Vaz Monteiro
Vaz Monteiro

Vaz Monteiro est un trésor génétique et historique. Il s’agit de l’ultime ganadería à maintenir vivante l’origine des toiros da terra du Portugal. Petits, fins, bien armés, agiles, les Vaz Monteiro ont traversé 181 ans d’histoire entre les mains de la même famille et sont aujourd’hui choyés par Rita Vaz Monteiro sur les terres de son herdade de São Martinho, au coeur du Portugal. Sortis à pied à Céret en 2002 et à Sangüesa en 2015, force est de constater qu’ils ne correspondent pas au comportement attendu d’un toro de combat contemporain : la mansedumbre domine clairement. Pourtant, peu importe leur comportement en piste car les Vaz Monteiro sont l’incarnation de la diversité de la cabaña brava — diversité en grand recul ces dernières années — et sont surtout un patrimoine taurin, historique et culturel qu’il convient de défendre et de sauver de l’uniformisation et de la marchandisation de notre société.

Ancienneté : -
Devise : Jaune
Signal : Orejisana
Propriétaire : Rita Vaz Monteiro
Gérant : Rita Vaz Monteiro
Fincas : “Herdade de São Martinho”  Avis
   Associação Portuguesa de Criadores de Toiros de Lide





Crédits photographiques : Terre de Toros  

 

En 1840, passons sur les détails car ils ne sont pas connus, José Vaz Monteiro, fils de António José Ventura Monteiro et de Maria do Rosario Vaz, devient éleveur de toiros au Portugal en achetant des vaches et des reproducteurs au marquis de Vagos, en l’occurence dom Maria José da Apresentação Pedro Régalade Balthazar do Pé da Cruz da Silva Telo de Meneses e Noronha, quatrième à porter un titre fondé en 1802 et joint à celui de comte de Aveiras pour clarifier les choses mais passons sur les détails.

Étonnamment, car aucune référence historique ne l’explique, le troupeau de José Vaz Monteiro passe, certainement à la fin des années 1850 ou au début des années 1860, entre les mains de son beau-frère mais néanmoins cousin, José Duarte Monteiro et de celles-ci entre celles de son fils, José Rodrigues Vaz Monteiro qui débute en son nom propre lors d’une corrida donnée le 12 juillet 1863. À partir de lui, la ganadería reste dans le giron de cette branche de la famille puisqu’elle est héritée par son fils António Rodrigues Vaz Monteiro au début du XX° siècle pour finir par être conduite par le fils de ce dernier, José Rodrigues Vaz Monteiro. Celui-ci n’était autre que le grand-père maternel de l’actuelle ganadera, Rita Vaz Monteiro Leão Cabreira. Pour le coup, la généalogie est ici d’une simplicité assez déconcertante eu égard à la complexité habituelle qui entoure l’histoire des ganaderías de toros et particulièrement celles du Portugal. La fin de la saga est donc entre les mains de Rita Vaz Monteiro. Privée de ses toiros par la Révolution des oeillets de 1974 et la réforme agraire qui s’en suivit, la famille (elle et son grand-père) ne récupéra une poignée de bêtes qu’en 1992 soit environ 55 vaches et un étalon ! Point de tienta possible, du moins les premières années, l’urgence fut de sauver un cheptel exsangue, à l’agonie.

Après, une fois la plaie soignée, l’héritière tenta un croisement avec du sang Saltillo qui ne convainquit personne et encore moins elle. Depuis le début des années 2010, ce croisement n’est plus qu’un souvenir. La ganadería est située sur les terres de la herdade São Martinho — longtemps les Vaz Monteiro étaient logés à Carregado, à quelques kilomètres de Vila Franca de Xira mais quand on remit à José Rodriguez Vaz Monteiro terres (une partie seulement) et troupeau en 1992, il décida de transférer ses toiros da terra dans cette herdade qu’il aimait pardessus tout — et tente de survivre dans un monde qui n’est plus celui de ses toiros.
Peu nous chaut qu’ils soient sortis mauvais ou très mansos à Céret en 2002 ou à Sangüesa en 2015. La lidia à pied doit-elle être leur destin après tout ?
Ils sont la diversité, ils sont un patrimoine, ils sont une histoire vivante… des livres agiles et vifs de 181 ans !

 


En 1840, l’élevage de toros au Portugal est en pleine (re)naissance par l’entremise d’un troupeau d’origine vazqueña que se partagent certains grands du royaume s’étant montrés fidèles à la légitimité monarchique lors des guerres qui opposèrent Pedro IV à son frère Miguel au début des années 1830. Ce dernier, s’auto-proclamant roi du Portugal en 1828 alors que son frère ne lui avait accordé que le seul titre de Roi-consort en le mariant avec sa fille, future reine, Maria da Gloria, avait reçu de son oncle le roi d’Espagne Fernando VII un (petit) lot de vaches et de reproducteurs issus de son rachat de l’élevage de Vicente José Vázquez en 1830. Quand Miguel Ier perd en 1834, le troupeau royal est alors offert (donc divisé), comme un bouquet de fleurs, à ceux des grands propriétaires terriens qui avaient montré le plus d’attachement à Pedro et à sa fille.

Si l’on s’attache aux caractéristiques zootechniques des actuels toros de Vaz Monteiro (à des années-lumière de celles d’un vazqueño), il ne fait pas de doute que ni la marquise de Vagos ni José Vaz Monteiro par voie de conséquence, ne furent comptés parmi les gagnants du loto royal de la fin des années 1830. Ce sont donc des toros du cru que récupère José Vaz Monteiro, c’est-à-dire des bêtes au physique réduit, bas, léger; bêtes dénommées les toiros da terra. Il est bien complexe de reconstituer leur histoire même si, en l’occurence, les réflexions proposées par Francisco Palha Botelho Neves dans son O Toiro de lide em Portugal apportent un éclairage assez raisonnable sur la question. Francisco Palha réfute d’emblée l’idée, qui prévalut un temps, de l’existence d’un toro portugais sui generis, autochtone, imposant, haut et fier. Non, pour lui, les bêtes sauvages présentes au Portugal au XVIII° siècle furent les résultats de croisements naturels opérés entre des toros sauvages venus d’Espagne par les chemins logiques des vallées fluviales (Douro, Tage, Guadiana) et des moruchos « do norte do Portugal », eux-mêmes descendants d’animaux d’origine celtique présents en Galice. Les animaux se moquent bien des frontières et des questions nationales…

Ce sont les clercs qui furent les premiers ganaderos de Lusitanie — grâce au paiement de la dîme—, comme ils l’avaient été des décennies plus tôt en Espagne, et il ne serait pas étonnant que les moines du Convento de Jericó de Benavente fussent à l’origine de la tradition ganadera du si taurin Ribatejo. Après eux, les grands propriétaires terriens, aidés par les premières phases de la desamortização, virent peut-être l’occasion, par l’intermédiaire de toros plus méchants que les autres et qu’il était possible de réutiliser souvent dans des jeux primitifs et peu codifiés, de faire grandir le renom de leurs titres nobiliaires aussi longs qu’une interminable nuit d’hiver. À la différence de l’Espagne, le Portugal n’a pas eu la possibilité de laisser du temps au temps pour faire mûrir sa tradition ganadera car il est passé du néant ou presque (ordres religieux) à la fin du XVIII° siècle à une obligation de mettre en oeuvre des techniques de sélection de plus en plus poussées avec l’arrivée sur son sol des toros vazqueños espagnols dès 1830. La transition fut très rapide et même accélérée par des éleveurs inspirés par leurs homologues andalous comme le fut par exemple José Pereira Palha Blanco.

Annoncé comme exempt de tout apport extérieur depuis ses origines, l’élevage de Vaz Monteiro, unique au monde, on en conviendra aisément, a connu ses propres soubresauts et parfois même ses cataclysmes ; ce qui ne peut que renforcer le respect que les aficionados éprouvent devant une telle longévité et devant la persévérance de l’actuelle ganadera pour sauver de la disparition un cheptel réduit et génétiquement à part.

Dans son livre Ganaderías portuguesas publié en 1957, Antonio Martín Maqueda fait mention de la ganadería de António Rodrigues Vaz Monteiro en ces termes : « Il fonda son élevage en 1910 avec des bêtes d’Emilio Infante da Câmara, Roberto e Irmão et Silva Vitorino ». Passons sur les détails des genèses de chacun de ces trois élevages pour en extraire directement l’essentiel : les trois avaient des origines issues des toiros da terra mais pas que évidemment sinon tout aurait été trop simple.

Il s’agissaient de ganaderías mixées entre des origines da tierra et vazqueñas. D’ailleurs, pour ne s’intéresser qu’à Emilio Infante da Câmara, il semblerait qu’il mena de front les deux origines dès la fin du XIX° siècle. Ainsi, en 1902, « dix de ses toros furent lidiés, quatre de l’ancienne race portugaise destinés aux rejones et six de la nouvelle caste qu’il est en train d’affiner et dont le semental est un toro de Palha Blanco ». Quelques lignes plus loin, Maqueda insère cette information sibylline, « pour fonder sa ganadería ou pour faire un croisement, António Vaz Monteiro lui acheta des bêtes en 1910 ».

Croisement ? Rafraîchissement ? Changement de cap ? L’histoire gardera ses secrets mais la réalité de ce qu’il reste de cet élevage aurait tendance à la trahir un peu, l’histoire. Les actuels Vaz Monteiro ressemblent énormément aux vielles photographies rencontrées ça et là des toiros da terra, celles de Carlos Relvas par exemple. De fait, il semble difficile de croire qu’António Rodrigues Vaz Monteiro ait transformé totalement son héritage et la thèse d’un rafraîchissement de sang portugais aurait tendance à emporter notre conviction.

La fin de la saga est aujourd’hui entre les mains de Rita Vaz Monteiro. Privée de ses toiros par la Révolution des oeillets de 1974 et la réforme agraire qui s’en suivit, la famille (elle et son grand-père) ne récupéra une poignée de bêtes qu’en 1992 soit environ 55 vaches et un étalon ! Point de tienta possible, du moins les premières années, l’urgence fut de sauver un cheptel exsangue, à l’agonie. Après, une fois la plaie soignée, l’héritière tenta un croisement avec du sang Saltillo — on évoque un ou des reproducteurs acquis auprès de Chafick — qui ne convainquit personne et encore moins elle. Depuis le début des années 2010, ce croisement n’est plus qu’un souvenir et ne subsistent sur les terres de São Martinho que les descendants presque jumeaux des toros sauvages portugais du XVIII° siècle. Un trésor à sauver !

 

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