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Jorge de Carvalho est un agriculteur originaire d’Arruda dos Vinhos, discret bourg situé dans le Ribatejo, à l’ouest de Vila Franca de Xira, une quarantaine de kilomètres au nord de la capitale Lisbonne. Passionné de tauromachie, l’homme fut un temps cavaleiro amador et fit montre de ses talents aux côtés de grands noms de la tauromachie portugaise des années 1960. C’est certainement cette activité qui lui fournit les contacts nécessaires à la création d’un élevage de toiros bravos ; création qui devint une réalité en 1968. Il commença modestement en achetant une trentaine de vaches au vieil élevage Herdade da Câmarate ainsi qu’un reproducteur d’origine Pinto Barreiros aux Teles Branco (aujourd’hui Lopes Branco) de Coruche.
La suite de l’histoire ressemble à celle d’un laboratoire dans le secret duquel Jorge de Carvalho essaya d’élaborer son toro rêvé. Pour atteindre cette ambition, il fit grandir son troupeau grâce à du bétail acheté auprès de Simão Malta, bétail Pinto Barreiros dans ses variantes Oliveira Irmãos et Cabral Ascensão. Les premiers toros furent combattus à la mode portugaise en 1973 dans leur ville de naissance, Arruda dos Vinhos. À la recherche de plus de mobilité, il utilisa dans le premier lustre des années 1980 un étalon acquis auprès du célèbre cavalier Samuel Lupi, d’encaste Murube-Urquijo. La suite de la construction de cet édifice est une succession d’achats de sementales auprès des Oliveira Irmãos dans les années 1990, achats qui finirent de fixer la direction à suivre pour Carvalho : depuis cette époque, l’élevage est totalement dominé par cette ascendance Oliveira Irmãos que l’on retrouve dans d’autres devises prestigieuses au Portugal : Palha ou Veiga Teixeira pour ne citer que les plus célèbres.
Si dans les années 1960 Arruda dos Vinhos était la campagne, il n’en est plus rien aujourd’hui. Comme sa voisine Vila Franca de Xira, on se situe ici dans la grande banlieue de Lisbonne, dans ce que les géographes nomment la couronne périurbaine. Y élever des toros de combat est devenu mission quasi impossible tant la pression urbaine et industrielle y est forte. De fait, l’histoire de la ganadería de Jorge de Carvalho est aussi celle d’une quête d’un lieu idoine pour abriter un élevage qui accueillait en 2019 370 têtes de bétail parmi lesquelles environ 90 vaches de ventre. Après de multiples péripéties, Jorge de Carvalho a posé ses valises beaucoup plus au sud, dans l’Alentejo, aux abords de la ville d’Alcaçovas. La Herdade das Acaçovas est un modèle de simplicité. Nous sommes loin de ces fincas modernes et bétonnées avec salon de réception grandiloquent et sans âme.
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Le toro de Jorge de Carvalho est un représentant fidèle de la tradition portugaise du Pinto Barreiros. C’est un Pinto Barreiros dans sa ligne Oliveira Irmãos même s’il n’en fut pas ainsi au long de son histoire quinquagénaire.
En 1968, Jorge de Carvalho, agriculteur d’Arruda dos Vinhos et ancien cavaleiro amador de bonne réputation, décide de créer un élevage de toros braves à son nom. Pour accomplir son rêve, il achète une trentaine de vaches à l’un des plus vieux fers du Portugal dont les bêtes broutent sur les terres de Pancas dans la Leziria du Tage, entre Porto Alto et Alcochete. Il s’agit de la ganadería que l’on nomme aujourd’hui Herdade da Câmarate et dont le fer est un P surmonté d’une couronne. À la fin des années 1960, la ganadería se nommait Pancas mais avait appartenu des années auparavant à Estevão Augusto de Oliveira. Pour éviter d’entrer dans une histoire complexe qui nous ferait remonter le fil du XIX° siècle, allons directement à l’essentiel : à partir de 1948, l’élevage ainsi que le fer sont achetés par Luis Delgado Santos qui élimine le vieux sang issu du XIX° siècle pour le remplacer par de l’Oliveira Irmãos. Le nom de Oliveira Irmãos est presque aussi important dans la constitution des ganaderías portugaises de la seconde moitié du XX° siècle que celui de Pinto Barreiros. Depuis leur finca Baracha, les frères Oliveira, João Pedro et Eduardo, fabriquent un toro solide, combattif et encasté en diable à partir de bêtes d’origine… Pinto Barreiros introduites en 1938. Le Pancas / Câmarate des années 1960 acheté par Carvalho était donc un pur Pinto Barreiros de chez Oliveira Irmãos. Pour couvrir ce lot de femelles, Jorge de Carvalho fait l’acquisition d’un mâle auprès d’un éleveur de Coruche, João Lopes Teles Branco (actuellement l’élevage est nommé Herdeiros Lopes Branco). Ce mâle est lui aussi un pur Pinto Barreiros. La première sortie publique des toiros de Carvalho a lieu chez lui, à Arruda dos Vinhos en 1973.
Les années passant, le troupeau grandit mais le « jeune » ganadero n’est pas entièrement satisfait par les résultats. Pour gagner en mobilité, il achète (ou loue) un reproducteur à Samuel Lupi qui était une figure de la tauromachie portugaise mais également un éleveur de renom. Lupi avait hérité de son père un troupeau nommé Rio Frio d’encaste Pinto Barreiros. Pour autant, au début des années 1960, José Samuel Pereira Lupi décide de fonder un autre élevage auquel il donne son nom et qu’il construit à partir de bêtes achetées à Fermín Bohórquez. Il est possible d’imaginer que la confrérie des cavaliers tauromachiques espagnols et portugais a joué dans cet achat ainsi que le goût prononcé des rejoneadores pour le sang Murube-Urquijo. Car le Bohórquez est du Murube-Urquijo ce qui signifie que l’introduction de ce toro de Lupi entre 1979 et 1984 dans l’élevage de Carvalho fit prendre à ce dernier un virage conséquent. Le Murube est très différent du Pinto Barreiros mais le comportement de la descendance de cet « Urquijo » enthousiasma Carvalho. Néanmoins, il fait machine arrière au début des années 1990 en réintroduisant des étalons acquis directement chez les Oliveira Irmãos. C’est ‘Capea’ qui entre dans l’élevage en 1990, suivi par ‘Napolito’ en 1992. À cette date, Jorge de Carvalho décide d’éliminer tous les reproducteurs de la casa, c’est-à-dire les descendants de l’Urquijo de Lupi. Cette décision ne l’empêche pas de tester un sang cousin sur ses vaches entre 1995 et 1996 : un toro de José Luis Vasconcellos e Sousa d’Andrade de ligne Tamarón. Les résultats furent-ils à la hauteur des espérances ? Cet apport a-t-il renforcé la « caisse » des Oliveira ? Il est difficile
aujourd’hui d’en écrire quelque chose d’assuré. Ce qui est certain, c’est que la fin des années 1990 et le début des années 2000 sont marqués par l’introduction de sementales issus d’élevages d’origine Pinto Barreiros. La famille mentionne un toro de Charrua (Pinto Barreiros), ‘Perdigueiro’, ainsi qu’un autre du Conde de Cabral (Pinto Barreiros également), de même qu’un nouvel achat aux Oliveira Irmãos. Le lecteur l’aura compris, la ganadería de Jorge de Carvalho est de sang Pinto Barreiros dans un squelette Oliveira Irmãos, origine qui domine tout le reste. Les toros de Carvalho respectent parfaitement les caractéristiques zootechniques des autres Oliveira Irmãos portugais : c’est un toro de gabarit moyen, assez bas mais surtout très bien proportionné et équilibré. Le pelage est dominé par un noir brillant (il existe des castaños dans les camadas) et le sérieux est perceptible dès le premier coup d’oeil. Souvent bien voire très bien armés, les Carvalho ne « font pas rire » quand on les observe dans les cercados.
Malheureusement, les espoirs fondés dans la présentation de l’élevage en France en juillet 2024 à Orthez ont été déçus. Le toro représentant la ganadería s’est avéré invalide dès avant le premier tiers ce qui a contraint la présidence du jour à le changer. Les aficionados a los toros ne peuvent que regretter car l’on connaît la qualité de l’origine Oliveira Irmãos. Une autre fois, nous l’espérons…
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