise du Conde de la Maza. Après la disparition de Victoria Ybarra en 2015, veuve du II° Conde de la Maza, Leopoldo Sáinz de la Maza y Falcó, les cinq héritiers réussirent à maintenir l’élevage, notamment grâce à un beau complexe touristique mené par Almudena Sáinz de la Maza. Mais seuls deux héritiers désirent poursuivre. Alors Leopoldo et Almudena sont contraints de prendre la décision d’envoyer leur bétail à l’abattoir, se réservant les droits d’un fer désormais sans toros. Alors même que la liquidation avait débuté, c’est lors une de ses tournées que Diego Curiel parvient à négocier la récupération du dernier voyage. Un ensemble hétérogène composé de erales, eralas, añojas, añojos, sept vaches âgées et un étalon. Ils avaient attendu là, un peu plus que les autres afin de produire davantage de viande. Une espérance salvatrice, qui permit de sauver un petit trésor génétique propriété de la famille Sáinz de la Maza depuis près de 80 ans.
L’afición de la famille trouve ses origines en la personne de Leopoldo Sáinz de la Maza y Gutiérrez-Solana. Cet aristocrate sévillan était un excellent sportif et aficionado qui aimait démontrer son courage dans l’art du toreo. Il était un des meilleurs aficionados practicos d’Espagne et le démontra dans de nombreuses arènes de première catégorie où il osait régulièrement affronter les mêmes toros que les professionnels. Aussi, en place de Madrid, il affronta en 1906 un toro de Anastasio Martín qui fut renvoyé aux corrals lors de la corrida de la veille. Ou encore, il organisa en privé aux arènes de Carabanchel un mano à mano avec le Duque de Arión face à des toros de Veragua pour prouver le grade de courage de la jeunesse aristocrate. Une vaillance également démontrée au combat durant la campagne d’Afrique, ce qui lui valut en 1910 la concession du titre de Conde de la Maza par le roi Alfonse XIII.
Quoi de plus naturel pour cet homme aisé, comme le firent tant d’autre practicos aristocrates, que de devenir ganadero de toros bravos. Ainsi, en octobre 1940, il achète 70 vaches et 2 étalons à Juan Belmonte, plus quelques vaches de Salas. Il installe ses bêtes dans la finca familiale de « Arenales » à Morón de la Frontera et inscrit l’élevage au nom de sa fille Cristina de la Maza y Falcó. La devise use d’abord le fer du Conde de la Maza, avant de le remplacer (1945) par un M couronné aux formes plus arrondies connu aujourd’hui comme celui de Cebada Gago. Leopoldo Sáinz de la Maza a toujours fait preuve d’une grande modestie et la finalité de son élevage n’était sûrement pas d’écrire son nom, ou plutôt celui de sa fille, sur les affiches mais plutôt de faire peur aux toreros. Sa sélection était si orientée sur la mise à l’épreuve des toreros que la réputation de son élevage en fût affectée. Très vite, seuls les toreros contraints à le faire, parce qu’ils n’avaient que peu de contrats, affrontèrent les Conde de la Maza.
Pour changer d’image, en 1953, quelques mois avant le décès de son père, Leopoldo de la Maza y Falcó, offre un second élevage à la famille. Après avoir pris la direction de l’élevage, le second Conde de la Maza avait procédé à la re-tienta de toutes les vaches et bien peu passèrent l’épreuve. Il avait donc besoin de nouveau bétail pour reconstruire son troupeau. Il fit l’acquisition du lot de doña María López Tejeda, soit un sixième de l’élevage de son père Arturo Pérez Hernández, un bétail d’origine Taviel de Andrade. Il y ajoutera un étalon de Benitez Cubero. Autre changement, il reprend le fer historique et choisit une devise rouge et noire. Il vendra en 1960 les droits du fer de sa sœur Cristina à José Cebada Gago. Grâce à cette mutation, les portes des arènes s’ouvrent peu à peu, mais pas encore pour les corridas de toros, la presque totalité des bêtes lidiées reste constituée de novillos. Marque certaine de ce renouveau la prise d’ancienneté le 15 août 1963 où la devise fait sa présentation à Madrid.
L’évolution de l’élevage se poursuit en 1966 avec l’ajout d’étalons du marquis de Villamarta, puis en 1977 un lot de soixante vaches et deux étalons de don Manuel Martín Berrocal, origine Núñez qu’il élève séparément du reste. Dans ce dernier lot réside le futur de la ganadería. Sa sélection élimine les anciens sangs pour se focaliser uniquement sur le Nuñez.
Leopoldo de la Maza y Falcó sera le pionnier de l’introduction de l’ordinateur dans les élevages de toros braves. Il commence à les utiliser dès 1975 et dans une interview donnée à la revue Aplausos en 1988, il n’hésite pas à dire que si les ordinateurs ne donnent pas la bravoure aux toros, ils sont d’une aide précieuse au moment de la sélection. Ils facilitent également les statistiques et durant la temporada 1988, il se coupa des oreilles à 75% des Conde de la Maza. Une statistique qui n’aurait sûrement pas ravi son père !
Le "Cortijo de Arenales" pèse de plus en plus dans le mundillo andalou, au point que dans les années 1980, Leopoldo de la Maza y Falcó prend le poste de président des éleveurs des zones de Mediodía et Portugal de l’U.C.T.L. Très actif pour défendre la profession, il fut un des piliers de la création et de la promotion de la Feria mundial del Toro à Séville et réussit en usant de son amitié avec la famille royale à la faire inaugurer par le Roi d’Espagne. Il trouva également plaisir dans la politique en devenant le premier maire de Morón de la Frontera, élu démocratiquement, un poste qu’occupa également son épouse, Victoria Ybarra. À son décès en 2002, lui succède son fils Leopoldo Sáinz de la Maza e Ybarra, troisième comte du nom, qui ne réussira pas à passer une nouvelle génération. La préservation de ce lourd héritage se retrouve de fait dans les mains de Diego Curiel.

Diego Curiel a conscience de sa responsabilité et s’attèle à cette lourde tâche avec la simplicité qui est la sienne. N’attendez de Diego aucune exubérance, pas moins de fierté de posséder les derniers Conde de la Maza. Non rien de tout ça, car il est pleinement satisfait de sa vie, vivre au campo et profiter tous les jours de sa chance de côtoyer ses bêtes. Il les connaît toutes, il s’attache à leur personnalité comme si elles étaient des personnes et cela le comble de bonheur. Le large sourire d’enfant qui l’envahit lorsqu’il en parle en est la meilleure démonstration. Sa nouvelle ganadería, il la mène avec beaucoup de patience, ce qu’il fait, il le fait par afición et avant toute autre chose d’abord pour lui-même. C’est ainsi qu’il pense pouvoir sortir ses Conde de la Maza de leur zone d’ombre. Ce n’est pas si courant désormais, mais la demande est forte. Diego est sollicité par de nombreuses arènes, et, pour l’instant il décline poliment. Car il connaît mieux que personne les défauts des vaches qu’il a récupérées. Il serait déraisonnable de faire déjà lidier une corrida de toros, même s’il le peut. Après cinq années de reprise en main, il a débuté en becerrada, avec des résultats probants qui ont plu à la fois au ganadero, aux toreros et à l’empresa. L’année prochaine, il fera combattre des becerros, puis peut être pour 2026 une novillada.

 


Les Conde de la Maza acquis par Diego Curiel sont de purs Carlos Nuñez via Manuel Martín Berrocal. Des 60 vaches acquises en 1977, la famille Sáinz de la Maza en a fait un élevage bâti sur l’immense finca de "Cortijo de Arenales" qui possède 3000 hectares dont 500 étaient dédiés au toro brave. Bien dans le type Nuñez, il s’agit d’un toro au physique harmonieux qui dépasse rarement les 530 Kg. Large, fin et bas, aux pattes courtes, il est bien armé, astifino et astiblanco. On a pu constater que sur les dernières années la présentation s’est accentuée avec des têtes à faire pâlir tous les toreros. Le I° Conde de la Maza n’aurait rien eu à redire à cela. Au comportement, c'est un toro de tempérament, difficilement maniable qui transmet beaucoup d'émotion, notamment grâce à sa force physique.

En 2018, Diego Curiel réussit à récupérer 150 têtes issues de 21 familles. Des eralas, des becerras et 7 vaches de ventres âgées. Mais un seul étalon. Un toro très faible qu’il dût rapidement éliminer. Alors, pour trouver un reproducteur, il choisit 16 erales pour les tienter. De la tienta sont sortis deux étalons : ‘Puritito’ un bel ensabanado au caractère bien trempé. Brave et difficile, il exige un torero doté d’un bon bagage technique. Et ‘Limpiapoco’, joli colorado, qui est quant à lui plus tolérant.

Son petit troupeau en reconstruction compte une soixantaine de vaches. Diego a d’abord travailler à sécuriser les étalons, il en dispose désormais de cinq. Côté tempérament, sa sélection tâche d’ôter le côté réservé de ses Conde de la Maza. Les résultats sont plutôt encourageants et même les becerristas partagent cet enthousiasme. À vrai dire, il pensait que la tâche allait être plus difficile, que ses toros étaient surtout destinés au marché français, car en Espagne il était beaucoup plus complexe de faire lidier ce type de bétail. Mais, finalement, il est plutôt bien accueilli et les sollicitations fleurissent. Souhaitons-lui que cela dure.

 

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