Veiga Teixeira
Veiga Teixeira

La famille Teixeira élève des taureaux braves depuis plus d’un siècle. Au départ, il y avait les toros de la terre portugaise, puis António José da Veiga Teixeira s’est intéressé à la lidia a pied et a décliné vers le toro espagnol. L’histoire de la ganadería actuelle débute en 1968 lorsqu’il achète le fer des frères Arribas et entre à l’U.C.T.L. Dans la plus pure tradition portugaise, il peuple sa marque de toros de caste Pinto Barreiros provenant de chez Oliveira Irmãos.
Brillant éleveur, António José eut la malchance de vivre dans une époque chaotique pour les ganaderos portugais. Trois crises successives : Révolution des œillets, « vache folle » et « langue bleue » vont remettre son travail en question. Mais qu’importe, à l’image de ses toros, la famille reste debout par monts et par vaux. Ce n’est pas un hasard si caste, vivacité et intégrité appartiennent au vocable d’António hijo qui gère aujourd’hui l’élevage. Malgré quelques timides incursions en France ces dernières années, la devise ne parvient pas à retrouver sa place sur le marché et doit se contenter de patienter en étant reconnue comme une des meilleures pour les touradas.

Ancienneté : 6 Mai 1928
Devise : Rouge et Noir
Signal : Horqueta et Muesca à droite
Propriétaire : Herederos de Antonio José da Veiga Teixeira
Gérant : Antonio Francisco Veiga Teixeira
Fincas : "Escatelar"  Canha-Montiyo"Vale Boi" - "Peso" - "Mata-Lobinhos"  Coruche"Pedrogão" - "Herdade do Meio"  Montemor-o-Novo
   Unión de Criadores de Toros de Lidia





Crédits photographiques : Terre de Toros  

 

Avec plus d’un siècle d’existence et cinq générations d’éleveurs, l’élevage de Veiga Teixeira est l’un des plus prestigieux du Portugal. Mais avant d’entrevoir le passé familial, débutons par l’histoire du fer à l’éperon, qui, du temps de ses anciens propriétaires, les frères Arribas, était décrit comme une croix plantée sur un globe posé sur une cloche.
Les frères Arribas, Francisco et Basilio, n’était pas Portugais mais bien Espagnols, Andalous de surcroît. Installés au nord de Séville, à Guillena, ils avaient créé un fer avec des bêtes de Giraldez dont ils avaient repris la devise rouge et noire. Un bétail bien fameux, puisqu’il s’agit d’une des cinq branches de Vistahermosa (la troisième par ordre d’importance) que le clérical Francisco avait agrémenté de bêtes d’origines Cabrera et Picavea de Lesaca, provenant sans doute de dons à l’Église. Créé en 1882, le fer des Arribas prit son ancienneté à Madrid l’année suivante, précisément le 24 juin 1883. Bon bétail ne saurait mentir, les résultats sont bons bien qu’irréguliers mais comme tous ceux de cette époque, faut-il ajouter. Les deux frères sont considérés comme des éleveurs de qualité et respectés du milieu. À évoquer les frères Arribas, il ne faudrait pas oublier leur sœur, dont l’alliance joue un rôle fondamental. En effet, celle-ci était mariée à Felipe de Pablo, propriétaire de l’élevage de Pablo Romero qui prit en main la devise rouge et noire à partir du début du siècle dernier. Son coup de main ne fut pas négligeable, puisqu’il réussit à améliorer le comportement des Arribas avant de vendre l’élevage en 1912, pour se consacrer aux toros de sa famille.
L’élevage quitta alors l’Andalousie pour les terres des environs de Salamanque pour les parts de José Manuel García et de Gabriel González Hernández, et de Madrid où les attendait le Duc de Tovar. Rodrigo Figueroa y de Torres, Duc de Tovar et Marquis de Gauna, était un homme très riche, gourmand et pressé. Il est vrai que le Duc était doté d’une santé fragile, mais ses traits de caractère ne sont pas à proprement parler ceux d’un bon ganadero. Son afición n’était cependant pas à mettre en doute et ses immenses moyens lui permirent d’aller au bout de sa passion en achetant tout d’abord l’élevage des Arribas. Il crée là sa première ganadería, très vite d’autres suivront. Tout d’abord, en 1914, soit deux ans plus tard, il achète l’élevage de Dioniso Peláez, encasté Santa Coloma. Les deux élevages n’en forment en réalité qu’un. Le fer de Peláez est lidié sous son étiquette de Marquis tandis que les Arribas le sont sous celle de Duc, avec laquelle il se présente à Madrid le 6 mai 1928. Date qui marque la nouvelle ancienneté du fer des Arribas. En 1920, les résultats n’étant pas ceux de ses ambitions, il évacue une partie du bétail et le fer de Peláez à Felipe Montoya, avant de solder complètement le troupeau en 1927 auprès de Luis Bernaldo de Quiros. Malgré ces avaries, le Duc de Tovar n’avait pas perdu la foi et s’était réservé les droits du fer, car il n’en avait pas fini avec les toros. Son regard restait figé sur l’encaste Santa Coloma pour lequel il avait une grande considération et, aussitôt (1927), il acquiert l’élevage de Félix Suárez créé dix années auparavant. Le Marquis-Duc n’aura pas le temps de profiter de cette dernière acquisition puisqu’il décède en 1929. Néanmoins, ses cinq enfants poursuivent, unis, avec une persévérance nouvelle pour la famille, puisque jusqu’à sa division en 1947, tout resta à l’identique à « Soto de Aldovea ».
Cet historique est bien assez fourni pour s’attarder sur l’héritage du Duc, on se contentera donc de ne citer que son fils cadet, Rafael Figueroa y Bermejillo, qui hérite de 50 vaches et du fer historique. Ses biens, il les vend immédiatement à Tomás de la Cal Sanz, l’élevage restant ainsi dans la province madrilène. Le señor de la Cal, un parent de Tomás Prieto de la Cal, va profiter de sa filiation pour enrichir le sang déjà complexe de son petit troupeau avec les Veragua familiaux. C’est en 1959 que l’élevage prend la direction du Portugal. Mais il n’arrive pas tout de suite à « Pedrogão », fief de la famille Teixeira. Il fera d’abord une courte halte (neuf années) à Barrancos chez les Irmãos Fialho, où le cheptel fut fortement diminué. En effet, Fialho était un ganadero romantique et il avait pour habitude de faire abattre toutes les vaches qui donnaient le moindre toro médiocre. Les conséquences furent celles que vous pouvez imaginer. Finalement, le petit troupeau héritier des Arribas parvient en 1968 à António José da Veiga Teixeira.
Pour les Teixeira il ne s’agit pas là d’un début dans l’élevage mais plutôt d’une continuité, car cela fait plus d’un siècle qu’on vit ici aux côtés des taureaux de combat. Les plus anciens, comme António Feliciano Correia Branco ou José da Sousa, ont débuté avec le bétail autochtone. Mais dès le début du XXème siècle, la famille a introduit la race espagnole et une sélection sur les trois tiers, contrairement à d’autres éleveurs portugais que les spécificités des touradas avaient conduits à une sélection particulière. Dans la famille, il y a du toro de tous les côtés et António José da Veiga Teixeira a baigné dans cet univers dès sa naissance, jugez du peu : neveu du célèbre peintre Simão da Veiga, cousin de Simão da Veiga Junior, personnage atypique, ganadero à « Pedrogão » et rejoneador réputé qui fit de grandes campagnes en Espagne, et enfin fils d’António Teixeira, le grand forcado, pour ne citer que les plus charismatiques. Outre l’élevage, sa passion du toro le conduira à pratiquer également l’art des forcados et à exhiber ses grandes qualités de cavalier.
En 1968, António José a la quarantaine et voit dans son achat la possibilité de passer à la vitesse supérieure. Il est à souligner qu’alors, seuls les élevages membres de l’U.C.T.L. pouvaient faire lidier des spectacles avec picador et, par conséquent, les Teixeira ne possédaient pas ce droit. Ainsi, par cet achat, António José entre à l’U.C.T.L. et s’ouvre par la même occasion les portes du marché espagnol, ce qui le propulse immédiatement sur le devant de la scène. Aussitôt, il élimine le vieux cheptel et le remplace par du bétail d’origine Pinto Barreiros en provenance de chez Oliveira Irmãos. Fort de toutes ses expériences, António José da Veiga Teixeira ne tardera pas à rencontrer le succès. Son fer étant désormais « de première », comme on dit couramment, ses résultats éclatent aux yeux de tous. En Espagne, bien sûr, où il se présente en novillada à Séville en 1968 et à Barcelone en corrida en 1974, mais aussi en France, où il acquiert une belle notoriété dans les années 1970, faisant courir des toros à Bayonne, Nîmes et Mont-de-Marsan. Malheureusement, la trajectoire ascendante de la ganadería va se voir brisée à plusieurs reprises, et toujours pour des causes externes.
Il y eut tout d’abord la Révolution des œillets en 1974. À l’instar des autres grands propriétaires terriens, António José est la cible de multiples attaques. Des attaques contre ses biens. Son bétail, chevaux et toros, est ainsi dérobé et ses terres occupées. Mais aussi des attaques personnelles. Un de ses deux fils sera assassiné et António gravement blessé par un coup de couteau. Les plaies furent longues à cicatriser, l’élevage restant quelque temps sous la main des « communistes », qui allèrent jusqu’à sélectionner le bétail en faisant venir des toreros comme consultants techniques. Ce n’est que trois ans plus tard qu’António José récupérera ses bêtes, à l'exception des camadas de ces trois années. Ses problèmes n’étaient pas résolus pour autant, puisque ses terres restaient occupées. La solidarité des ganaderos portugais lui permit de faire héberger son bétail chez Palha et Lupi, avant de retrouver une partie de ses terres en 1981. L’abnégation qui le caractérise lui permettra de remonter la pente et fort d’un laborieux travail, de retrouver la route des arènes espagnoles en 1985. L’accalmie fut de courte durée puisque, dans les années 1990, apparaît une nouvelle crise, sanitaire cette fois : la « vache folle ». La frontière espagnole se ferme aux élevages portugais et seule la France offre un modeste débouché. Une fois la crise endiguée, le protectionnisme espagnol et de nouveaux problèmes sanitaires avec la crise de la « langue bleue » ne permirent pas à la devise de faire son véritable retour en Espagne, se contentant seulement de spectacles marginaux. Reste pourtant à « Pedrogão » du bétail brave, de caste et de trapío. Et si depuis 2007 António José s’en est allé, António hijo poursuit avec fidélité et sans compromis l’œuvre de son père. Oui, il reste des toros braves et des ganaderos authentiques : ne les oublions pas !

 


S’il y a bien un encaste traditionnel au Portugal, il s’agit du Pinto Barreiros. Créé en 1925, les résultats furent si probants qu’ils convinrent très vite de nombreux ganaderos de la zone, allant jusqu’à représenter la moitié du cheptel du pays. Alors, à une époque où tout le monde ne pouvait pas être ganadero, les grands propriétaires terriens lusitaniens ont élevé des toros de caste Pinto Barreiros. Aujourd’hui cette prépondérance s’en est allée. Bien d’autres encastes sont venus diversifier le cheptel et la domination du Domecq est sans partage comme partout ailleurs. Toutefois quelques grandes familles lui restent fidèles, certaines par nostalgie, d’autres par passion. À « Pedrogão », chez les Veiga Teixeira, on est de ceux-là, mais point ici de nostalgie ; on lui préfère la passion alliée à la fidélité de convictions profondes. L’encaste Pinto Barreiros peut être qualifié de fondamental, tant sa filiation est importante. Pourtant, on en cause peu. On en parle peu car il s’agit d’un encaste aujourd’hui marginalisé qui tient plus du passé que du présent. Mais aussi parce que ses origines sont beaucoup moins élémentaires et lisibles que celle des encastes actuels. Le mélange est en effet surprenant : Santa Coloma mêlé au Parladé. L’image n’est pas habituelle et peu évidente pour nos têtes du XXIème siècle. Alors parlons du Pinto Barreiros !
José Lacerda Pinto Barreiros envoya l’ensemble de son bétail à l’abattoir en 1925, lorsqu’il acheta un fer de l’U.C.T.L. Alors, pour créer sa nouvelle ganadería, il fit des achats à la hauteur de ses ambitions : 50 vaches de Félix Suárez (Santa Coloma) et 25 des héritiers de Luis Gamero Cívico (Parladé). Sur ces vaches, il mit les étalons 'Gañafote' du fer de Gamero Cívico, 'Treintaicinco' du Conde de la Corte (Parladé) et 'Napolitano' de Juan Belmonte (Parladé), puis un peu plus tard un étalon provenant de chez Domingo Ortega (Parladé). De ceux-ci, 'Gañafote' et 'Naplitano' lièrent particulièrement bien, incrustant profondément les gènes parladeños dans la vacada. L’utilisation pratiquement exclusive d’étalons de souche Parladé, du moins dans les premiers temps, explique en grande partie pourquoi le toro de Pinto Barreiros, de taille réduite mais très fort, notamment du train avant, est plus proche du toro de Parladé que du toro de Santa Coloma. Il faut aussi imaginer qu’à cette date, en 1925, cela faisait « seulement » vingt ans que l’encaste Santa Coloma avait été formé et, en toute logique, les différences entre les Parladé et les Santa Coloma étaient moindres que l’image que nous en avons aujourd’hui, cent ans plus tard. José Lacerda prit à peine le temps de laisser grandir ses premières bêtes pour faire sa présentation à Madrid (1931). Une sortie réussie, qui lui amène aussitôt de nouveaux contrats ainsi que de belles opportunités de négoce, en particulier avec ses confrères lusitaniens. João Pedro Oliveira fut un des premiers (1935). Patriarche de l’élevage de Oliveira Irmãos, il se différencia de son collègue en renforçant la charpente de ses toros grâce à un étalon de Alves do Rio (Parladé par Tamarón). Les Oliveira se firent rapidement une grande réputation, leurs carrures impressionnantes accompagnant une bravoure ardente. Ils ont bonne réputation, partant de loin sur leur adversaire avec une charge vive mais docile. Toutefois, ils ne purent exprimer leurs qualités en Espagne qu’après 1963, date à laquelle les enfants de João Pedro acquirent un fer de l’U.C.T.L. Leur réussite fut telle que l’élevage de Oliveira Irmãos joua un rôle tout aussi important dans la diffusion de l’encaste Pinto Barreiros que la ganadería matrice. Palha, Cunhal Patricio, Sommer de Andrade, Lupi, Ortigão Costa et bien évidement Veiga Teixeira se fournirent chez eux.
Pour le gage de garantie que suscitaient les Oliveira, António José da Veiga Teixeira y acheta un lot de bêtes en 1968. L’étalon 'Pandita' eut un rôle majeur dans les débuts de la ganadería, qui par la suite rafraîchira son sang avec des étalons des plus prestigieuses devises portugaises, comme Palha, Cunhal Patricio ou Infante da Câmara. Il y eut bien une petite infidélité avec l’introduction d’étalons Núñez de chez Alcurrucén, mais il s’agissait d’un essai. Les résultats n’étant pas satisfaisants, l’expérience fut arrêtée pour se consacrer exclusivement au bétail de la casa, le pur Pinto Barreiros. À voir aujourd’hui les Veiga Teixeira, on peut féliciter la famille d'avoir su conserver les lignes et le tempérament de ses Pinto Barreiros, qui ne semblent pas avoir changé au fil du temps.

 
 

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