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Les origines de la ganadería de don Atanasio Fernández se trouvent en Navarre, dans les Bardeñas reales. Là, Nazario Carriquiri poursuivait l’œuvre engagée par le célèbre élevage de Guendulain. Les petits toros rouges, alliant vivacité, intelligence, agressivité et bravoure étaient craints de tous les toreros. La réputation de la devise était considérable, dépassant les bornes de la tauromachie pour entrer dans le langage populaire et les proverbes de l'époque. Illustration avec le toro ‘Llavero’ qui fut gracié en 1860 à Saragosse après avoir reçu 53 piques ! A partir de 1868, Nazario Carriquiri mena l'élevage avec son neveu le Conde de Espoz y Mina. Conjointement, ils tentèrent un croisement avec du bétail de Picavea de Lesaca, c'est-à-dire les futurs Saltillo. Puis, en 1884, le grand âge de Nazario l’obligea à laisser le commandement à son neveu. L'épopée des toros navarrais s’achevait ou presque, leur zone d'influence s'amenuisant peu à peu à la seule partie navarro-Aragonaise.
En 1908, Bernabé Cobaleda transporte le bétail dans le Campo Charro dans sa finca de ‘Campocerrado’. Après quelques essais, il comprend que le prestigieux troupeau de caste navarraise est passé de mode et à partir de 1925, il diminue progressivement le nombre de bêtes au profit de bétail pur Vistahermosa. Il débute avec 35 vaches et l'étalon ‘Treinta’ du Conde de la Corte auxquels il ajoute l'année suivante 28 becerras toujours du Conde de la Corte.
Bernabé Cobaleda ne pourra apprécier la qualité de son acquisition puisqu'il décède quatre ans plus tard. La ganadería est alors partagée entre son fils Juan et sa fille Natividad. L'époux de cette dernière, Atanasio Fernández, poursuit l'œuvre de son beau-père et incorpore à nouveau du bétail du Conde de la Corte en 1930, avec 41 vaches et l'étalon ‘Carabella’.
Le nouveau fer se présente à Madrid en 1932, mais il faut attendre le début des années 1940 pour voir débuter l’avalanche de succès, le temps que la sélection fasse son effet. Avec la même souche que nombre de ganaderías, Don Atanasio Fernández innove en accordant autant, sinon plus, d'importance à la noblesse qu'à la bravoure. Par sa sélection, il obtient un toro harmonieux, suave, plus collaborateur qu'ennemi, qui s'accorde parfaitement aux mutations du toreo. La devise trouve le succès à partir des années 1940 et maintiendra son rang jusque dans la fin des années 1970. Le palmarès est époustouflant, indulto, vueltas al ruedos, prix du meilleur toro, du meilleur lot de toros et ce dans les arènes les plus exigeantes. Le livre d’or de la ganadería est une véritable encyclopédie, agrémenté par les trois autres fers de l’élevage : celui de son fils, Bernabé Fernández Cobaleda de 1956 à 1960 ; de sa fille Pilar Fernández Cobaleda annoncé « Ganadería de Campocerrado » de 1963 à 1971 et des enfants de sa fille Natividad, Hermanos Aguirre Fernández Cobaleda de 1973 à 2008. Ce succès durable lui permet de vendre de nombreux reproducteurs, d’abord au Portugal puis dans le Campo Charro de Salamanque. Ses idées en matière de sélection se propagent alors avec ses toros jusqu'à devenir une référence alliant une morphologie imposante à un comportement caractéristique, la caste Atanasio Fernández venait de naître.
Les années 1970 seront plus délicates avec de réelles déconvenues et trois lots entiers refusés à Madrid. Cependant, la devise conserve son rang et remporte des prix de grande renommée.
Au décès de don Atanasio, en 1982, c’est son fils Bernabé et son gendre, Gabriel Aguirre, qui prennent la succession. Bernabé décède une dizaine d’années plus tard dans un accident de voiture, laissant les rênes au Señor Aguirre, excellent aficionado et grand ami d’Enrique Ponce. Une amité qui lui servira pour maintenir son élevage dans les grandes ferias. Mais il s’agit désormais d’illusions et les étoiles, si nombreuses par le passé, se font bien rares. En 2003, Gabriel Aguirre décède, laissant la gérance à son fils Asis. Mais l’homme ne parviendra pas à relever la devise et en 2008 la quasi-totalité du troupeau part à l’abattoir. Ne subsiste alors à Campocerrado qu’une poignée de vaches et le fer est mis en sommeil. En 2012 et 2013 disparaissent les deux filles de don Atanasio, Pilar et Natividad, et avec leur départ le rideau semble définitivement tombé.
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Lorsque Bernabé Cobaleda achète l’élevage de Carriquirri, c’est bien pour lui faire retrouver son lustre d’antan. Le transfert du troupeau des Bardeñas au Campo Charro, qui dura près d’un mois et demi est à lui seul une preuve de ses motivations. Pourtant, dès 1909 et sa présentation à Madrid, don Bernabé comprend que l’affaire ne sera pas facile et qu’il faudra commencer par combattre les réticences des toreros. A cette époque, les toreros recherchent un plus grand esthétisme en faisant passer les toros plus près d’eux dans des postures placides. Si la vivacité des toros Navarrais était une garantie d’émotion, leur intelligence empêchait toute quiétude pour les toreros et aucune sélection ne pourra inverser cette tendance. Bernabé le comprit peu à peu, pour être définitivement convaincu par le duo Joselito-Belmonte. Le temps des petits toros navarrais était révolu. Suivant le courant de l'époque, il reformata son élevage à partir d'une des meilleures ganaderías du moment, celle du Conde de la Corte qui possédait depuis peu le sang pur Parladé de la Marquise de Tamarón. En 1925, 35 becerras et l'étalon ‘Treinta’ transitent de l'Extremadura vers le Campo Charro, suivis de 28 becerras en 1926.
Si Bernabé Cobaleda initia le changement, c'est son gendre, Atanasio Fernández, qui va formater le futur encaste. Il incorpore à nouveau du bétail du Conde de la Corte en 1930, avec 41 vaches et l'étalon ‘Carabella’.
Mais plus que le sang, c'est la sélection qui fait un élevage. Dans sa finca de ‘Campocerrado’, Atanasio Fernández élabore un toro particulier, aux lignes plus harmonieuses et à l’armure moins agressive que son ancêtre Parladé, tout en conservant le côté anguleux du squelette, donnant parfois des silhouettes grossières. Pressentant l'évolution du toreo, don Atanasio va être un des premiers éleveurs à ne pas fixer seulement son attention sur la bravoure brute. Outre l'épreuve du cheval, il accorde autant, sinon plus, d'importance à la suite du combat, n'hésitant pas à conserver les vaches d'une bravoure discrète mais étalant ensuite une charge pleine de classe, à la fougue croissante. Sa sélection, faisant primer la maniabilité sur la caste et la bravoure, produit un toro au comportement surprenant, finissant très fort et déjouant souvent les pronostics.
S’il apporte quelques concessions dans sa sélection sur la bravoure, par rapport à la définition du début du siècle, don Atanasio n'en est pas moins intransigeant sur la caste et le trapío de ses produits. En bon visionnaire, sa sélection s'inscrit parfaitement dans l'évolution du toreo, permettant le spectacle dans le dernier tiers, sans toutefois galvauder l'émotion en maintenant un toro à la forte présence en piste.
Le sang Atanasio Fernandez est présenté comme pur condeño. Néanmoins, Atanasio fit deux acquisitions infidèles. La première eut lieu en 1930, au moment même où il venait d’hériter de la moitié du troupeau de son beau-père Bernabé Cobaleda. C’est ainsi que 30 vaches de caste Albaserrada de Escudero Bueno rejoignent ‘Campocerrado’. La seconde eut lieu en 1956 alors que l’élevage était à son apogée et vendait de nombreuses bêtes pour reformer ou construire de nouvelles ganaderías. Associé au torero ‘Jumiliano’, Atanasio acheta l’élevage de la marquise de Deileitosa situé à Buenamadre et présentant un mélange de deux encastes parladeños : Clairac donc Gamero-Cívico et Juan Cobaleda, c’est-à-dire la même origine que les Atanasios originels. Les deux hommes conservèrent l’élevage une dizaine d’années sous l’appellation Ortuño « Jumillano ».
Bien évidement l’histoire ne dit pas si il y eut des échanges entres ces différents fers, mais il est sûr qu’un homme aussi intelligent et avisé en affaire que don Atanasio n’a pas fait ces négoces par hasard. Il avait ses raisons et tout laisse à penser qu’elles étaient excellentes, soit pour le bétail soit pour les affaires.
Elevages disposant de bêtes d'origine Atanasio Fernández :
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Morphologie
Le toro d'origine Atanasio Fernandez possède une morphologie fidèle à son origine Parladé, aux formes plutôt grossières.
Haut, long, le tronc est large et fort, donnant un tiers antérieur plus développé que le tiers postérieur. De ce fait, de nombreux exemplaires sont aleonados ou ensellés, donnant parfois l'impression d'un toro démantibulé, manquant de sérieux. Ce n'est pas un toro aux formes arrondies car il possède peu de chair autour des os et, s’il atteint des poids importants, c'est principalement dû à sa taille. Le front et le museau sont larges, donnant une tête imposante pourvue de grands yeux. Les cornes sont blanches à la base, très développées, astifinas et dirigées vers le haut (cornivuelto et acapachado), ce qui constitue un des points forts de l'encaste, lui permettant d'entrer dans toutes les arènes de première catégorie. Le cou est long, le morillo peu développé et la ligne dorsolombaire légèrement ensellée. Des sabots larges, une queue longue et grosse avec un borlon très touffu ainsi q'une badana et une papada développées donnent généralement aux toros de cet encaste des formes grossières.
Les pelages sont variés, les plus fréquents sont les noirs, mais il arrive de trouver des castaños, des colorados et des cardeños. On trouve également des salpicados et des bragados.
Comportement
Au comportement, il s'agit d'un toro reconnu pour ses qualités de noblesse, il collabore avec le torero.
A sa sortie en piste, il paraît sur la réserve, fuyant les capes et effectuant plusieurs tours de piste avant de se fixer (toro abanto). Puis, au fil du combat, il se livre, développant ses plus grandes qualités lors du dernier tiers. En général, il a tendance à "mansear" aux piques, commence à se valoriser aux banderilles pour finir supérieur. La classe de ses charges et son alegria gomment au fil du combat ses carences en bravoure. Non dénué de caste, son "embestida" templée et constante permet de longues faenas. Cette bravoure croissante, cette façon d'aller "a más" durant la lidia, demeure la particularité qui fait que les figuras les apprécient.

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