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Au début du XXème siècle, José Vega, excellent aficionado fortuné, s'offre son fantasme : une ganadería de bravos. Fantasque, il décide de créer un mélange inédit et unit la caste Vazqueña à l'encaste Santa Coloma. On raconte que lors du premier herradero, il avait oublié de se munir du principal pour la dite opération : le fer. Il dut alors chercher celui de son voisin, éleveur de mansos. En somme, José Vega était aficionado et non ganadero. Il vendit très vite son jouet, avant même d'observer les premiers résultats.
Lui succèdent en 1914 les frères Villar, Victorio et Franciso. Installés à Zamora, sur les terres de « La Granja » proches de Vadillo de la Guareña. Ils « tientent » les premiers produits du croisement et à la surprise générale, les résultats sont excellents. Ils ne conserveront la ganadería ensemble qu'une dizaine d'années, mais cela leur suffit pour fixer les caractères du croisement de Pepe Vega. En hommage aux fondateurs, on nomme cette origine Vega-Villar.
En 1922, les deux frères se séparent. Victorio conserve le fer historique avant de rapidement s’en défaire au profit de José Encinas. Francisco va pousser plus loin l’aventure avec un nouveau fer et se présente à Madrid avec une devise violette et rouge, le 5 Juillet 1924.
Durant l’été 1928, Arturo Sánchez Cobaleda achète à prix d’or le fer et les 250 têtes de bétail de Francisco Villar. Le prix justifiant la réputation de la devise. Les Vega-Villar quittent alors les terres zamoreñas pour le campo charro où ils occupent les fincas de Sánchez Cobaleda. Mais le bétail ne transita pas seul ; Lucio, le vieux mayoral de Paco Villar et conocedor de l’encaste depuis le premier jour, suivit ses bêtes. Il fut une aide précieuse pour Arturo Sánchez Cobaleda et sa présence explique le succès du changement de main. Le fer ne connaissant pas de baisse, bien au contraire. La présentation à Madrid fut des plus rapides, puisqu’elle eut lieu l’été suivant, précisément le 27 Juin 1929.
Arturo fut le premier Sánchez Cobaleda ganadero mais non le dernier. Ses héritiers, qui lui succédèrent en 1942, vont se révéler également d’excellents éleveurs. Si bien qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. Dans un premier temps, les cinq enfants d’Arturo restèrent unis, annonçant la devise « Señores Herederos de don Arturo Sánchez Cobaleda ». Ensemble, ils profitèrent de l’héritage légué par leur père, pour connaître l’époque de gloire de la ganadería. Depuis la fin de la guerre civile, la devise de Sánchez Cobaleda connaissait un cartel fort, une réputation qui allait exceller dans les années 1940. « Manolete », máxima figura de l’époque, avait un goût particulier pour les Sánchez Cobaleda, auxquels il coupa en 1945 à Palencia en compagnie d’Arruza et Pepe Luis Vásquez, rien moins que douze oreilles, six queues et six pattes ! Les Cobaleda sont alors reconnus comme de petits toros, vifs et suaves.
En 1950, l’élevage est partagé en cinq lots de cent cinquante bêtes. Cinq lots pour cinq fers mais en réalité trois élevages ; Pilar et Maria donnant la gérance de leurs ganaderias, respectivement nommées « Salamanca » et « Terrubias », à leur frère Manuel Sánchez Cobaleda. Les deux autres frères de Manuel, Jesús et Ignacio, donnèrent vie aux élevages de « Barcial » et « Barcialejo ».
Manuel Sánchez Cobaleda passa les années 1950 avec autant de succès, ses toros s’imposant dans toutes les plus grandes arènes d’Espagne. Mais à partir des années 1960, ils se firent plus rare. Non en raison d’une baisse qualitative, mais plutôt par le caractère intransigeant de don Manuel, qui ne voulait en aucun cas réduire la présentation de son bétail. La devise trouva alors un débouché dans les spectacles de rejón, les quelques corridas à pieds étant écoulées dans l’ombre.
Au décès de Manuel, en 1985, c’est sa nièce Pilar Majeroni Sánchez Cobaleda, fille de Maria, qui hérite. Mariée à José Manuel Sánchez, autre ganadero de souche, issu d’une famille de ganaderos des plus traditionnelles du campo charro, celle de « Agustiñez ». Le couple ne pouvait être mieux doté pour reprendre l’affaire. L’ensemble des Vega-Villar passa alors sous le fer historique renommé « Sánchez Cobaleda ». Tandis que le fer de « Salamanca » fut dénommé « Castillejo de Huebra » et réservé au bétail d’origine Murube ; quant à Terrubias, il fut peuplé de Santa Coloma dans la ligne Buendía. Trois fers de la famille Sánchez Cobaleda, auxquels il faut ajouter celui au nom de José Manuel Sánchez, qui étiquette là, un croisement Atanasio Fernández – Murube.
A la tête du pool ganadero, José Manuel Sánchez va poursuivre les traditions familiales et demeurer fidèle aux grands principes de la casa. Les Sánchez Cobaleda restant les dignes descendants de ceux du patriarche Arturo.
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Au cours d'une tertulia, José Vega exposa son idéal en matière de toro de lidia ; un mélange des caractéristiques du toro vazqueño et du Santa Coloma. Des mots aux actes il n'y a parfois qu'un pas, si bien qu'il tenta l'aventure. Il choisit scrupuleusement quarante vaches du Duc de Veragua, Cristóbal Colón y de la Cerda, et trois étalons du Conde de Santa Coloma : « Fuentecito », « Toronjito », et « Cuchareto ». Il entreprit ensuite le croisement.
La filiation de "l'idée" de Pepe Vega, ce sont les frères Vega qui vont l'étalonner et la formater, pour ne pas dire reformuler. Les deux frères accentuant encore l’influence Santa Coloma par l’apport de deux autres étalons du Conte : « Gitano » et « Chamusquino ». Le Vega-Villar est un toro berrendo, mélange de deux couleurs, dans une large plage chromatique ; des negros, des cárdenos, mais aussi des colorados et des jaboneros ou ensabanados. Ils présentent de nombreuses taches sur tout le corps et possèdent souvent le bout des pattes blanches, d’où leur surnom populaire de « Patas Blancas ». Une diversité de robe qui tient dans l'influence du sang Veragua. Mais il semblerait que ce soit le sang Santa Coloma qui ait pris le pas dans le mélange des deux races, apportant une morphologie réduite et un caractère très pimenté.
Après le partage de l’élevage entre les deux frères en 1922, Arturo Sánchez Cobaleda acquit l’intégralité de la part de Francisco en 1928. Arturo, va poursuivre l'œuvre des frères Villar et construire un toro imposant le respect. Malgré un petit squelette, peu osseux, une petite tête et des lignes fines, contrairement à son homologue de Barcial, le Sánchez Cobaleda a toujours dénoté et dénote encore par son trapio et son armure, imposante et fine.
Dans les années 1950, Manuel, l’un des cinq enfants d’Arturo, réunit sa part d’héritage avec celle de ses deux sœurs (soit 450 bêtes), Pilar et Maria, et poursuit dans les traces paternelles. Aujourd’hui c’est la nièce de Manuel, Pilar, fille de Maria, qui a repris le flambeau avec son époux, José Manuel Sánchez. Le bétail est à l’identique de celui du grand père Arturo, soit maintenu en vase clos par la famille Sánchez Cobaleda depuis presque un siècle.
Elevages d'origine Sanchez-Cobaleda :
Elevages disposant de bêtes d'origine Sanchez-Cobaleda :
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Morphologie
L’encaste Vega-Villar, ou « Patas Blancas », possède deux lignes : la ligne Cobaleda, qui présente un toro plus fort et plus armé que l’autre rame, celle dite de Encinas ou de Galache. Le toro de Sánchez Cobaleda découle directement de la ligne originelle de Cobaleda, initiée il y a près d’un siècle par Arturo Sánchez Cobaleda.
Le toro de Sánchez Cobaleda est bas, avec des extrémités et un tronc court. Le squelette est petit, surmonté d’une forte musculature et d’un morillo imposant. Cependant, et ce n’est pas le cas de tous les élevages de la ligne Cobaleda, le toro de Sánchez Cobaleda présente des lignes fines, donnant un ensemble harmonieux.
Chato (tête courte), le front et le museau sont larges, les yeux grands, la papada discrète, les cornes longues et astifinas, de la base aux pointes ; lui donnant une impression de grand sérieux malgré son poids léger. Le cou est de longueur moyenne, la ligne dorsolombaire droite, voire légèrement ensellée, la croupe ronde et la queue fine.
La robe caractéristique est le berendo, en negro, cárdeno, colorado et même ensabanado, assortie de nombreux accidents, ou taches, dont les plus fréquents sont le giron, lucero, estrellado, facado, careto, bragado, meano, corrido, axiblanco, aldiblanco, calcetero, calzón, coliblanco et rebarbo, rien que ça.
Comportement
En piste, le Sánchez Cobaleda présente une grande vivacité qui s'exprime dans sa bravoure, spectaculaire, au premier tiers. Certains exemplaires allient caste et noblesse et permettent des combats authentiques, vibrant d'émotion. D’autres font montre de comportements plus brutaux, livrant leur charge par à-coups et avec violence, se révélant peu propices à la tauromachie moderne.
Cependant, il est bien difficile de se faire une opinion sur le comportement actuel des Sánchez Cobaleda, l’intégralité de la camada étant lidiée en corrida de rejón.

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