|
Justo Nieto possède le vieux fer de José Vega, initiateur des fameux Vega-Villar ou Pattas Blancas. Initiée en 1910, la ganaderia a vécu une belle et longue histoire couronnée par l’implantation d’une nouvelle race, principalement dans le Campo Charro. Point besoin de revenir sur sa formation mille fois ressassée, (vous pouvez la retrouver sur la fiche Barcial), pour se retrouver en 1922, date de la division entre les deux frères Villar, Victorio et Francisco. La division marque la séparation en deux rames aux caractéristiques bien distinctes, les Cobaleda (Francisco) et les Galache (Victorio). C’est précisément cette dernière, dénommée également Encinas qui va nous intéresser ici.
José Encinas, natif de Ledesma, achète très vite la part de Victorio Villar et se présente à Madrid le 8 Juin 1924. Excellent éleveur, il marque de son sceau la ganaderia, liant à jamais son nom aux pattas blancas. Sous sa gouverne, la devise grandit en réputation et ce n’est que par souci financier qu’il est contraint de s’en défaire. Tout d’abord (1931) en vendant du bétail à Juan Cobaleda puis la totalité avec les droits du fer en 1932 à Esteban Hernandez. Heureusement prévoyant, José Encinas, en espérant une amélioration, avait posé une close de réserve sur un petit nucléon de bétail (50 vaches et 2 étalons). Les difficultés écartées, il put ainsi reprendre son activité avec toujours autant de réussite. A noter que question de droit, José Encinas acheta alors l’élevage de Fernando Gonzalez Serrano en 1932 et choisit une devise bleu, grenat et rose. A son décès, ses héritiers vendent l’élevage à Caridad Cobaleda, belle-sœur d’Atanasio Fernandez et veuve de José Maria Galache. Dotée d’une devise Gris, verte et grenat, elle s’annonce « Señora viuda de Galache ».
La famille Galache-Cobaleda, installée sur la finca « Hernandinos » à Villavieja de Yeltes, possédait déjà depuis le début des années trente du bétail de Félix Urcola. Les enfants du couple, Francisco, Eusebia et Salustiano, passionnés comme leurs aînés par le bravo, arrivèrent au décès de leur père à convaincre leur mère d’enrichir la ganaderia d’un second sang placé à son nom. Il s’agissait des fameux pattas blancas de José Encinas. Sous la gouverne des Galache, les Encinas vont muter. La transformation tient en une diminution de leur présence accompagnée d’une noblesse douce et allègre, encensée par une bravoure sans faille. Qualités qui s’adaptent parfaitement au toreo moderne et amène un fort succès commercial. Les années 40 et 50 situent l’âge d’or de la devise. C’est avec un toro de Caridad que Luis Miguel Dominguin s’autoproclame « el numero uno » ou encore qu’Antonio Ordoñez prend l’alternative. Toujours menés séparément du bétail Urcola, les vedettes de « la casa » sont les Vega-Villar et c’est tout naturellement qu’ils entrent dans chacun des élevages des enfants de Caridad en 1953. Avec le temps et les années, les élevages des fistons vont dépasser la ganaderia matrice qui décline peu à peu, rencontrant principalement des problèmes de force. En 1971, la totalité du troupeau, avec les droits du fer de José Vega est vendue à Justo Nieto Jimenez.
Justo Nieto ramène alors ses Encinas sur les terres de Ledesma, conservant fer, devise et ancienneté. Fidèle à la sélection de la famille Galache, il maintient son bétail dans le type. Un toro « bonito » dont la présence plutôt modeste le prive des grandes arènes à l’époque où la mode est au toro mastodonte. Mais sans bruit, Justo Nieto maintient un toro de bonne caste dont le moral rappelle ses origines. Cependant les problèmes de force persistent.
|
|
|
Au cours d'une tertulia, José Vega, exposa son idéal en matière de toro de lidia, un mélange des caractéristiques du toro Vazqueño et du Santa Coloma. Des mots aux actes il n'y a parfois qu'un pas, si bien qu'il tenta l'aventure. Il choisit scrupuleusement 40 vaches au Duc de Veragua et un étalon d'origine Saltillo, au Conde de Santa Coloma, et entreprit le croisement.
La filiation de "l'idée" de Pepe Vega, ce sont les frères Vega qui vont l'étalonner et la formater. Le Vega-Villar est un toro berrendo, mélange de deux couleurs, dans une large plage chromatique, des negros, des cardenos mais aussi des colorados et des jaboneros. Ils présentent de nombreuses taches sur tout le corps et possèdent souvent le bout des pattes blanches, d’où leur surnom populaire de « Patas Blancas ». Une diversité de robes qui tient dans l'influence du sang Veragua. Mais il semblerait que ce soit le sang Santa Coloma qui ait pris le pas dans le mélange des deux races, apportant une morphologie réduite et un caractère très pimenté.
Par la suite, les deux frères Villar vont se séparer et donner naissances à deux branches. D’un côté Arturo Sanchez Cobaleda va opter pour un toro imposant et très armé, de l’autre la branche initiée par José Encinas relayé plus tard par la famille Galache aboutit sur un toro autre, modeste et à la «douce bravoure» .
Outre les différences, il est à noter que la branche Encinas-Galache dut repartir en 1932 d’un nombre restreint de bêtes (50 vaches et 2 étalons). En effet, à cette date, José Encinas, pris par des difficultés financières, fut contraint de vendre à Esteban Hernandez l’ensemble de la ganaderia, récupérant seulement une cinquantaine de vaches. La chance ne fut pas du côté de Esteban Hernandez puisqu’il hérita d’une ganaderia mort-née, si on puit dire, ravagée dès le début de la guerre civile, soit seulement 4 ans après avoir débutée. Ne restait plus de cette branche des Vega-Villar que les quelque bêtes récupérées par José Encinas. La taille de la vacada explique sans nul doute la facilité avec laquelle la famille Galache va fixer ses caractéristiques. L’augmentation du troupeau par de multiples scissions étalant encore son influence. Influence que nous retrouvons encore intacte dans toutes les devises de la famille proposant ce sang et chez Justo Nieto, ambassadeur par l’histoire mais aussi par les gènes de la rame Encinas-Galache.
|
|
|
 |
Morphologie
Le Toro de Justo Nieto s’inscrit parfaitement dans la ligne façonnée par la famille Galache. Plus haut que les autres Vega-Villar et notamment son cousin Barcial, le Justo Nieto est un toro « bonito », comme il se dit. La distinction est d’autant plus flagrante que ses lignes fines et ses armures plutôt modestes lui confèrent un ensemble harmonieux, moins « basto », mais aussi moins puissant et moins impressionnant.
Chato (tête courte), le front et le museau sont larges, les yeux grands et la papada discrète. Le cou est de longueur moyenne, la ligne dorso-lombaire droite, voire légèrement ensellée, la croupe ronde et la queue fine.
La robe caractéristique est le berrendo, en negro, assorti de nombreux accidents, ou taches, dont les plus fréquents sont le giron, lucero, estrellado, facado, careto, bragado, meano, corrido, axiblanco, aldiblanco, calcetero, calzon, coliblanco et rebarbo, rien que ça.
Comportement
En piste, le Justo Nieto comme le toro de Galache, place ses atouts dans sa noblesse. Cette maniabilité exceptionnelle est agrémentée d’une charge exquise, à la fois douce et classieuse qui ravit bien entendu les toreros. Lorsque par bonheur vient s’ajouter la bravoure qu’il leur est coutumière, leur moteur ne cesse de tourner, devenant un toro propice au triomphe.
L’idéal ? Non, il manque encore un ingrédient et non des moindres, l’essence même du toro : la caste. Et s’il existe un reproche à faire aux toros de don Justo c’est d’en manquer trop souvent. La sélection les a conduits également à manquer de force, ce qui n’est pas pour aider la carence de caste. Mais lorsque la caste pointe son nez, elle transforme leur alegria naturelle et repousse aux oubliettes leur fadeur pour promouvoir une noblesse piquante irrésistible.

|
|
|