|
Le Gardois Philipe Pagès, docteur en pharmacie vient d’une famille d’industriels et il est clair qu’il a l’entreprennariat dans le sang. Ses réussites sont nombreuses. Son fleuron : la société Activ Medical Disposable. Une entreprise de deux-cents salariés qui fabrique des couches culottes pour adultes incontinents. Sa vente fit sa fortune. Homme passionné, il va utiliser son pécule pour profiter de ses deux passions : le vin et les toros. Il se lance d’abord dans le vin en compagnie de son épouse Maryline, elle aussi pharmacienne. Le couple achète en 1993 le château La Clotte-Fontane, 130 hectares IGP Pays d’Oc. L’alchimie prend rapidement et leur domaine devient une référence dans la région. Puis vient le tour des toros, au sens large puisque son projet, comme toujours, est ambitieux ; il englobe à la fois le toro camarguais et le toro espagnol.
La première étape consiste à trouver des terres pour installer sa manade. C’est dans cette entreprise qu’il croise la route de Pascal Mailhan, qui pousse de son côté le même projet. Le parcours de Pascal Mailhan est totalement différent. Né pratiquement au milieu des toros, il grandit avec eux au Mas des Bernacles, terre de la manade Fabre-Mailhan créée en 1954 et copropriété de son père Marcel et de Francis Fabre. Marcel Mailhan était comme on dit une figure de la Camargue. Conteur d’exception, il su présenter son pays et ses traditions aux grands de ce monde. Georges Pompidou, Jacky Kennedy, Jacques Chirac et bien d‘autres ont appris à aimer la Camargue à travers ses yeux et surtout ses mots. Sa manade aux couleurs blanc, bleu et vert marquées d’un fer mêlant le cœur de Camargue au fer de gardian jouit d’une belle réputation dans le milieu de la bouvine. Il y avait peu de doutes, mais ses enfants Jacques et Pascal d’abord puis depuis peu ses petits-enfants (2022) : Fleur, Pauline, Julie, Victor, Raoul, Pascaline et Pierre, sans oublier Hélène Fabre, fille de Francis Fabre, vont préserver toute la réputation de ses taureaux camarguais.
Lorsque Pascal Mailhan rencontre Philipe Pagès, il est donc doté d’une grande expérience taurine, même si celle-ci est largement orientée sur le taureau camarguais. Hommes providences mutuels si on peut dire, ils unissent leurs projets respectifs et nomment leur élevage à la mode camarguaise Pagès-Mailhan. Le fer est aussi un genre de fusion de leurs manades respectives, mêlant le cœur de Mailhan et le P de Pagès. Le choix du bétail est une première occasion de débattre. Philipe Pagès désire débuter avec du Domecq afin de partir sur des bases commerciales favorables. Cependant, Pascal Mailhan voit en cela un risque si le succès n’est pas immédiat. Finalement, c’est Pascal qui l’emporte et ils achètent des bêtes de Alicia Chico. L’élevage de Alicia Chico est surtout connu pour le fait d’être le dernier à pratiquer encore la transhumance entre la région de Teruel et celle de Jaén. Mais cet élevage a d’autres atouts, notamment ses origines, rares et anciennes puisqu’il s’agit d’un panachage de Manuel Arranz et de Santa Coloma de ligne Ibarra. En l’an 2000, 40 vaches et 2 étalons arrivent sur les terre de "Les Jasses de Bouchaud" pour constituer le premier troupeau de la ganadería.
Les premières tientas sont plutôt décevantes. La sélection est rude, au point que Pascal Mailhan récupère de vieilles vaches de Hubert Yonnet pour maintenir le troupeau. Mais, peu à peu, le travail de sélection fait son œuvre et la génétique des Alicia Chico commence à parler. Le premier novillo piqué fut combattu à Lunel en 2005, puis l’année suivante une première novillada dans cette même arène. Lunel fut fidèle à la ganadería et servit de rampe de lancement pour arriver en 2009 à faire combattre les premiers toros à Vergèze. L’année suivante la devise frappe un grand coup en remportant le concours d’élevages français à Vic-Fezensac avec ‘Fosforito' et récidive l’année suivante avec ‘Señorito'. Mais l’équilibre d’un petit élevage en nombre de têtes est très fragile, il suffit d’un étalon non vertueux pour casser la dynamique et perdre une décennie voire plus. C’est malheureusement ce qui va se passer ici et nos deux éleveurs décidèrent en 2014 de délaisser les Alicia Chico pour repartir en Espagne chercher de nouvelles vaches, mais cette fois dans la ligne Domecq via Fuente Ymbro. Un prélèvement opéré dans le Campo Charro chez Julio García. Philippe Pagès agrémente cette nouvelle aventure d’un autre projet, à vrai dire son projet initial datant d’avant sa rencontre avec Pascal Mailhan, celui de détenir une ganadería de toros bravos en Espagne. En 2015, Robert Margé lui propose une belle opportunité en l’informant de la mise en vente de la finca “Los Sardineros” qui abrite l’élevage des héritiers de Javier Molina. Le lieu alliant romantisme et cachet est du goût de Philippe qui se décide rapidement. Pour cette autre aventure nommée “Ave Maria” en référence à un azulejo de la finca, il s’associe cette fois avec Robert Margé à qui il délègue les pouvoirs taurins.
Mais revenons au fer de Pagès-Mailhan qui fait lidier sa première novillada de son nouveau sang en 2018 dans le cadre prestigieux de l’amphithéâtre romain de Nîmes. Le lot fait transparaître une belle noblesse et la vuelta al ruedo du sixième ‘Occurente' redonne le sourire à nos deux ganaderos. C’est alors que survient la Covid-19 qui coupe une nouvelle fois leur dynamique. Survient un autre malheur en mai 2021 avec le décès de Philipe Pagès à l’âge de 67 ans. Sa veuve et ses enfants désirent tout de même poursuivre l’aventure aux côtés de Pascal Mailhan et de son fils Pierre. Quelques mois plus tard, la première corrida du sang Fuente Ymbro rencontre un franc succès à Saint-Vincent-de-Tyrosse. S’en suivent des ventes croissantes lors des temporadas suivantes, concrétisées par un record de vente en 2024 avec 24 têtes lidiées qui placent aujourd’hui la devise parmi les leaders du marché Français.
|
|
|
Le sang des Pagès-Mailhan est désormais du Fuente Ymbro de pure souche acquis auprès de Julio García Hernández. Un élevage à la trajectoire furtive, qui s’est éteint presque aussi vite qu’il fut créé.
Julio García Hernández est un industriel de Salamanque passionné par le bétail brave. Sa réussite professionnelle va lui permettre de passer de l’autre côté de la barrière en 2008. Il acquiert alors un lot de bétail de Fuente Ymbro à son ami Ricardo Gallardo et l’installe à Sando dans le Campo Charro. D'abord nommé "Toros de Sando », l'élevage prend par la suite le nom de son propriétaire. Son amitié avec Ricardo Gallardo lui vaudra de partir sur une excellente base de bétail mais aussi d’être une sorte de laboratoire pour lui. Ainsi, de nombreux toros indultés rejoignent les terres de Sando pour êtres testé sans prendre de risque pour la devise mère. Après une période d’observation dans des spectacles sans picador, il franchit le pas de la novillada piquée et s’offre pour les dix ans d’existence de sa jeune devise sa présentation à Madrid. Le comportement de ses pupilles est remarqué et lui permet de récidiver l’année suivantes avec encore un plus grand succès. Le mayoral salua en fin de spectacle et certains revisteros qualifient le lot comme le meilleur de la temporada Madrilène 2019.
Malheureusement, son négoce va être très impacté par la crise immobilière espagnole et il doit vendre rapidement une partie de son bétail. Une décision qui se voit amplifiée par des problèmes de santé qui le poussent à se débarrasser de presque la totalité de sa ganadería. Pascal Mailhan profite de l’occasion pour acquérir en avril 2015, 40 vaches et un étalon, puis 30 nouvelles vaches et un autre étalon en septembre. Le bétail est d’excellente qualité, un des étalons ‘Hurón' est de la célèbre lignée du même nom qui donna entre autre le toro qui fit triompher à Las Ventas Diego Urdiales en 2018.
Le binôme Pagès Mailhan trouve dans ce bétail, presque la moitié de l’élevage de Julio García, une excellente base pour recommencer leur travail de sélection. Une sélection qui s’oriente outre la noblesse sur une recherche de mobilité. Les vastes espaces et la nourriture à l’herbe favorisent celle-ci et ils préfèrent investir sur les terres plutôt que dans le fourrage. Pour nos ganaderos, un toro de combat est avant tout un combattant mobile plutôt qu’une bête imposante mais immobile. Après le décès de Philippe Pagès, ses enfants et sa veuve ont repris le flambeau et Pierre, le fils de Pascal Mailhan, a intégré l’aventure. Les décisions se prennent ensemble.
En 2021, le troupeau était constitué de 120 vaches de ventre et 4 étalons, 2 du fer de Julio García et 2 de leur propre sélection. On y trouve encore des vaches de 3 fers, celui de Fuente Ymbro, de Julio García et bien sûr de Pagès-Mailhan. La plupart des bêtes sont negras ou castañas, mais on trouve également des jaboneras, dont la proportion devrait augmenter du fait de la présence d’un semental jabonero.
|
|